Exposition - Salon

Exposition Plessix – Quai des Bulles – Saint Malo

Du 27 au 29 octobre 2017

Le 21 AOÛT 2017 Michel disparaissait brutalement. Ce fut, pour ses proches, la consternation. Cette brutalité ne lui correpondait pas.

Formé par Jean Claude Fournier à la fin des années 70, Michel était devenu un des « grands » de la bande dessinée en Bretagne… et ailleurs !

Ceux qui ont croisé son chemin le percevaient comme un poéte bucolique, un voyageur nonchalant, un jeune homme charmant, drôle, fin, attentif aux autres.

En trente ans il avait crée un monde à lui, où il se sentaint à sa place. Dans son oeuvre comme dans sa vie.

Un dessin inimitable profondément habité, sincére. Un passionné du monde animal, quelqu’un qui avait trouvé son univers.

Nourri pendant l’enfance et l’adoslecence à l’ecole « franco-belge » et aux dessins animés de Walt Disney, il fut de ceux qui proposèrent de nouvelles formes de narration et de mise en scène. Curieux, il s’etait inspiré d’univers parfois très éloignés de la BD européenne. Il fut influencé par la bande dessinée chinoise (particulièrement dans la série _Julien Boisvert_ réalisée avec Dieter), les impressionnistes, les illustrateurs anglais et les peintres russes (dans l’univers du cycle du _Vent dans les saules_), Omar Kayyam et les écrivains voyageurs (dans _Le Vent dans les Sables_ et _Là où vont les fourmis_ avec Frank Le Gall).

Il fallait parfois attendre longtemps un nouveau livre, mais chacun recelait de pépites graphiques, d’astucieuses trouvailles narratives. On se perdait dans ses images gigognes où il s’amusait à multiplier les clins d’oeil (essayer de retrouver l’Origine du monde de Courbet dans _Le Vent dans les Saules_ !) et à l’univers de ses amis auteurs, Michel savait créer ces complicités.

Il poursuivi son chemin avec obstination, rigueur… et passion. Oui Michel était un être passioné… une passion contemplative, sans éclat, sans colère, à son rythme. Il avait le temps pour lui. Du moins le croyait-il « Li zerbou Ma’tou » comme il aimait dire. « Ceux qui sont pressés sont déjà morts ».Michel scrutait le monde avec attention et voyait alors des choses que nous, devenus des adultes trop pressés ou trop affairés sans doute, no voiyons pas ou plus. C’était pour lui, dans l’enfance, parfois idéalisée, que se trouvait la sagesse. Michel voyait régulièrement des étourneaux gober des moucherons en plein vol ! Il était là, et il était ailleurs en même temps.

Le jour de ses cinquante ans, alors que nous poussions une pirogue dans le lit presque asséché d’un fleuve de Guyane, alors que nous nous demandions tous si nous allions sortir entiers de cet enfer au coeur de l’Amazonie, alors que nous trébuchions entre les branches, les trous et les troncs dissimulés dans une eau tiède et terreuse, les yeux rivés sur les rares rigoles d’eau où faire gliser notre pirogue, Michel nous lançait régulierement un « oh, un morpho ! » ce maginfique papillon aux ailes d’un bleau étincement… et nous de lui lancer des « Michel, pousse ! ».

Alors pris d’une farouche détermination il prenait à pleine main cette embarcation de deux tonnes avec l’intention de la faire basculer, seul, au-dessus d’un rocher

Michel avait ses rites, ses habitudes. Jamais il n’aurait pris un café autrement que dans une petite tasse. Le vrai beurre ne pouvait être que demi-sel et quand on voyage, c’est-à-dire passé les limites de la Bretagne, on lui servait un beurre doux, il rajoutait ostensiblement une pincée de sel.

La bande dessinée était sa tribu et il aurait aimé qu’elle reste dans un temps suspendu. Pour beaucoup d’entre nous passer un moment avec lui, c’était comme si le temps s’arrêtait… et c’était délicieux. Michel était un nostagilque. Il aimait Essaouira sans doute parce que ça ressemblait à Saint-Malo, le Saint-Malo de son enfance. Il disait parfois qu’il se vivait comme un dinosaure car il lui semblait que ni sa technique naturelle (à l’heure du numérique), ni ses références graphiques ou narratives, ni son rythme de vie, ni ce qui le faisait vibrer n’étaient plus partagés par ses contemporains… Mais je doute qu’il n’ait jamais été de « son » temps ! Michel a fait une oeuvre intemporelle, adossée au temps long.

Dans cette exposition nous avons essayé de partager ce qu’était l’univers de Michel à travers ses lectures, ses influences, ses obets familiers.

Michel fut Julien Boisvert quand il fit ses premiers voyages en solitaire, il fut Taupe et Rat, Crapaud parfois (si, si !) et bien sûr Blaireau à qui il aurait aimé, je crois, ressembler une fois devenu vieux et sage.

Miche était notre ami, notre complice, notre compagnon de route. Quand il s’est agi de lui rendre hommage, nous avons reçu de très nombreux témoignagnes et beaucoup de ses amis ont spontanément proposé leur aide. Cette exposition improvisée dans l’urgence, parfois chaotique, éminemment subjective dans ses choix, est avant tout une façon de lui dire que nous l’aimions.

EMMANUEL LEPAGE

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