Vent debout

Arrimé à l’un des quais du port de Bombay, un grand voilier se prépare à prendre la mer. Au moment de l’appel de l’équipage, vient se rajouter in extremis aux dix-sept membres présents, Jacques Patience, homme de couleur et fraîchement enrôlé. Considérant sa stature avantageuse, Baker, le commandant en second, fonde de grands espoirs sur cette recrue. Mais le grand noir se révèle malade, torturé par une toux pernicieuse qui, en peu de temps, le cloue au lit. Malgré l’état du marin qui semble empirer, la vie de bord se doit de s’adapter aux pires évènements aussi bien la maladie que les pires tempêtes et le vent debout.

Par phibes, le 19 janvier 2010

Notre avis sur Vent debout

Renaud de Heyn a assurément le goût des voyages. Après son triptyque relatif à ses incursions sur le territoire pakistanais (La tentation, carnet de voyage au Pakistan), ce jeune auteur revient sur la scène éditoriale en proposant via les éditions Casterman, l’adaptation d’un roman aventureux écrit en 1887 par Robert Conrad et intitulé Le nègre du Narcisse.

Le choix du récit est extrêmement judicieux puisqu’il est, tout d’abord, celui d’une traversée périlleuse d’un navire à voiles luttant désespérément contre les éléments déchaînés. Mais il est surtout l’histoire d’un groupe d’hommes, aux origines et aux caractères très différents qui œuvrent à l’unisson pour la sauvegarde de leur frêle existence, face à l’immensité océane et à ses colères incontrôlables. De même, il est celui d’une promiscuité authentique, peu aisée, dans laquelle les amitiés comme les mésententes tournent autour d’une organisation fragile, dont l’équilibre peut à tout moment être rompu par des évènements de bord indésirables tels les intempéries, les révoltes intestines…

Renaud de Heyn l’a bien perçu et nous restitue le témoignage romancé de Robert Conrad dans une rigueur admirable, au moyen d’une structuration en cinq chapitres. Considérant son travail antérieur, il se fait fort d’expliciter, par un habile découpage, la vie tumultueuse de ces équipages multiraciaux au long cours qui devaient braver moult danger. Pour ce faire, il s’appuie sur les nombreux personnages qui arpentent le pont du voilier concerné au travers de leurs réactions bigarrées. Ainsi, il révèle des conditions de vie précaires effarantes qui, à tout moment, peuvent virer au cauchemar voire au drame tel le pauvre Jaco.

Sans contexte, le jeu graphique Renaud de Heyn est très agréable et constitue un point fort dans cette adaptation. Malgré un effet pictural relativement sombre qui gène quelque peu la pleine appréciation de son dessin, l’auteur démontre ardemment son aptitude à coller à l’ambiance du roman en offrant des visions de grande qualité et intrigantes. Utilisant une colorisation directe excellente (les pleines pages sont un véritable appel au voyage), il donne un attrait certain à son ouvrage et nous fait partager, de par ses visions souvent tempétueuses richement illustrées, la dureté des péripéties. De même, grâce aux expressions qu’il donne à ces nombreux personnages atypiques, il nous fait toucher du doigt incontestablement la détresse, la précarité mais aussi une volonté imparable à se jouer des éléments. Par ailleurs, la transformation physique de Jaco est impressionnante et suscite une émotion véritable.

Une adaptation en bande dessinée puissante et remarquablement réalisée par un auteur qui a assurément le vent en poupe.

Par Phibes, le 19 janvier 2010

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