TOURNESOLS D'UKRAINE (LES) - Échapper à l'invasion
Ça n’était pas que son intuition… Lisa l’avait lu ici ou là : depuis près d’un an, des mouvements de troupes russes avaient lieu, avec une tendance au rassemblement tout près de la frontière entre la Russie et l’Ukraine. Lisa craignait que la Russie puisse envahir l’Ukraine ; n’était-ce pas ce qui s’était déjà passé, en 2014, quand elle avait annexé la Crimée et des territoires dans le Donbass ?!
Lisa avait très peur, oui. Et elle le partageait avec ses proches : ils étaient en danger, il fallait qu’ils s’en aillent ! Les siens pourtant ne l’écoutaient que d’une oreille. Ils la laissaient parler, lui disaient qu’elle exagérait.
Un jour de mars 2022, le cours de l’Histoire donna raison à Lisa. Les soldats de Poutine marchèrent sur Kyiv, se rendant maîtres de toutes les zones qu’ils traversaient. C’était la guerre, et l’Ukraine était prise par surprise !
Mais pas Lisa… Lisa s’était écoutée et, avec son mari Pietro, était partie s’installer en Italie, dans la ville de ce dernier. A Mikolayiv, sa famille se retrouvait sous la menace des bombes. Elle leur proposa de les rejoindre. Certains le firent. D’autres, comme son père Misha ou des amis, restèrent sur place ; alimentant l’angoisse de ceux qui, en Italie, chez Pietro et Lisa, étaient à l’abri.
Par sylvestre, le 22 novembre 2023
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Scénariste :
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dessinateur :
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ISBN :
9782368467367
Notre avis sur TOURNESOLS D’UKRAINE (LES) – Échapper à l’invasion
Pietro B. Zemelo est Italien. Il s’est marié avec Lisa, en Ukraine, et ensemble ils ont longtemps habité à Kyiv, jusqu’à ce qu’ils partent pour l’Italie quelques jours seulement avant le début de l’invasion russe de mars 2022. Dans cette bande dessinée dont il est l’auteur, Pietro nous raconte ce moment charnière de sa vie et de celle de sa famille ukrainienne. Dans sa préface tout comme dans sa postface, il insiste bien sur ses doutes quant à sa légitimité pour nous raconter tout cela. Car lui n’est pas Ukrainien. Il ne vit donc pas les choses de la même manière que ceux qu’ils côtoient et qui sont eux plus touchés dans leur chair, dans leur quotidien, dans leurs habitudes et dans leur âme. C’est eux qui ont brutalement été séparés des gens de leur premier cercle, pas lui. C’est eux qui voient tous les éléments de leur passé tomber sous les bombes russes : leurs maisons, leurs infrastructures, leurs réseaux, leur vie… Pas lui.
Dans cette bande dessinée, il est question de l’acte de fuir l’Ukraine envahie et de quelques-unes de ses conséquences. Mais n’ayant pas vécu le Jour 1 sur place, Pietro Zemelo s’attache plus précisément à nous parler de la vie en exil de ses proches ukrainiens ainsi que de son expérience de famille d’accueil de parents traumatisés, déboussolés, et angoissés.
En cela le sous-titre de cette BD est peut-être un peu trompeur. Car quasiment rien n’est montré côté ukrainien et il n’est pas non plus question d’un périple dangereux qui verrait des gens fuir leur pays en traversant des champs de mines, des checkpoints russes ou des rangées de barbelés. Les lecteurs qui cherchaient ça resteront donc sans doute un peu sur leur faim ! Non, là il est plutôt question de la chronique sociale « à huis clos » d’une famille séparée en proie à de terribles sentiments très forts : ceux liés à la fois à la joie d’être à l’abri, mais ceux aussi liés au malaise de connaître des gens qui n’ont pas eu cette chance. Ou qui n’ont pas réussi, ou qui n’ont pas eu le droit, ou bien qui ont choisi ; rester étant le lot de toute une partie de la population apte à défendre le pays. Il est question aussi et bien sûr de l’angoisse des réfugiés d’apprendre qu’un jour un être cher resté là-bas puisse mourir. Et des tensions qui naissent entre tous ces déracinés vivant à l’étranger où certes ils sont vivant mais où ils peuvent aussi être minés par la culpabilité ou par la honte de ne pas pouvoir faire autant qu’ils le voudraient pour leur pays meurtri…
Les tournesols d’Ukraine, Échapper à l’invasion est donc un témoignage intéressant car il parle de moments vécus au plus près par quelqu’un de concerné. Attention tout de même : il reste cependant un témoignage « parmi tant d’autres » (et italien) et ne peut bien évidemment pas, pour cela, être accueilli comme un récit qui représenterait la totalité des réfugiés ukrainiens. Mais ça, ça tombe sous le sens, pardon.
Il souligne enfin une autre chose, épreuve celle-là plus psychologique, dont les Ukrainiens souffrent aussi profondément : celle du regard des gens peinards, des Occidentaux qui, comme vous et moi, regardent tout ça d’un air compatissant voire lassé mais qui éventuellement aussi recherchent la petite bête. Est-ce à cause du cliché de l’Ukrainien corrompu et roublard ; cliché qui renverrait tous les Ukrainiens à un statut de mafieux dont on ne veut pas en « Europe » ? Le racisme et l’intolérance ne sont pas sûrement très loin. Ces points de vues font glisser certains discours jusqu’à faire entendre que les Ukrainiens ont leur part de tort aussi dans cette guerre, et, à partir de là, alors même qu’il est question pour eux de résistance et de défense, que eux aussi seraient des terroristes parce qu’ils tuent les pauvres soldats russes engagés malgré eux ! Un discours qu’évidemment, les Ukrainiens ne peuvent pas supporter : « On a toujours le choix : Les Russes pourraient avoir les couilles de refuser d’aller combattre plutôt qu’aller assassiner des innocents chez eux ! » Facile de faire des généralités ou de prendre des raccourcis, malheureusement. C’est toute la complexité des guerres et de la bataille des opinions des gens qui les subissent ou qui les promeuvent…
« Romancé » en ce sens qu’il parle de la grande Histoire à l’échelle de la petite, Les tournesols d’Ukraine, Échapper à l’invasion s’articule sur un ensemble de chapitres livrés dans un ordre pas forcément chronologique mais toujours rattachés, par les dates concernées, au « Jour 1 » de l’invasion russe. Si graphiquement j’avais un reproche à faire à cet ouvrage, c’est au niveau de la mise en couleur. Trop « informatique », trop « neon lights », trop criarde à mon goût, elle rend à mes yeux plus fade qu’il pourrait l’être le dessin en lui-même. Dommage, mais bon, rassurez-vous, ça n’engage que moi et dites-vous bien ce n’est absolument pas rédhibitoire !
Bonne lecture à vous.
Et Paix aux innocents.
Par Sylvestre, le 22 novembre 2023