Texaco : Et pourtant nous vaincrons

A la fin des années 1960, l’Amazonie est encore une forêt vierge où vivent huit peuples autochtones : les Siekopais, les Kichwas, les A’i Cofans, les Waoranis, les Sionas, les Shuars, sans oublier les Têtetes et les Sansaharis. Tous vivaient en harmonie avec la nature, de la pêche et de la chasse. Jusqu’à ce jour de 1967 où les autochtones découvrent pour la première fois un hélicoptère au dessus de la forêt. Ces hommes qui viennent avec des engins de chantier et des camions, avant de voir apparaitre la première route en 1969 et le premier oléoduc. Le premier puit de pétrole est né en 1967. Le premier baril de brut est extrait en 1972, l’année de naissance de Pablo Fajardo.

Pendant 20 ans, la compagnie pétrolière Texaco (aujourd’hui racheté par Chevron), va exploiter l’or noir en Amazonie équatoriale et commettre l’un des pires désastres écologiques au monde. En 1993, Texaco quitte l’endroit sans se soucier de ce qu’ils laissent derrière eux. 30 000 autochtones ont attaqué la société en justice, tel David contre Goliath. Pablo Fajardo, ouvrier au départ, devenu avocat est depuis le porte parole et le défenseur de cette cause. En 2011, la justice équatorienne condamne Texaco qui doit payer 9 milliards de dollars, ce qu’ils ne vont pas faire… Mais Fajardo et les paysans continuent de lutter pour que justice soit rendue…

Par berthold, le 18 mars 2019

Notre avis sur Texaco : Et pourtant nous vaincrons

Je vous invite d’ores et déjà à lire cet incroyable album qui fait prendre conscience d’une des plus grandes catastrophes écologiques et humaines de l’histoire.

Je ne connaissais pas l’histoire de ces peuples d’Amazonie qui ont été et qui sont toujours victimes de grosses compagnies pétrolières, comme Texaco, devenu Chevron depuis. Nous apprenons même que certaines peuples ont carrément disparu.
Les Arènes BD propose de découvrir cette histoire et celle de Pablo Fajardo, cet avocat qui lutte et continue à lutter pour que justice soit faite, que Texaco/Chevron paie ce qu’elle doit au peuple d’Amazonie.
Sophie Tardy-Joubert, journaliste, a tiré du récit de Pablo Fajardo un scénario qui, avec l’aide de Damien Roudeau, permet de découvrir et de prendre conscience de ce drame. C’est un récit prenant, un thriller haletant, dans la même veine que des films comme Révélation de Michael Mann ou Erin Brockovitch de Soderbergh.
La construction de l’histoire est très bien menée. J’ai beaucoup aimé l’introduction, cette visite au cœur de la forêt amazonienne pour en arriver aux "lieux des drames".
Elle nous fait prendre conscience de l’horreur que vivent les peuples indigènes, ne se rendant pas compte du danger qui va les toucher. Et surtout, nous découvrons que la compagnie pétrolière n’a rien fait pour les mettre en garde et les aider. Il y a un tel constraste avec la "ville" créée spécialement pour les employés de la compagnie avec eau propre, potable, et surtout de l’électricité, 24h sur 24. Nous allons même apprendre que ces ouvriers ont commis au début quelques belles "saloperies" aux indigènes et surtout aux femmes.
Le récit est raconté aussi du point de vue de Pablo Fajardo, à la première personne. Cela donne plus de force à l’histoire, plus de puissance au témoignage.
Nous découvrons le parcours de cet homme, cinquième enfant d’une famille de dix et élevé par une père et une mère analphabète. Depuis l’âge de 14 ans où il suit deux de ses frères pour aller chercher du travail dans ces régions où il y a le pétrole et la découverte de la réalité. Fajardo va batailler pour se payer des études et ainsi, devenir un avocat.
Nous assistons aussi aux procès, la persistance de ces hommes et femmes pour faire éclater la vérité et que jsutice soit faite. Petit à petit, Fajardo devient leur porte-parole, au péril de sa vie. Un de ses frères est même battu à mort… Pablo doit vivre avec le doute que la disparition de son frère est de sa faute. Du coup, il faut aussi qu’il protège sa famille. Fajardo n’a pas une vie facile, et pourtant, il s’acharne pour que justice soit rendue et qu’ils obiennent tous gain de cause. Mais en face d’eux, il y a l’argent d’une grosse multinationale, d’une grosse compagnie pétrolière qui peut faire ce qu’elle veut, même ne pas payer ce qu’elle doit.
Le combat, aujourd’hui, n’est pas fini. Malgré cela, le récit se termine sur une note d’espoir : voir disparaitre le pétrole et les résidus qui polluent encore ces sols. Et cet espoir viendrait de la nature elle-même. L’avenir nous le dira.

Le graphisme de Damien Roudeau est très efficace. Grâce à son trait, son style, ses couleurs, on peut prendre conscience de ce mal qui touche l’Amazonie et de ce fait, la Terre elle-même. Ses planches font très reportage, ce qui donne plus d’authenticités, plus de véracités à ses propos.
Les visions de la forêt, les endroits non touchés par la pollution, sont magnifiques. Roudeau a fait un travail remarquable qui mérite d’être reconnu.

Un roman graphique qui fait prendre conscience d’une des plus grandes catastrophes écologiques, du pouvoir de certaines mutinationales pour cacher les horreurs qu’ils ont commises. Mais ce récit montre aussi la force, la volonté de ces gens qui, malgré la douleur, la perte des êtres chers dus à la pollution, continuent de lutter pour la justice. C’est vraiment "David contre Goliath" et ces gens méritent tout notre respect.

A l’heure où l’on parle de l’avenir de la planète, du climat, je vous invite vraiment à lire cet album.
A noter que Pablo Fajardo sera présent en France du 27 mars, date de la sortie de ce livre, au 5 avril 2019.
Une lecture importante, à ne surtout pas manquer.

 

Par BERTHOLD, le 18 mars 2019

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