The Life and Times of Martha Washington in the Twenty-First Century

Cet énorme recueil de 600 pages regroupe absolument toutes les histoires de Martha Washington écrites par Miller et dessinées par Gibbons, avec des commentaires des auteurs et autres bonus.
Comme beaucoup d’autres de cette année 1995, Martha Washington nait au cœur du Green, un énorme complexe qui rassemble toutes les populations noires et miséreuses de la ville. C’est un lieu de misère, de violence et de trafics divers. Avec sa mère et ses deux frères, ils occupent une toute petite pièce dans laquelle la gamine commence déjà à rêver d’un autre part, d’un endroit ou elle pourra vraiment servir à quelque chose… En 2005, elle montre déjà de sérieuses aptitudes, élève très douée, elle s’en sort très bien, mais soudain, alors qu’elle est témoin d’un double meurtre elle sombre dans une léthargie qui va la tenir 4 ans dans un asile. Mystérieusement revenue à la surface, elle décide de s’en sortir toute seule et finit par incorporer les troupes de la Pax, la force armée du président Rexall, sorte de double de Reagan, ou elle se distingue très vite et monte un à un les échelons de la hiérarchie malgré les pièges et les abus qu’on lui fait subir…

Par fredgri, le 18 octobre 2009

Notre avis sur The Life and Times of Martha Washington in the Twenty-First Century

Juste après Watchmen et Batman – Dark Knight, Gibbons et Miller décidaient de se retrouver pour dépeindre cette histoire, critiquant la politique américaine avec ses investisseurs privés, avec sa soif de l’argent et sa phobie des minorités.
Certes Miller n’y est pas très fin, mais le scénario apparait très vite plus subtil qu’il n’y parait au premier coup d’œil, tout d’abord parce qu’il donne une vraie épaisseur à Martha, parce que son parcours est aussi très symbolique, peut-être trop aux limites de la caricature, certainement, mais il a aussi le sens du dialogue, du dramatique, ce qui fait que la moindre scène est remarquablement bien écrite et finement sentie ! Nous sommes à la fin des années 80 et Miller a visiblement envie de dénoncer cette course à l’ultra libéralisme de cette époque (qui n’a fait qu’enfler entre temps, mais bon, c’est un autre débat… ), c’est en ce sens que son scénario manque de finesse, parce qu’il aborde le sujet de front sans prendre de pincette ni même au travers d’une métaphore quelconque. Miller n’ayant pas l’habitude de chercher midi à quatorze heure !
En ce qui concerne les dessins, nous retrouvons un Gibbons en pleine forme, encore tout frais émoulu de ses Watchmen, son style est très clair, peut-être qu’il lui faudrait plus d’expressivité mais en tout cas, c’est superbe.
Durant près de 20 ans, ils vont régulièrement se donner rendez-vous pour raconter les aventures de leur héroïne. Peut-être vont-ils perdre de leur finesse et tomber assez vite dans une sorte de propos assez grossier qui va se conclure par un final assez  pompeux, surtout au sujet de ce message d’espoir très convenu. Néanmoins lire ces 600 pages d’une traite est une expérience très étrange. En effet, le monde qui y est dépeint n’est plus du tout ouvert à l’espoir, pratiquement tout est corrompu et la dose de cynisme qui englobe le tout donne un cachet assez amer à tout ça. Mais il ne faut pas non plus oublier la critique somme toute très réaliste qui se cache derrière ces caricatures au limite de la farce (ne vous méprenez pas sur mon choix de mot, il n’y a absolument rien de drôle dans cet album), peut-être était-elle assez basique à la fin des années 80, malgré tout elle est toujours, et plus que jamais d’actualité aujourd’hui, sauf que cette fois les dirigeants ne se cache plus, tout est pleinement assumé, l’ultra-libéralisme décomplexé a encore de très beaux jours devant lui… Ce que ce recueil met aussi très bien en avant c’est que dans le paysage artistique actuel il manque encore de ces oeuvres dénonciatrices, engagées, qui balancent des contre vérités, qui font avancer un propos social et permettent de bien garder en tête que l’art peut être aussi un outil d’engagement. Miller a quand même tendance à ne pas trop contre balancer son propos, tout est très unilatéral, rien ne vient relativiser son discours et, finalement, tout cela manque sérieusement de cette subtilité qui pourrait rendre les choses plus profondes et plus efficaces.
Il n’empêche que ce gros volume est à lire absolument (malgré son prix exhorbitant), ça n’est pas forcément le meilleur truc de Miller à lire, Gibbons épure de plus en plus son trait alors que les couleurs perdent aussi de leur finesse au fur et à mesure. Mais…
Martha Washington n’est peut-être pas devenue l’héroïne messiatique qu’elle était destinée à progressivement être, elle n’en demeure pas moins une incroyable femme avec ses doutes et sa volonté. Une belle héroïne quand même.

Par FredGri, le 18 octobre 2009

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