Exposition - Salon
Exposition Comès – Théâtre d’Angoulême
Du jeudi 31 janvier au dimanche 3 février 2013
Les Débuts
Didier Comès commence à publier à la fin des années 1960. Partagé entre sa passion pour la musique et son amour de la bande dessinée, il ne sait pas encore quelle sera sa voie. Professionnellement, il commence par le dessin industriel, mais il a déjà envie de raconter des histoires. C’est le supplément jeunesse du journal_ Le Soir_ qui lui en donnera l’occasion. En observant les planches originales de ces années (1968-1970) où il publie aussi de courtes histoires ou des gags dans _Spirou_ (en compagnie de Deliège au scénario) et plus tard dans le mythique _Trombone Illustré_ de Delporte encarté dans _Spirou_, on est surpris par le trait humoristique et dépouillé. Pourtant, dans le même temps, Comès réalise déjà des planches plus adultes, qui ne trouveroint pas de support de publication.
Au début des années 1970, Comès réalise son premier long récit. Ergün L’Errant vivra deux aventures : _Le Dieu vivant_, commencé en 1970 et _Le Maître des Ténèbres_, commencé quatre ans plus tard, mais publié en 1980 seulement, suite à la perte des ving premières planches par l’éditeur. Deux albums de SF marqués par leur époque, que ce soit à travers une esthétique pop ou par une imagerie et une narration qui renvoie notamment à Druillet.
Un auteur marqué
par le thème de la guerre
Né en 1942 dans un village largement germanophone annexé au Troisième Reich, Comès a baigné très tôt dans les récits de guerre. A Sourbrodt, où son père exercait entre autres le métier de chauffeur de taxi, il a entendu mille histoires se rapportant au conflit. En résulte très tôt un intérêt pour cette thématique dans son œuvre. Il la traitera à travers le fantastique.
Elle s’exprimera d’abord à travers un premier chef d’oeuvre : _L’Ombre du Corbeau_. Invité à rejoindre le magazine _Tintin_ en 1974, Comès y propose un récit fantastique ayant pour cadre la Première Guerre Mondiale. Un soldat allemand touché dans les tranchées se retrouve dans un étrange no man’s land où il explore toutes les facettes du monde des limbes. Les personnages qu’il y rencontre exercent différentes sortes de morts, de la mort violente à la mort mort douce. Malheureusement pour lui, Comès est en avance sur son temps. Ou à tout le moins, pas au bon endroit. On le remercie. Et la suite de _L’Ombre du Corbeau_ restera pour toujours dans ses cartons. Les deux premières planches – les seules existantes – sont présentées dans cette exposition.
Mais la guerre dans un effet de cycle parfait, reviendra dans son tout dernier album, publié en 2006 : _Dix de der_. Cette fois, il s’agira d’aborder la Bataille des Ardennes et donc, la Seconde Guerre Mondiale, sur un mode une fois de plus aux franges du fanstastique. En 1944, un soldat anglais inexpérimenté se trouve confronté aux fantômes d’un Français et d’un Allemand tués en 14. Cette fois, Comès s’interroge, à travers une partie de belotte surréaliste, sur la vanité des conflits.
Silence / La Belette
Silence. Ce seul mot, devenu un nom par la grâce d’un roman graphique inoubliable paru en 1980, résume presque à lui seul Didier Comès. Silence, c’est ce jeune graçon attardé, le célèbre idiot du village cher aux campagnes. Moqué. Exploité. Et parfaitement innocent. Sa conscience va s’éveiller. Il va découvrir tout à la fois l’amour et la haine. Mais Silence est aussi un récit profondément ancré dans le terroir dont Comès est issu. Ce roman est une plongée dans la sorcellerie et la veulerie quotidiennes. Ici, le sorcier sert les intérêts des propriétaires terriens, les petites guerres domestiques, la jalousie la plus vile. Sans états d’âme. Et sans pitié.
La Belette reprend, trois ans après Silence, les ingrédients de la ruralité et de la sorcellerie. Mais dans une démarche inverse, abordant ces questions du côté de l’initiation. Des sorcies, on glisse vers les chamans. De l’utilisation des forces occultes dans un but de domination ou de vengeance, on part vers l’animisme. Et on débouche sur le combat entre croyances ancestrales et clergé. En ce sens, ces deux livres qui se complètent et forment l’osature de la période la plus connue de Comès ne sont en rien la répétition l’un de l’autre.
Sorcellerie, chamanisme, animisme et nature
De _Silence_ au _Larmes du Tigre_ en passant par_ La Maison où rêvent les arbres_, _L’Arbre-Coeur_ et bien sur _La Belette_, la majeure partie des albums de Didier Comès se rapporte à la nature et à l’animisme. Sorciers, chamans, rebouteux et ruralité constituent une sorte de trame de fond du récit. Car le fantastique de Comès se nourrit du contact des quatre éléments. Il n’est jamais urbain. Il est terrien, tellurique.
Dessinateur hors-pairs, Comès s’illustre aussi par son incroyable capacité à faire vivre les animaux. Son bestiaire privilégie les espèdes d’Europe du Nord avec une prédilection pour les félins et les oiseaux de proie. Mais il s’aventure volontiers également sur tous les autres continents.
Découpage et noir et blanc
Dire de Comès qu’il est l’un des plus grand dessinateur de noir et blanc tombe sous le sens. Dans la lignée de Milton Caniff et tout comme son ami Pratt, il a su, très tôt, quitter l’encrage traditionnel pour privilégier un travail sur les masses, opposant le blanc du papier aux aplats de nour. Parfois aux limites de l’abstraction, sa vision du dessin est cependant toujours signifiante. Quelques ombres, quelques traits, suffisent à réinventer le réel.
Comès est n narrateur d’une stupéfiante efficacité. Son découpage est à lui seul une leçon de bande dessinée. La juxtaposition des images, leur rythme presque musical, la composition de la page (diagonales, variation des tailles de plan, etc.), tout concours à un mélange savant où lisibilité et émotions sont aussi instantanées que percutantes.
Femmes et érotisme
Après Silence et La Belette, Comès court le risque d’être définitivement vu comme le dessinateur de la sorcellerie et de la vie rurale. Une sorte de Servais qui aurait exploré le versant occulte de la campagne. Pour rompre avec cette image, il écrit un huis-clos érotique qussi puissant que dérangeant, _Eva_. Mais la fascination de Comès pour la femme ne s’arrête pas à cet exercice. Qu’elles soient brunes ou blondes, les héroïnes de ses histoires dégagent un mélange de mystère et de force tellurique. Reliées à la terre et au vivant, ce sont elles, toujours, qui dépassent leurs fragilités assumées pour donner l’exemple à l’homme.