Exposition - Salon

Exposition elle résiste, elles resistent – Festival d’Angoulême (2023)

Du 26 au 29 janvier 2023

ELOÏSE DE LA MAISON : Quand Madeleine raconte son histoire, comme elle est hyper précise, au début en 2017, on se disait c’est drôle d’avoir cette mémoire sans chercher une seconde, on a toujours tendance à dire peu être qu’elle ne sait plus et elle nous dit cela comme ça. Mais non, tout ce que Madeleine dit, on le retrouve dans des documents et autres. Cela permet de vérifier son parcours et il est tel qu’elle le raconte sans une seule erreur

JEAN DAVID MORVAN : Madeleine est née en zone rouge, c’est-à-dire après la première guerre mondiale dans le nord qui a été bombardé. Il a toujours des obus qui ressortent du sol, Il explose en tuant trois gamins. Madeleine me dit « Il ne faut pas dire ça parce que les gens vont être tristes si on parle de cela ! » je lui ai répondu « Madeleine tu rigoles, cela fait quatre-vingts ans, tout le monde a oublié !« .

Mais, dans une présentation de la BD à Amiens, une dame est venue. Elle nous parle de la scène où la maman de madeleine, qui était institutrice, traite les enfants de petits voyou. Elle nous dit « mais là c’est le nom de mon arrière-grand-père et on était un peu choqué qu’on le traite de petit voyou« . Rien ne s’oublie, Madeleine avait raison, elle a toujours raison ! (rire).

JEAN DAVID MORVAN : Ces planches, c’est sur l’exode quand les Allemands arrivent et nous ont bien botté le cul. Et la planche suivante, c’est son retour de l’exode ou elle arrive avec son grand-père en gare d’Amiens ou elle se fait mettre un coup de pied au cul par un allemand et c’est cela qui la fait rentrer dans la résistance. C’est l’humiliation qu’on lui dise qu’elle n’a rien à faire là et l’allemand qui la traite mal. Elle se dit je vais trouver des gens et lutter contre vous ! Mais elle a mis très longtemps à trouver la résistance, au moins deux ans, c’était très compliqué.

JEAN DAVID MORVAN : Elle est tombée malade, la tuberculose. Elle est allée au sanatorium de Saint-Hilaire du Touvet . Nous y sommes allés aussi. Il y a deux ou trois ans. C’était dans la neige. Il se trouve qu’il est détruit maintenant mais j’ai eu l’idée de regarder sur Google Maps. On était dans les rues avec les bâtiments autours de nous, mais il n’existait plus c’était assez étrange.

Là-bas, Madeleine rencontre Gagli (Marcel Gagliardi) qui l’emmène à Paris. Lui, il était résistant depuis 1940. il avait aussi la tuberculose, il est venu reprendre des forces au sanatorium. Il voulait repartir à Paris pour la résistance. Elle l’a forcé à l’emmener.

JEAN DAVID MORVAN : On a ici ses copains de résistance. Sur la droite, c’est Paul son chef de résistance, On le voit à la fin du tome 1. Dans cette scène l’action se passe dans les arènes de Lutèce. En vérité elle se passe dans la rue à côté, mais on trouvait cela plus joli. On a demandé à Madeleine si on pouvait le faire elle nous a dit d’accord. Pour nous c’est mieux aux arènes de Lutèce, c’était beaucoup plus beau graphiquement.

JEAN DAVID MORVAN : C’est aussi le début de l’insurrection parisienne et comme cela faisait deux ans qu’elle était dans la résistance, elle est envoyée dans le XIX arrondissement prendre la tête de la compagnie Saint-Just. Il attaque un train et fond quatre-vingts prisonniers sur la petite ceinture sur les buttes Chaumont. C’est une des scènes qu’on a dû refaire. Il n’y a qu’une passerelle mais à cette époque-là cette passerelle n’existait pas et que celle d’où elle a lancé les explosifs a été détruite. On avait déjà imaginé toute la scène et il fallut les re-imaginer avec une autre passerelle et le train qui arrivait de l’autre côté. C’est la difficulté de travailler avec quelqu’un d’aveugle et qui ne pas se déplacer.

AU MILIEU

JEAN DAVID MORVAN : La libération de paris est faite mais elle ne va pas bien. Elle est en choc post traumatique suite aux tortures de la Gestapo. Un de ses amis la rencontre sur les champs élysées et qui l’emmène voir des copains à lui Aragon, éluard, … Eluard a commencé a la faire revivre. Il lui a demandé ce qu’elle savait faire dans la vie. Elle lui dit des poèmes, il les lit et il décide de les faire imprimer. Il l’a fait aussi devenir grand reporter parce que poète ça permet pas de gagner sa vie.

