Un voyage

Le ton est malgré tout assez grave dans cet album, non pas parce que le "héros" se lamente sur son sort et tout ce genre de déballage de pathos. Au contraire, il décide qu’il est simplement temps de se laisser glisser lentement, sans effusion, sans larme, de se faire plaisir en toute modestie, loin de cette vie pourtant si calme. L’approche est donc réellement apaisante, loin des schémas habituels, alourdis par une chape de plomb qui rendrait la lecture particulièrement pénible. Non, ici les auteurs abordent ce drame avec beaucoup de finesse et de délicatesse.

Les textes, tout d’abord, sont très justes, pas du tout ampoulés. La douleur se ressent davantage dans le regard du personnage, dans les non-dits et les absences de mots que par ce qu’il laisse filtrer, et de ces flous transparaît toute la mélancolie d’une vie qui s’arrête sans qu’on n’y soit réellement préparé. Ensuite, les planches sont en premier lieu assez déstabilisantes par leur minimalisme très poussé :  en effet, on a l’impression d’évoluer au milieu d’une sorte de brume qui nous permet juste de distinguer les silhouettes, les paysages au loin. Rapidement, on se laisse complètement immerger par cette atmosphère qui répond en fin de compte parfaitement aux textes. Une osmose parfaite s’opère alors entre les deux "écritures", on vibre, on tremble, on a le sentiment de sentir le contact de la banquette arrière de cette voiture, d’entendre le souffle de ce personnage qui roule tranquillement ou le vent sur notre joue quand on s’arrête pour regarder la mer au loin.

"Un voyage" est avant tout une rencontre avec deux auteurs que je ne connaissais pas et qui m’ont complètement envoûté. C’est aussi, en soi, un véritable voyage dans la déliquescence d’une vie qui s’étiole lentement, qui se raccroche aux derniers repères que lui laisse le temps qui s’écoule.

"Un voyage" c’est peut-être aussi un remarquable geste vers un ami qui s’éloigne là-bas…
 

Par FredGri, le 2 avril 2008