Interview

Andrea Mutti, notre ami d’Italie, de retour sur une nouvelle série…

Interview réalisée par Fred – Septembre 2004

Sceneario : Le premier episode de « Arrivederci Amore » (AA) est en vente actuellement, C’est
une sorte de mélange entre Thriller et Série Noire ! Comment pourriez vous décrire cette série ?

Andrea MUTTI : Tout d’abord, bonjour tous le monde ! Bien… Tu as raison, AA est une histoire vraiment forte, violente, un mélange entre Thriller et ambiance noire. Tous les personnages ne sont pas bons, ilsont des « âmes » dégueulasses et tous ces protagonistes sont des crapules complètement immorales… un peu comme dans les films de Tarentino… nous n’avons pas véritablement de héros, mais plusieurs « acteurs » très durs pour une histoire toute aussi terrible. Ensuite nous avons une histoire qui se passe principalement en Italie, pas l’Italie douce et rigolote que nous pouvons imaginer, mais un pays froid et sale qui a un vrai problème avec le crime et la violence… De plus l’ambiance est assez hostile aussi ! Je pense que les lecteurs peuvent très bien ressentir ces sensations étranges, il n’y a presque pas de lumière, pas de soleil bien visible… juste l’obscurité que dégage ces milieux du crime.
Pellegrini n’est pas une victime innocente, c’est un criminel qui ne pense qu’à lui, tout comme les autres personnages ! Anneda par exemple… Oh, mon dieu, je suis encore trop long… ooops !

Sceneario : Non, non, continuez comme ça ;-)

AM : Le style des Bd comme AA est très rapide à lire, mais c’est un choix… ça n’est pas l’histoire lente et progressive d’une chute en enfer, mais une dégringolade rapide, comme un coup de poing au visage, c’est la méthode typique de Carlotto. Le roman est pareil, chaque page à un impact très rapide, comme une flamme dans la main, c’est très important pour le lecteur. Notre intention, on va dire ça comme ça, c’est qu’il y ait une sorte d’overdose de violence pour ce lecteur, qu’il en ait le souffle coupé, sans pause, sans stop, la respiration bloquée… que ça soit court ! Ensuite, il pourra y repenser plus calmement, mais dans la page, nous devons garder cette flamme, cette chaleur ou cette impression de personnages au sang froid. Nous avons vraiment voulu garder le même rythme que dans le roman, identique, sans pause !

Sceneario : Avec « Break Point » (BP), vous semblez être habitué à ces « genres » !

AM : Oui… J’ADORE vraiment les Thrillers, ces histoires noires… j’en suis complètement fou. Je lis beaucoup ce genre d’auteur, et faire une BD avec ces atmosphères… est comme un rêve pour moi ! J’ai une grande part en moi qui est en quelques sorte très « Série Noire », j’espère que les lecteurs peuvent le ressentir dans mes pages.
Enquêtes, actions, suspense, fin surprenante et violence… ouah… ce sont les VRAIES forces dans un bon thriller (Que ça soit dans la BD, les films ou les romans, d’ailleurs !)
Quand j’ai commencé à travailler sur Break Point, par exemple, j’ai ressenti ce même feeling « Noire » avec Philippe, il a une façon d’écrire ces ambiances sombres qui correspond parfaitement ! (Salut Phil !!!), c’est très important… Et avec Luca Croci et Massimo Carlotto… Euh… le feeling est incroyable ! J’ai beaucoup de chance avec ces projets, j’aimerais dire un GRAND merci à tous ces amis !

Sceneario : Sur le forum de Sceneario.com, d’ailleurs, vous nous avez montré que vous aviez une grande connaissance sur cette littérature ! Quelles sont vos références ?

AM : Oh, beaucoup ! Connelly, Lansdale, Chandler, Scerbanenco, Manchette, Izzo, Deaver, Spillane, Lucarelli… et bien sùr Carlotto, mais il y en a encore beaucoup, Simenon pour les classiques par exemple… Grangé, Sardou sont excellents aussi !

Sceneario : Quelques uns de ces écrivains ont travaillé pour la bande dessinée (Lansdale a beaucoup écrit pour les comics ! Manchette a traduit les Watchmen en France, Spillane a fait des strips aussi) pensez vous qu’il y ait un lien entre ces deux média ?

AM : Bien sur… C’est un bon mélange, entre la littérature et la BD, une bonne osmose !

Sceneario : Cette litterature est vraiment très populaire, nous connaissons tous Chandler, Spillane… Pensez vous que c’est le retour des “Série Noire” dans la BD ou les livres ?

