Tangente

Dans son précédent album Zeste, l’auteur avait choisi de contraster une histoire sombre par des couleurs vives et lumineuses. Ici, aucune couleur n’apparaît. L’album sera au diapason du récit, noir, très noir même. Une fois cette différence notable constatée, le lecteur retrouvera des thèmes familiers chez l’auteur, des histoires d’amour, avec en toile de fond le pouvoir que peut exercer un homme sur une femme et bien sûr le basculement du quotidien, thème central de l’album.

Après 4 ans d’absence, il est plaisant de retrouver cette artiste à l’identité graphique très forte et à la narration subtile. La voix off omniprésente est en décalage permanent avec les cases et donne un fil conducteur particulièrement efficace. Les textes sont toujours très travaillés, peut-être un peu trop parfois, mais font toujours sens. Les histoires s’enchainent et sont entrecoupées de séquences très oniriques. Même si la narration est un peu plus sage que lors de l’album précédent, Céline Wagner s’autorise à dériver avec des passages très métaphoriques et symboliques. Elle parvient alors à nous surprendre, en sortant des sentiers battus, et à nous émouvoir avec une noirceur parcourue de moments très poétiques. L’auteur n’hésite pas à bousculer le lecteur, le mettre mal à l’aise voire même le questionner. Ses textes recherchés et son noir et blanc impeccable donnent au livre une puissance évocatrice qui marquera le lecteur pour longtemps.

Certes, cet ouvrage peut paraître un brin exigeant, avec un double niveau de lecture et des passages qui nécessiteront plusieurs visions pour en découvrir tous les secrets. Mais il serait dommage de passer à côté d’une artiste aussi étonnante et talentueuse, qui nous livre ici un recueil cohérent et bourré de qualités. Alors n’hésitez plus, et venez découvrir l’univers torturé et tortueux de Céline Wagner.

Par Arneau, le 24 août 2012