Sutures

Le titre désigne ces plaies que l’on tente parfois de refermer, mais qui restent marquées dans la chair.
David essaie de communiquer, mais dans sa famille c’est perdu d’avance, entre son père médecin jamais là, antre sa mère qui ne supporte pratiquement personne chez elle et ce grand frère qui l’ignore… On est dans les années 50, pour tenter de résoudre les problèmes de sinus de David, son père lui inflige des séances à répétition de Radiographie. Plusieurs années plus tard, apparait un kyste qui deviendra, faute d’avoir été davantage pris au sérieux, un cancer. L’opération otera en partie la voix à David…

Par fredgri, le 24 février 2010

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Notre avis sur Sutures

Je dois bien avouer que j’ai mis un peu de temps avant de me lancer dans la lecture de ce volumineux album. Le graphisme ne m’accrochait pas forcément et attaquer les énièmes souvenirs de jeunesse expiatoire me semblait tout de suite rhédibitoire. Finalement, je me suis lancé, et, progressivement, je ne l’ai pas vraiment regretté. D’accord, c’est très égocentrique, d’accord, ça n’a pas l’exceptionnelle justesse pleine de finesse que clame le dos de couverture, néanmoins, c’est aussi profondément touchant.
Bien au delà du cadre, de l’époque, c’est surtout et principalement le regard d’un enfant qui parle de l’indifférence d’une famille qui ne sait pas se construire des liens solides. Le père est absorbé par son boulot, sa mère, aigrie, qui cache un lourd secret, ne cesse de s’éloigner de sa famille, nourrissant sans cesse une sorte de haine plus ou moins visible à l’encontre de tous et plus particulièrement de ce fils sensible, émotif. David Small nous raconte donc son enfance par morceaux choisis au sein de cette famille qui n’en n’est plus une réellement, il a très vite le sentiment de n’y être qu’un étranger. Il se réfugie rapidement dans le dessin, dans les lectures – même s’il doit subir l’une des pires choses qui soit, la destruction de sa collection de livre et de ses disques par sa mère. Ce monde imaginaire qui commence à le nourrir, qui va le pousser à prendre sa liberté plus tard, pour tenter de vivre de son art.
David Small ne développe pas énormément les pistes annexes, il se concentre beaucoup sur cette histoire d’indifférence, d’incompréhension, des secrets cachés, des non dits, des apparences. On voit bien quelques passages ou interviennent des morceaux de dessin qui sortent du papier, des rêves, mais cela ne reste qu’une vague ébauche. De même qu’il aborde en effet à plusieurs occasions le thème de l’exploration des ressources nucléaires, mais sans insister là non plus. Tout ça reste davantage de l’ordre du background, car ce qui nous est avant tout raconté, c’est le rapport d’un enfant avec sa mère (l’album se concluant pratiquement avec la mort de cette dernière).
On est face à un jeune garçon qui souffre en silence de ce manque d’amour, de ce regard qu’elle lui porte, sans émotion, toujours courrouce, complètement indifférente aux aspirations artistiques de son fils, à la subtilité de ses lectures. Par exemple, il lit Lolita… Bon, c’est vrai que lire ce livre à 11 ans c’est peut-être un peu jeune… Mais, là, il n’est pas question d’essayer d’en parler calmement, non c’est tout de suite au feu avec le reste des livres !!! Très vite on se rend bien compte qu’il y a une rupture, qu’il n’y aura même pas de tentatives pour reconstruire quelque chose. Car rien n’y fait. Même pas cette histoire de cancer, même pas cette cicatrice qui lui ôte la voix, qui handicape sa vie sociale. Non, ce fils c’est un étranger.
C’est en cela que cet album est touchant, car on ressent bien le gouffre qui s’agrandit entre eux deux, ce gouffre qui va conditionner tout le reste, qui va éloigner David du reste de sa famille. Et quand son père vient lui avouer qu’il est directement responsable de son cancer, c’est déjà trop tard pour reconstruire des liens.

Donc, c’est d’abord cette matière émotionnelle qui m’a permis d’entrer dans l’album, d’autant que les 60 premières pages ont aussi une petite touche d’humour assez bienvenue. Ensuite, le graphisme, je m’y suis rapidement fait. Les pages se lisent très vite et du coup, le côté dessin fait à l’arrache passe très bien une fois qu’on s’est bien immergé, et vers la seconde moitié, je me suis même vu me faire la réflexion que telle ou telle case était excellente. Je sais que David Small est un illustrateur très reconnu aux States, personnellement je n’avais jamais croisé son nom et j’ai donc abordé cet album sans absolument aucun à priori, négatif comme positif.
C’est pourquoi je me permet d’être touché par certains aspects de cette œuvre et plus "sceptique" pour d’autres. Malgré tout, C’est un album très intéressant que je conseille assez vivement.

Par FredGri, le 24 février 2010

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