Sylvia, Shakespeare & Co

Paris, 1961.

Nicole se rend, tremblante, à un entretien d’embauche. Elle, qui n’a pas fait beaucoup d’études, redoute ce moment. L’emploi consiste à faire le ménage chez une femme âgée. Lorsqu’elle entre dans l’appartement, elle découvre tellement de rangées de livres qu’elle pense être chez une autrice. Elle ne doute pas qu’elle vient d’entrer chez une ancienne libraire du nom de Sylvia Beach ; une Américaine qui ouvrit à Paris dans les années 1920, une librairie dédiée à la littérature anglaise qu’elle baptisera « Shakespeare & Co ».

Par eiffel, le 23 janvier 2025

Notre avis sur Sylvia, Shakespeare & Co

Paru en janvier 2025, ce roman graphique est une biographie de Sylvia Beach, une Américaine installée en France qui va ouvrir la fameuse librairie « Shakespeare & Co » à Paris. La littérature anglo-saxonne va y être grandement mise en lumière.

Emilia Cinzia Perri relève ici le défi d’écrire une biographie. C’est un exercice risqué tant sur le fond que sur la forme car il faut sélectionner les tranches de vie d’une personne que l’on ne connaît pas forcément et les retranscrire pour qu’elles présentent un intérêt pour les lecteurs. C’est avec brio qu’Emilia brosse un portrait fidèle de Sylvia Beach.

Avec l’aide de la dessinatrice Silvia Vanni, la scénariste réussit à plonger le lecteur dans l’univers de Sylvia Beach. J’ai, pour ma part, été directement transportée dans l’atmosphère parisienne des années 20. Les jeunes auteurs de talent de l’époque sont présentés sobrement sous l’angle des émotions de la libraire. Entre les lignes, le lecteur peut comprendre l’ampleur de la révolution littéraire qui s’amorce. Il y croisera avec plaisir Hemingway, Claudel, Valéry, Gide… Si Sylvia a pu côtoyer tous ses écrivains, c’est parce qu’elle a rencontré Adrienne Monnier, elle-même libraire mais en littérature française. Elles vivront une passion amoureuse de presque vingt années.

Tout au long des 176 pages, le lecteur va découvrir, grâce à des morceaux choisis de son parcours, la vie de Sylvia Beach. De son enfance dans le New Jersey, à sa passion pour la littérature en passant par son séjour en Serbie et son installation à Paris, l’autrice retrace le parcours riche d’échanges et de lectures de son héroïne. Elle deviendra même une célèbre éditrice ; elle a, entre autres, publié Ulysse de James Joyce considéré comme un roman satirique avant-gardiste pour l’époque. Sous l’Occupation, le passage de son internement à Vittel est traité avec pudeur, c’est un beau moment de lecture que nous offre Emilia Cinzia Perri. Enfin, le récit distille des phrases philosophiques ça et là et je crois que celle que je préfère est : « C’est accompagné qu’on donne le meilleur de soi ».

Les illustrations maîtrisées de Silvia VIANNI servent cet album. Les dessins, tout en rondeurs, confèrent aux personnages une bonhommie qui suscite presque automatiquement la sympathie chez le lecteur. Les épisodes où Sylvia « vole » sont brillamment exécutés de sorte que le lecteur comprend immédiatement que le personnage s’évade dans les univers créés par les auteurs.

Cette bande dessinée compte des bonus : quelques lignes d’œuvres intemporelles (Alice au pays des merveilles, Le Soleil se lève aussi, Retour au meilleur des mondes) jalonnent le récit afin de réfléchir à la portée de ces phrases.

En résumé, ce roman graphique est une biographie réussie puisqu’elle met en avant une figure de la vie culturelle du Paris des années 1920. Cet album a le mérite de sortir Sylvia Beach de l’oubli – je ne soupçonnais même pas son existence !

Par Eiffel, le 23 janvier 2025

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