Une histoire populaire du football

Tout commence autour d’une table, à la terrasse d’un café ! On y discute des dérives du foot-business, de mondial au Qatar, en résumé d’un football populaire confisqué par le capitalisme et les puissants. Il est temps de revenir sur cette histoire « d’en bas », ceci à travers une balade sur toute la surface du globe !

L’ouvrage s’attarde tout d’abord sur les origines médiévales de ce sport, avec le folk football ou la soule, qui participaient à unir les communautés, puis sur la fixation de règles standardisées, dans la deuxième moitié du XIXème siècle, dans un Royaume-Uni en pleine industrialisation. Une pratique qui permet aussi de surveiller les ouvriers le samedi, de les maintenir en bonne forme physique, tout cela avec, souvent, des rapports étroits avec l’Église. C’est ainsi que naissent le Everton FC, Aston Villa, Manchester United, ou bien encore Arsenal, en cette fin de siècle !

La classe populaire reprend peu à peu à la bourgeoisie le contrôle du foot, la Coupe d’Angleterre étant même remportée, pour la première fois, par une équipe ouvrière, en 1883, le Blackburn Olympic ! Si l’empire britannique domine alors le monde, cette colonisation s’accompagne aussi de la diffusion du football, par l’intermédiaire des industriels, missionnaires, militaires, marins ou étudiants ! En 1872 est ainsi fondé le premier club français, Le Havre Football Club par des travailleurs britanniques du port, sous le patronage de la South Western Railway !

Les auteurs n’oublient pas de faire une incursion dans le foot féminin. Durant la Première Guerre Mondiale, même les Munitionnettes ont droit à leurs équipes ! Mais, dès le début des années 1920, les hommes reprennent le contrôle du ballon rond... Fin, pour plusieurs décennies, de cette parenthèse féminine qui suscita pourtant un certain enthousiasme parmi le public.
Impossible de produire un ouvrage sérieux sur le foot sans Brésiliens ! Ceux-ci révolutionnent ce sport, mais il faut attendre sa professionnalisation en 1933 pour que les équipes se démocratisent et se métissent réellement !

Une histoire du football populaire s’arrête aussi sur les rapports entre le régime nazi et un football décrété « Judenfrei » dès 1938. Quelques semaines après l’Anschluss, et peu avant la tenue du référendum qui doit officialiser l’annexion de l’Autriche au Reich, un match est organisé entre la Wunderteam autrichienne et l’équipe allemande. Malgré un match nul programmé à l'avance, les hommes de Matthias Sindelar battent les Allemands. Celui-ci et son épouse juive seront retrouvés morts, officiellement intoxiqués au monoxyde de carbone, en 1939… D’un totalitarisme à l’autre, le Spartak Moscou, l’équipe du peuple et des ouvriers en URSS, voit l’anonymat des tribunes abriter un début de contestation contre la police ou la GPU.

Ce voyage dans un football populaire nous emmène ensuite en Afrique. Le colon voit dans le football un moyen de contrôler les corps. La perte de prestige de l’homme blanc et son affaiblissement après la seconde guerre mondiale voit le ballon rond échapper peu à peu à cette mainmise, les clubs devenant même des foyers de l'anticolonialisme. Ainsi, en 1957, les émeutes éclatant après le match opposant l’Union Saint-Gilloise à une équipe entièrement noire de l’Association royale sportive congolaise, préfigure les révoltes de janvier 1959 à Léopoldville, qui conduiront à l’indépendance du Congo belge en 1960. Le foot incarne même le panafricanisme avec la création de la Confédération africaine de football (CAF) en 1957 !

Quelques joueurs majeurs, par leurs origines populaires, ont aussi leur place dans l’ouvrage, comme Pelé, Maradona ou Garrincha, ainsi que le mouvement ultra, à travers le rôle joué par les supporters d’al Ahly lors de la chute du régime de Moubarak, en Égypte, en 2011.

Mickaël Correia et Jean-Christophe Deveney ne prétendent bien sûr pas à l’exhaustivité avec ce panorama visant à aborder le football d’une façon différente. Ils poursuivent l’esprit du mensuel So Foot, avec une vision du foot plus sociétale, mobilisant les bases de l’History from below pour balayer plus d’un siècle d’histoire de ce sport universel. C’est bien écrit, les récits sont à la fois fluides et le contenu rigoureux. Le dessin semi-réaliste de Lelio Bonaccorso (Jan Karski, Pour l’amour de Monna Lisa) et ses silhouettes fines et effilées s’accorde parfaitement avec les scènes de jeu !

Découvrez ce sport différemment, en lisant vite Une histoire populaire du football ! Un ouvrage captivant et passionnant !

Par Vincent, le 03 février 2025