Interview
Alain Ayroles
Sceneario.com : Bonjour Alain. Ton actualité est la sortie tant attendu du dernier tome de la série D. Peux tu nous parler de la genèse de cette saga ?
Alain AYROLES : A la fin de Garulfo, j’ai proposé à Bruno Maïorana de lui écrire une histoire de vampires, sachant que ce sujet le passionnait depuis toujours. Bruno m’avait mis en garde : au vu de l’incroyable profusion de romans, de films et de bd traitant de vampires, il allait être difficile de produire quelque chose d’original. Je savais aussi que ce connaisseur serait intraitable quant à la fidélité à l’esprit du genre. Le défi était stimulant !
Sceneario.com : Quelles en ont été les influences ?
Alain AYROLES : J’avais été marqué par le remake que Werner Herzog avait fait du Nosferatu de Murnau. Mes autres références cinématographiques étaient les Dracula de la Hammer, celui de Coppola, le Bal des vampires de Polanski ou les Prédateurs de Tony Scott. En littérature, je n’avais guère lu que les romans d’Ann Rice. Pour saisir au mieux l’essence du genre, je me suis plongé dans les classiques de la littérature vampirique : le Dracula de Stoker, bien sûr, mais aussi Carmilla de Sheridan Le Fanu, le Vampire de Polidori, diverses nouvelles du XIX siècle et même le traité sur les revenants du XVIIIème siècle qui est évoqué dans le tome 2.
Sceneario.com : Ce dernier fait tout de même de belles révélations. Dés le départ, savais-tu que cela allait se terminer comme cela ?
Alain AYROLES : Oui, à quelques détails de mise en scène près, cette fin était prévue, même si le sort de certains personnages est resté longtemps en suspens.
Sceneario.com : Qu’est ce qui t’a intéressé sur ce sujet, celui des vampires ?
Alain AYROLES : Au delà de toute l’imagerie fascinante qu’il véhicule, le mythe du vampire est très riche. Il évoque des sujets comme l’immortalité, la séduction, la prédation, la dualité Eros/Thanatos, le sang et toute la symbolique qui y est liée… Il peut aussi renvoyer à des métaphores sociales ou politiques.
Sceneario.com : Comment as-tu travaillé pour cette série? As-tu fait de nombreuses recherches sur cette période ? Sur les vampires ?
Alain AYROLES : Bruno et moi avons dû nous documenter abondamment sur le contexte victorien. En plus des classiques vampiriques cités précédemment, j’ai aussi lu ou relu des romans de l’époque pour m’imprégner du style d’écriture du XIXème siècle.
Sceneario.com : Comment se passe ta collaboration avec Maiorana ? et avec Leprévost ?
Alain AYROLES : Après six tomes de Garulfo, la technique était bien rodée ! Je fournissais un story board à Bruno et des indications narratives à Thierry (dans une bd la couleur raconte aussi). Il y avait beaucoup d’échanges.
Sceneario.com : Es tu un scénariste exigeant avec tes collaborateurs ?
Alain AYROLES : Je le suis d’abord avec moi-même. Mais c’est vrai que j’ai une vision assez précise de la narration et que je n’aime pas négliger les détails. Alors oui, je crois que je suis exigeant, mais on peut dire que cette exigence était partagée !
Sceneario.com : Que ressens tu lorsque tu reçois les planches finies de Maiorana et de Leprèvost ?
Alain AYROLES : Il y a toujours de l’émerveillement à voir ses idées prendre forme et couleurs sous la plume et le pinceau (pinceau virtuel, depuis quelques tomes) d’artistes aussi talentueux.
Sceneario.com : Petit questionnaire « Vampire »: si je te dis Dracula de Bram Stocker ?
Alain AYROLES : LE classique. "D" reprend en partie sa forme épistolaire.
Sceneario.com : les films Dracula de la Hammer avec Christopher Lee ?
Alain AYROLES : De bons moments de cinéma, aujourd’hui plus amusants qu’horrifiques. Mais quel charme !
Sceneario.com : Le Dracula de Coppola ?
Alain AYROLES : Une adaptation fidèle du roman, avec quelques trahisons de bon aloi.
Sceneario.com : Entretien avec un vampire ?
Alain AYROLES : Ann Rice a vraiment sû redonner un nouveau souffle au mythe. Au cinéma, je trouve que l’adaptation de Neil Jordan a très bien restitué l’esprit des bouquins.
Sceneario.com : Aux frontières de l’Aube ?
Alain AYROLES : Une tentative obsolète de modernisation.
Sceneario.com : Quel est ton dernier coup de coeur pour une bande dessinée ?
Alain AYROLES : L’Arabe du futur de Riad Sattouf.
Sceneario.com : Quels sont tes futurs projets ?
Alain AYROLES : Le diptyque consacré au mystérieux passé du lapin Eusèbe de De cape et de crocs, dont le premier volet paraîtra en novembre. Le premier volume de l’Age des chiens, une histoire d’héroic fantasy décalée, dessinée par mes soins, prévue pour 2015. Et Les Indes fourbes, un one shot racontant les mésaventures d’un héros de roman picaresque en Amérique du Sud au début du XVIIème siècle, histoire que va dessiner Juanjo Guarnido.
Sceneario.com : Bruno Maïorana, dessinateur de ta série D, a annoncé ces jours derniers qu’il allait arrêter de dessiner. Comment as tu appris cette nouvelle ? Qu’en penses tu ?
Alain AYROLES : Une triste nouvelle. En plus d’être un collaborateur, Bruno est un ami. Nous avons commencé ensemble, Garulfo était ma première série, et j’ai travaillé avec lui pendant près de vingt ans. Je respecte sa décision, qui est révélatrice d’un malaise partagé actuellement par beaucoup de dessinateurs, et je ne peux lui souhaiter que le meilleur.
Sceneario.com : Que penses tu du monde de la BD d’aujourd’hui ? T’y retrouves tu ?
Alain AYROLES : La situation de la bande dessinée aujourd’hui est paradoxale : l’offre n’a jamais été aussi riche et diversifiée, mais il devient de plus en plus difficile pour les auteurs de vivre de leur art.
Alain Ayroles
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