Yézidie !

 
Les yézidis sont une communauté kurdophone vivant principalement (car historiquement) dans le nord de l’Irak. Monothéistes, ils ont été accusés par les "fous d’Allah" (de l’Etat Islamique puis de Daech) d’être des adorateurs de Satan et viennent à ce titre grossir la liste des mécréants que les terroristes islamistes se donnent pour mission divine d’éradiquer de la surface de la Terre.

Dans cette bande dessinée Yézidie !, c’est à hauteur d’enfant que cette tragédie génocidaire nous est contée et le calvaire de Zéré suit les codes d’une aventure effrénée, d’une véritable course contre la montre vers la liberté de deux gamines complices dans la panique. Ce récit est destiné à un public jeune. A part "le fait que ça existe", ceux qui voudraient en savoir un peu plus sur la cause et la lutte yézidies n’apprendront pas grand-chose dans ces pages et devront se tourner vers d’autres sources. Cela dit, l’histoire ne se résume pas qu’à l’évasion de la jeune héroïne : différents aspects du cauchemar des yézidis sont évoqués parmi lesquels on compte l’embrigadement de la jeunesse yézidie pour la défense de leur peuple (y compris l’engagement des femmes ; on a d’ailleurs vu des reportages là-dessus aux infos à la télé) ou encore le rôle que joue la diaspora yézidie dans la lutte pour les droits de sa communauté.

C’est dans des villages reculés que se déroule l’histoire mais l’utilisation des téléphones portables nous rappelle que c’est aujourd’hui, pendant qu’on est peinards dans nos canapés, que de tels drames ont lieu qui brisent des familles au nom d’un Dieu que les fanatiques de EI ou de Daech salissent et desservent. Il y a des années de cela, l’aide que ces téléphones permettent aujourd’hui n’aurait pas pu exister, c’est un fait. Mais s’il est un outil pour les uns, il peut tout aussi bien en être un pour les autres et, dans cette histoire, on verra que son "double tranchant" joue en effet son rôle dans l’intrigue…

Cette BD fait de nous les témoins assez impuissants de l’horreur qui frappe des petites gens dépassées par les guerres qui font rage sur leurs terres. Cette notion d’impuissance est renforcée par le style du dessin de Mini Ludvin qui rend le récit encore plus poignant : ses personnages mangaïsant ont les traits de l’innocence, de personnages qui auraient tout aussi bien être au casting d’une histoire à l’eau de rose ! Les premières planches vous feront d’ailleurs peut-être penser, dans leur genre à des planches de la série Les Sisters !

Le scénariste Aurélien Ducoudray est touché par le malheur des populations subissant la guerre ou des régimes politiques dont on ne voudrait pas. La Bosnie, la Russie ou la Corée du Nord par exemple l’ont déjà inspiré en tant qu’auteur. Avec Yézidie !, il nous sensibilise à un autre point chaud du globe en interrogeant notre ressenti personnel en faisant le choix d’une narration très grand public. Il met ainsi en lumière des destins meurtris afin "qu’on sache". Parfois, on dit dans ces cas-là : "Afin qu’on n’oublie jamais…" Mais pour oublier, encore faut-il être au courant ! Alors voilà, maintenant vous savez. On aime aussi pour ça le pouvoir de la BD.
 

Par Sylvestre, le 5 février 2023