Triangle rose
Pour rédiger leur devoir sur la seconde guerre mondiale sans tomber dans le pompage intégral d’info sur internet, un groupe d’élèves décide de se rendre chez le grand-père de l’un d’eux qui a connu les camps de concentration. Malgré la mise en garde qui leur a été faite comme quoi l’homme n’est pas commode, ils passent quand même la porte de chez lui, curieux de capter la touche d’authenticité dans son témoignage qui rendra leur devoir plus original et donc meilleur.
Et c’est en effet un vieil homme amer qui les reçoit. Un homme méchant, même, pour ainsi dire ; mais dont il comprendront pourquoi il est devenu ainsi après avoir écouté son histoire : celle d’un "Paragraphe 175", autrement dit un homosexuel qui non seulement a connu le pire pendant les années noires mais qui a continué ensuite, jour après jour, toute sa vie, à être méprisé et à qui l’on a dit qu’il n’aura finalement eu, comme ses semblables, que ce qu’il méritait…
Par sylvestre, le 26 septembre 2011
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Scénariste :
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dessinateur :
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Éditeur :
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Collection s :
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Sortie :
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ISBN :
9782302017238
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Notre avis sur Triangle rose
L’étoile jaune est sans doute le symbole le plus connu de la ségrégation imposée par les nazis aux Juifs pendant la seconde guerre mondiale et on l’associe de facto aux camps de concentration. Mais saviez-vous que cette étoile a pu être de différentes couleurs ? En effet, méticuleux comme ils savaient l’être jusque dans le morbide, les nazis avaient non seulement stigmatisé les Juifs avec l’étoile jaune mais ils avaient aussi choisi pour d’autres leur signe distinctif : pour les communistes, pour les prisonniers politiques, pour les Polonais ou encore (mais la liste n’est pas exhaustive) pour les homosexuels…
Comme les Tziganes ou comme les communistes, les homosexuels étaient aussi des sous-hommes pour les nazis, fussent-ils Allemands à la base, et cette bande dessinée Triangle rose s’empare du sujet en venant ainsi apporter sa contribution à tout ce qui a déjà pu être écrit sur la seconde guerre mondiale, et notamment sur les horreurs orchestrées par les nazis durant cette période.
C’est classiquement qu’est introduite la fiction : un personnage concerné transmet à des représentants d’une génération plus jeune son témoignage. Le récit est ensuite développé avec ses atouts et ses faiblesses, mais ce qui est important, c’est le message global qui est passé ; un message d’autant plus nécessaire que les homosexuels, de nos jours, sont toujours (et comme d’autres communautés) rabaissés, mal considérés, voire humiliés.
C’est d’ailleurs une remarque que l’on se fait après cette lecture : l’insouciant groupe de jeunes étudiants "du présent" propose, à bien y regarder, un parallèle avec le groupe des jeunes Allemands qu’on suit dans le flashback : pas tant sur le sujet de l’homosexualité que sur les propos racistes, mais en tout cas, et par extension, la menace que représentent des formations politiques actuelles qui échafaudent des programmes xénophobes, racistes, et homophobes renvoie clairement à la menace que fut le national-socialisme de Hitler dont personne, quelques années avant son avènement, n’aurait pu prédire qu’il irait si loin dans ses actions monstrueuses…
Je parlais plus haut des faiblesses dans cette bande dessinée… Il y a en effet quelques petites choses qui paraissent plutôt maladroites ou peu crédibles. Par exemple, le fait que le groupe de jeunes amis dont fait partie Andréas Müller (celui qui raconte) soit si peu discret dans les conversations qu’ils ont en public, et notamment lorsqu’ils abordent le sujet de leur homosexualité. Le "nazillon" qui se joint à eux lors de la fête de fin d’année n’est d’ailleurs pas censé être homo pour le lecteur lorsqu’il se joint au groupe ! Il y a aussi les remarques que l’on peut se faire sur le comportement du grand-père par rapport aux jeunes… Il y a enfin une certaine difficulté de reconnaissance des personnages, dans les premières planches en noir et blanc : il faut dire que le groupe de jeunes Allemands que l’on côtoie n’est pas petit ! On pourrait d’ailleurs reprocher au scénariste d’y avoir fait figurer "un peu de tout", comme s’il voulait faire du tout-en-un : parmi les jeunes Allemands, on a en effet le communiste, le pronazi, les homosexuels… C’est louable puisqu’il est question de dénoncer les injustices faites par les nazis par rapport à des gens différents les uns des autres ; mais pour la bande dessinée, ça fait un peu "casting trop idéal"…
Cela dit, il faut compter aussi les points positifs et, parmi eux, le plus important : avoir abordé le sujet. Car on appréciera aussi la différence de colorisation selon l’époque, la composition des planches qui parfois sont des gaufriers à 16 cases ou parfois des images en pleine page, voir en doubles pages… Et le tout porté par le dessin précis et agréable de Milorad Vicanovic-Maza. Non, vraiment, il est clair qu’au final, les points positifs l’emportent sur ce qu’on pourrait avoir à reprocher à cette BD…
… Une BD qui rend hommage à une catégorie de personnes qui elles aussi ont dû subir la barbarie des nazis. Une catégorie de personnes qui pour autant n’a pas ensuite reçu autant de compréhension et de soutien que d’autres de la part du grand public. Heureusement, certains sujets sont de moins en moins tabou dans notre société moderne et de communication. Reconnaître certains génocides aura parfois pris du temps, mais ce qui compte est l’aboutissement de l’initiative ; et Triangle rose participe à reconnaître et à montrer au monde l’injustice faite envers les homosexuels par les nazis pendant la seconde guerre mondiale. Puisse-t-elle être un signal de plus pour que sur ce sujet aussi, les esprits évoluent et les mauvaises choses ne se reproduisent pas…
Par Sylvestre, le 26 septembre 2011
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