Une épaisse couche de sentiments
Stanislas Réveillère est DRH chez SweetFAT, une entreprise florissante et soumise aux lois du marché. Et quand les actionnaires, au vue des divers bilans, demandent que soient prises de nouvelles décisions, qu’il y ait des licenciements, du dégraissage en quelque sorte, Stanislas se doit d’obeir, et il le fait très bien, c’est un artiste dans son genre, son jeune assistant en reste bouche bée.
Alors ne voilà t-il pas que les femmes de ménage perdent soudain leurs emplois, que les représentants qui ne collaborent pas suivent la même voie !
Chez SweetFAT on ne rigole pas avec le boulot.
Nous vivons dans un drole de meilleur des mondes !
Par fredgri, le 1 janvier 2001
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Scénariste :
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dessinateur :
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Éditeur :
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Collection s :
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Sortie :
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ISBN :
2800138068
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3 avis sur Une épaisse couche de sentiments
En ces temps troublés autour de l’emploi, de l’image de l’entreprise dans le public et de méconnaissance de la réalité des relations sociales (toujours traité dans l’atualité par le prisme des exceptions et de l’outrance, jamais du cas général), j’ai été vivement intéressé par la lecture de cet album "opportun" (voire raccoleur dans sa présentation).
Au premier abord, je n’ai pas été séduit par le côté très statique du trait, et le relatif manque d’expression des personnages (alors que tout se centre sur eux) mais l’objectif n’est vraisemblablement pas de créer un univers graphique, mais plutôt de dénoncer les relations "inhumaines" créées par ce grand jeu de rôle qu’est l’entreprise.
Mais sur cet aspect, outre le manque flagrant d’intérêt du scenario qui ne prend jamais un rythme (je m’y suis repris à plusieurs fois pour finir), le trait est tellement grossi, les situations tellement énormes (avec un effet de contraste entre le DRH chez lui et le DRH dans le contexte de l’entreprise) que cela tombe finalement à plat. Sans vouloir faire un procès d’intention aux auteurs, tout se passe comme s’ils avaient voulu surfer sur la vague actuelle cherchant à montrer l’entreprise comme une machine à licencier, sans humanité, transformant tout cadre normal en bête avide de sang. Faire croire que l’outrance de quelques cas vus dans la presse représente le fonctionnement nominal de toute société.
Il y a donc une épaisse couche de clichés dans cet album qui m’a extrêmenent déçu, car il ne démontre rien et se positionne tellement dans l’extrême (la couverture est assez éloquente) avec une fin façon "L’associé du diable", que c’en est vraiment trop pour moi qui ait une vision humaniste du rôle de l’entreprise dans la cité.
Par TITO, le 1 avril 2006
De temps à autre j’aime avoir ma dose d’immoralité, de cynisme et de cruauté !
je ne dis pas que j’en raffole, ni même que je recherche cette portion d’injustice mais c’est une façon de bien appuyer sur certaines vérités, de bien mettre le nez dans une réalité que nous ignorons un peu trop volontairement au profit d’une succession de loisir tous plus décérébrants les uns que les autres (Et moi le premier).
"Une épaisse couche de sentiments" est donc avant tout un album sans concession, sans morale, sans rien d’attachant qui puisse nous aider à nous identifier aux personnages, qui sont-ils, qu’aiment-ils ? Ils se comportent comme des machines dès le début, des robots qui calquent leurs envies, leurs décisions sur des courbes statistiques, sur des réactions d’actionnaires ! Le monde n’est donc plus humaniste, il ne vibre plus avec ses faiblesses, ses baisses de régime, il obeit à des règles, à des systèmes, le plus grand bouffe le plus petit, c’est entré dans les moeurs, c’est assimilé et tout le monde est bien d’accord, c’est pourri mais comment faire autrement ?
Cet album ( à priori un one-shot) se permet donc de n’amener aucune véritable leçon, si ce n’est qu’en effet c’est pas jojo mais c’est immuable avant tout. Le scénario joue certes le jeu jusqu’au bout, peut-être va-t-il parfois un peu trop dans une certaine caricature misérabiliste (du genre, les femmes de ménage sont soit polonaises soit africaines !) ou trop archétypale (les jeunes Bobo aux dents longues complètement deshumanisés), mais il en ressort aussi un tas de bonnes choses très intéressantes comme ces tests d’animaux aux limites de l’humiliation.
En ce qui concerne les dessins, on frole le style de Dupuy et Berberian, une sorte de ligne claire assez grasse et minimaliste qui correspond tout à fait au scenario, à l’ambiance de ces couloirs de bureau. Je trouve que c’est par-ci par-là encore assez figé et inexpressif mais est-ce vraiment necessaire ?
Un album que je conseille assez vivement même si son immoralité risque de provoquer nombre de frissons colériques ! Bravo à vous !
Par FredGri, le 30 mars 2006
Le cynisme est très présent dans le monde de la BD. Des séries comme « Garfield », « Pierre Tombal »… dont c’est le fond de commerce sont devenues des classiques. D’autres plus récentes comme « Lincoln » ont fait leur trou avec un humour très noir et des personnages désabusés. Mais c’est un mode de plus en plus utilisé pour raconter des histoires contemporaines. Comme un reflet de l’époque actuelle, qui permettrait de traiter des pans entiers de notre société : politique, religion ou bien encore le « merveilleux » monde de l’entreprise.
C’est dans ce dernier que les 2 auteurs ont choisi de situer leur action. Et question cynisme ils n’ont pas fait dans la demi-mesure, on a rarement vu des personnages aussi froids et peu concernés par l’avenir de leur prochain !
Pourtant, passée une introduction rapide et incisive, l’histoire hésite entre deux styles et on reste dubitatif. On n’est pas vraiment dans la caricature car malgré des moments comiques, on sent que les auteurs ont voulu rester ancrés dans le réel en truffant leur histoire de détails qui fleurent bon le vécu et le fait divers. Mais on n’est pas non plus dans le réalisme car l’accumulation de situations et de discours aussi excessifs enlève toute crédibilité.
Et c’est bien l’accumulation qui pose problème car le scénario privilégie clairement les situations aux personnages et on a parfois l’impression d’assister à une succession de saynètes (en particulier lors d’une scène de séminaire commerciale plutôt bien vu mais qui n’apporte rien à l’histoire et tombe comme un cheveu sur la soupe). L’histoire laisse alors très peu de place aux protagonistes. Ils manquent singulièrement de profondeur et restent relativement fades. Leur absence totale de valeurs ou d’intérêt à quoi que ce soit, finit de les rendre « inhumains » et on se désintéresse complètement de leur sort. Au final, pas mal de choses sentent le déjà vu, voire le cliché (les femmes de ménage d’origines étrangères, le DRH bourgeois et radin…) et on tourne les pages sans conviction.
Il reste quand même, des points positifs dans cette lecture et notamment le dessin. Il sied assez bien à l’histoire, avec un trait simple et une ligne claire qui lorgne du côté de Dupuy/Berbérian et des couleurs plutôt neutres mais qui s’accordent bien avec l’ambiance recherchée. Mais surtout on y trouve quelques bonnes idées (le couple centré sur le travail, l’absence de rédemption des personnages, pas de fin moralisatrice…) qui réveille l’intérêt du lecteur.
Tout cela partait donc d’une intention louable mais l’album reste assez décevant avec un style hésitant et un scénario un peu fourre-tout.
Je ne conseillerai donc cet album qu’en lecture « défouloir » à ceux qui ont une dent contre leur DRH.
Par Arneau, le 3 avril 2006