UNE POUR TOUTES

En janvier 1688, Julie d’Aubigny, fille du secrétaire des écuries royales, vient de se marier à Monsieur Maupin. Grâce à son rang, la jeune femme profite des enseignements de l’école des pages et peut s’adonner tout particulièrement à son sport favori, l’escrime. Un jour, son maître d’armes lui assigne un nouvel élève qu’elle a déjà rencontré précédemment et qui se nomme Méphisto. L’homme est diabolique et n’espère de Julie qu’une signature de sang pour lui voler son âme. Mais cette dernière est rebelle et en guise de réponse, engage un duel à l’issue duquel elle parvient à le vaincre. Sous la promesse d’une revanche, la bretteuse retrouve son mari en la demeure paternelle qui reçoit, en guise de cadeau de mariage, un poste à Limoges, bien loin de Paris et accepté chaudement par sa jeune femme. Le lendemain, Maupin étant parti, Méphisto revient auprès de sa proie et faute de conclure son marché, continue à accompagner celle-ci dans leurs entrainements et par la suite, dans des duels contre des épéistes patentés. Julie finit par être attirée par Séranne, au grand dam de Méphisto, qui lui permet de se construire une belle réputation d’escrimeuse dans Paris. Malheureusement, ce moment de bonheur partagé va bientôt chavirer. Serait-ce une manipulation de l’infernal Méphisto ?

Par phibes, le 27 mars 2024

Lire les premières pages de UNE POUR TOUTES

Publicité

Notre avis sur UNE POUR TOUTES

Après son adaptation du roman d’Henri Troyat La neige en deuil, Dominique Monféry renouvelle l’exercice en s’attaquant cette fois-ci à un récit plus récent (paru en 2022) mais qui a la spécificité de nous intéresser à un personnage historique, Julie d’Aubigny. Ecrite originellement par Jean-Laurent Del Socorro, cette évocation pour le moins endiablée se voit donc passer entre les mains talentueuses du créateur de Tin Lizzie, Mortel imprévu pour une restitution réellement entreprenante.

Cette initiative est des plus louables dans le sens qu’elle met très joliment à l’honneur une femme de caractère, n’ayant pas froid aux yeux et ô combien attachée à sa liberté. Ainsi, sous le couvert d’une rencontre diabolique avec Méphisto himself, l’auteur nous entraîne dans ses circonvolutions féministes qui ont la particularité de nous faire découvrir une personnalité du 17ème siècle en rupture avec les conventions de l’époque. Car ce personnage haut en couleur a réellement existé et a marqué profondément son temps au point d’inspirer nombres de romanciers.

Il ne fait aucun doute que Dominique Monféry a été bien inspiré par le roman d’origine en l’adaptant efficacement sous une forme à plusieurs facettes. Tantôt en vers, tantôt via une narration très intimiste, le tout saupoudré de dialogues aux accents modernes excellement tournés, l’évocation de l’existence de Julie se veut réellement très entreprenante. Le rapport continuel entre Méphisto (qui ne pense qu’à gagner l’âme de la jeune femme) et l’héroïne est captivant, surtout que cette dernière trouve toujours ce répondant qui empêche l’être démoniaque, persécuté par ses sentiments envers celle-ci, de faire son office. Les deux personnages se veulent donc complémentaires et nous assurent des moments jouissifs, rafraichissants et même distrayants. Evidemment, Julie nous embarque pleinement dans ses joutes libérées, qu’elles soient sportives, amoureuses ou artistiques.

Eu égard à ce qu’il a réalisé auparavant, on peut considérer visiblement que l’auteur sait jouer sur l’esthétisme et la modernité de son dessin. On en veut pour preuve l’ambiance générale de ses planches pastellisées qui mettent en avant un choix d’instantanés, de scènes ombrées originales, des décors de grande beauté qui reflètent bien l’époque traitée selon des plans audacieux et bien sûr des personnages qui ont un charisme certain. En commençant par Julie elle-même, qui, hormis son éclat physique concluant, se détaille dans des atours masculins et féminins des plus enchanteurs, suivie par un Méphisto très patient, qui reste sur des expressions profondes bien croquées.

Une adaptation des plus réussies, pétulante et féminisée subtilement à mettre au crédit d’un artiste qui peut se vanter d’attirer notre curiosité et de donner un bel éclat à ses récits.

Par Phibes, le 27 mars 2024

Publicité