A DROITE

DOMINIQUE BERTAIL : C’est l’atelier de Picasso. Pour le dessiner, j’ai appelé Madeleine pour qu’elle me décrive l’ambiance et avec qui elle était, … Elle m’a raconté que Picasso lui a demandé de se balader dans la pièce pour profiter un peu de tout ce qu’il y avait. Il faisait ça pour la regarder, la comprendre graphiquement, pour la dessiner juste d’un trait juste après. Son premier réflexe c’est d’aller voir les tableaux qui était face contre le mur par curiosité. Elle s’est fait engueulé parce que c’était les tableaux ratés, il ne voulait pas qu’elle les voie. Elle a essayé de me décrire des tableaux qu’on a jamais vus.

JEAN DAVID MORVAN : Picasso avait dessiné Ho Chi Minh quand il était en France avant qu’il retourne au Vietnam. Picasso ne pouvant pas aller le dessin a Ho Chi Minh, il a demandé à Madeleine dit aller et de lui à donné le dessin. Ho Chi Minh l’a confié a une famille car c’était déjà le début de la guerre. Mais à la fin de la guerre, la maison avait brûlée. Le portrait n’existe plus , personne ne l’a vu, Picasso est mort. La seule personne qui s’en souvienne, c’est Madeleine. Ce dessin de Picasso qui n’existe que dans la tête de Madeleine.

JEAN DAVID MORVAN : Elle devient reporter anticolonialiste, elle est envoyée au Vietnam pour voir la bonne exécution des accords de paix. Elle pense que l’anticolonialisme est un patriotisme, on ne peut pas laisser le patriotisme à l’extrême droite et elle luttait pour que les peuples puissent décider eux-mêmes de leur futur et que ce n’était pas à la France de décider pour eux.

JEAN DAVID MORVAN : Après la guerre du Vietnam, Madeleine revient en France, il s’est passé trente ans depuis la libération de Paris, elle ne reconnaît plus son pays. Elle revoit Paul, son chef dans la résistance. Il lui dit si tu veux reconnaître la France, fais-toi engager dans un hôpital comme agent de soin. Elle se fait engager et écrit des articles. Elle en fait un livre _LES LINGUES DE LA NUIT_ et en vend un million d’exemplaires.

JEAN DAVID MORVAN : Le début du tome 2 en scenario et les pages correspondantes.

DOMINIQUE BERTAIL : c’est des pages en story-board et à côté le chemin de fer de l’album, c’est vraiment en miniature mais cela permet de voir les pages de gauche et de droite pour avoir une vision globale de l’album. Je pars du scenario et dans le story-board, j’essaye de mettre tous les détails de documentation, de lumière, mise en scène, rythme, … pour que Jean David puisse le lire et le décrire à Madeleine, qu’elle réagisse dessus et qu’ils retravaillent la scène, réécrivent les dialogues. Une fois que tout l’album est fait, cela va beaucoup plus vite en dessin parce que je sais ce qu’il y a sur chaque page.

DOMINIQUE BERTAIL : Tout le travail que l’on fait avec Jean David, c’est essayer d’intégrer la mémoire de Madeleine comme si elle devenait la nôtre et qu’il puisse raconter de mémoire ce que Madeleine a vécu et que moi je le dessine comme si je l’avais vécu. On se construit une mémoire mentale ce qui permet de rendre l’histoire vivante. Le problème c’est, quand on se construit une mémoire sur une fausse donnée, c’est très dur d’oublier ce qu’on s’est créé et de repartir sur une autre information.

JEAN DAVID MORVAN : Dominique dessine la scène ou elle arrive à paris avec Gagliardi, on la lit à Madeleine, il n’y a aucun problème, on imprime le cahier, et on devait imprimer l’album quinze jours après. Un copain à elle lui dit que Gagliardi a un chapeau dans le cahier. Madeleine se met en colère parce qu’aucun étudiant n’avait de chapeau à l’époque. Si on y réfléchit, en voyant les photos de l’époque, on a l’impression que tout le monde a un chapeau. Cela nous a créé un vrai soucis pendant un temps car on se demandait si on allait pas devoir ôter les chapeaux en quatrième vitesse. Elle a accepté qu’on le fasse mais elle nous en parle encore.

On en rigole maintenant mais c’est cela qui est important, si madeleine n’est pas là, on croira que tout le monde portait des chapeaux. Cela paraît rien mais historiquement ce n’est pas si rien que cela.

DOMINIQUE BERTAIL : le problème avec les photos d’époque, c’est que les photographes avaient tendance à prendre ce qui était un peu exceptionnel. Par exemple les voitures ont gaz qui sont graphiquement intéressantes. Il y a beaucoup de photos de ces voitures et j’ai demandé à madeleine s’il y en avait beaucoup en vrai elle m’a répondu qu’elle n’en avait pas vu beaucoup. C’est le vrai risque de la documentation photo elle nous fait passer pour banal des choses exceptionnelles. Je me renseigne plus sur les souvenirs des gens qui racontent par écrit la vie quotidienne à paris à cette époque-là.

Livres

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