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Terorisuto

Fin des années 1960, comme d’autres parties du monde, le Japon est touché par une vague de contestation étudiante, marquée par une idéologie d’extrême-gauche. Certains vont alors choisir de basculer dans une action violente et terroriste. La répression du gouvernement étant de plus en plus forte, le mouvement se déplace au Moyen Orient, en soutien à la cause palestinienne.

Par v-degache, le 26 janvier 2025

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Notre avis sur Terorisuto

Si Terorisuto débute en 1976 par le spectaculaire attentat kamikaze du nationaliste et extrémiste Mitsuyasu Maeno, acteur raté de films érotiques, ciblant Yoshio Kodama, criminel de guerre et lui-même ultranationaliste, impliqué dans des scandales financiers, c’est pour ensuite l’opposer aux sacrifices idéologiques d’une toute autre nature !

1968, des étudiants révolutionnaires, luttant contre l’État japonais, tentent de mobiliser les ouvriers et de réaliser la convergence des luttes, mais le mouvement est gangréné par les luttes entre communistes, trotskystes, maoïstes… Comme dans d’autres parties du globe, le Japon est marqué cette année-là par des affrontements entre jeunes et forces de l’ordre, la contestation étant nourrie par la lutte contre les dérives autoritaires et policières du régime, et par l’utopie d’une révolution prolétarienne.


Frédéric Maffre (dessin) et François Ruiz (scénario) s’attaquent au récit de la mouvance terroriste de l’extrême-gauche japonaise, née de ce mouvement estudiantin de 1968. Surveillés étroitement par la police, les activistes se radicalisent peu à peu et choisissent de basculer dans la lutte armée, allant jusqu’à prendre en otage les passagers d’un avion, en 1970. Un sacré coup d’éclat, mais diverses opérations vont peu à peu leur faire perdre le soutien des communistes et des socialistes.

Puis, en 1972, est créée l’Armée Rouge Japonaise (ARJ), sous la houlette de la charismatique Fusako Shigenobu, trouvant soutien et refuge auprès de l’organisation marxiste du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de Georges Habache et Waddie Haddad. Direction les camps d’entrainement du Sud Liban, afin de poursuivre une lutte armée et terroriste mondialisée, impossible à poursuivre depuis le Japon. Le combat pour la Palestine va être prétexte aux prises d’otages, attentats-suicides, avec en point d’orgue le massacre mené par Kozo Okamoto à l’aéroport israélien Lod de Tel-Aviv, qui fera 26 tués et 80 blessés, le 30 mai 1972.

Le dessin de François Ruiz et les couleurs de Kathrine Auraam restituent pleinement cette frénésie révolutionnaire de la fin des années 1960, ainsi que la violence et l’agitation de la décennie suivante. Il fallait ce trait impétueux pour plonger totalement le lecteur dans cette atmosphère, et c’est une réussite ! Quant à l’écriture de Frédéric Maffre (Stern), elle évite l’écueil de l’exhaustivité, ne développant pas toutes les actions meurtrières menées au nom d’une idéologie, et ne se perdant pas dans un traitement approfondi de toutes divisions entre les différents groupuscules révolutionnaires, faisant de quelques épisodes (massacre de l’aéroport de Lod, fuite de l’Armée Rouge Unifiée dans les montagnes de Gunma à l’hiver 1971-1972…) les moments forts du récit, dans un format comics qui lui sied à merveille. Pas non plus d’héroïsation malvenue de ces luttes sanglantes, comme certains politiques ont tendance à faire actuellement avec le Hamas, pour des considérations bassement électoralistes…

28 février 1972 : après dix jours de siège, la police met fin à la prise d’otage du chalet Asama. Les membres de l’Armée Rouge unifiée sont arrêtés.

Tous ces choix judicieux fonctionnent et donnent un album de 123 pages très cohérent, en plus d’être passionnant et graphiquement convaincant !
Terorisuto est fortement recommandé !

Par V. DEGACHE, le 26 janvier 2025

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