AM : J’espère vraiment, en BD comme dans les romans ! C’est un monde incroyable… pareil pour le cinéma ! Je pense que nous pouvons et devons faire toujours mieux dans les Thrillers ! AA sera bientôt un film, et, en ce qui concerne Carlotto, On va bientôt raconter sa propre vie dans un film « Il Fuggiasco», C’est un plaisir de voir ce genre de lien, de « contamination » positive entre les medias !

Sceneario : J’ai trouvé ce premier album de AA très cynique, immoral, je trouve que c’est tellement différent de ce que j’ai l’habitude de lire (excepté peut-être Horace Mc Coy (« On achève bien les chevaux », « Un linceul n’a pas de poche »), c’est très surprenant, pensez vous que c’est en partie la raison du succès du livre en Italie ?

AM : Oh, oui, je pense ! Massimo a une méthode d’écriture très directe et sèche… C’est comme un coup de poing dans le visage, comme un marteau. AA veut montrer le VRAI visage sombre de mon pays, il y a une face « lumineuse » et une autre plus sombre, comme pour les Jedi. C’est la même chose pour tout le monde… L’Italie incluse !

Sceneario : Le travail d’adaptation est très dur, habituellement, comment toute l’équipe a t-elle travaillé sur ce projet ?

AM : Bien…
Luca Croci a fait un travail exceptionnel… Une adaptation c’est dur et nos intentions étaient de faire une BD très fidèle au livre, bien sur, mais une BD qui avait aussi ses propres règles. Le plus important était qu’il ne fallait pas changer les FAITS, l’ACTION et l’ESPRIT narratif. Il y a quelques « concessions» pour le langage graphique propre de la BD, comme par exemple dans les 4 premières pages, nous avons fait une sorte de séquence métaphorique qui parle de la violence et de la dure loi de la jungle…
L’oiseau-le crocodile-le tueur… C’est un peu le résumé de l’histoire de Pellegrini, non ? Les requins qui s’entre dévorent… c’est la loi du plus fort… mais la « loi » de Pellegrini n’est pas naturelle, elle est immorale, égoïste et sale.
J’ai trouvé très agréable et rigolo de travailler sur les scènes Italiennes, sur les ambiances… C’était étrange mais rigolo ! Normalement nous avons l’habitude de voir New York, Chicago, LA, Paris ou d’autres grandes cités mais pas Varese, ni même les bas fonds Milanais ! Je trouve ça fantastique !Ensuite, il est nécessaire d’avoir pas mal de documentation, de photos pour le réalisme et les couleurs. Angelo a fait un travail incroyable de réalisme justement, pour moi c’est génial… on a passé plusieurs jours à parler des couleurs, de la lumière et des ombres… je suis très fier de travailler dans cette équipe… je me répète mais j’ai beaucoup de chance ! Phil, Luca, Massimo, Angelo sont des personnes sensationnelles avant d’être des fantastiques professionnels. C’est la même chose avec mes éditeurs, et croyez moi, ça n’est pas des compliments intéressés… Je remercie encore Elisabeth Haroche d’Albin et Eric Adam de Vents d’Ouest, des gens incroyables, des vrais professionnels plein d’enthousiasme et d’énergie, ils constituent ma nouvelle famille de travail !

Sceneario : Comment Carlotto a-t il réagit ?

AM : Très enthousiaste !

Sceneario : Parfait ! Je vois que vous travaillez encore avec Angelo Bussacchini, comme sur BP, comment cela se passe t il ? Pouvez vous nous raconter comment vous vous êtes rencontrés ?

AM : Je connais maître Bussak depuis 15 ans ! Nous étions en école d’Art ensemble… Oh, je suis jeune, très jeune, Angelo est bien plus agé, hé hé hé hé hé, non non ! Ca fait quelques années que nous voulons travailler ensemble, et quand j’ai commencé mon expérience en France je lui ai dit « Are you ready for rock’n roll? » et Angelo m’a répondu : « Quoi ! Bien sur ! »… C’est presque un frère. Le plus intéressant c’est, je pense, que nous avons des styles complètement différents, j’ai une approche plus graphique tandis que lui est plus pittoresque, plus coloré, et le mélange de ces deux styles est… oh, j’aime beaucoup le résultat, c’est hybride, étrange mais positivement ! Un bon exemple de « bonne contamination », un mixage très spécial !

Sceneario : Il aime la “couleur directe”, les textures, c’est vrai que vos deux styles sont finalement assez complémentaires, à tel point qu’il est dur de distinguer qui fait quoi ! Comment travaille-t il sur ces pages?

AM : Exactement ! Très complémentaires, tu as raison… c’est important. Angelo aime aussi ces histories, ce genre de Thriller, et nous avons le même feeling à propos du travail. Je fais ma page en noir et blanc avec des lavis noirs pour les ombres et les masses noires, j’utilise un papier assez fin, du 120/150 gr. Après nous faisons une copie de ces pages sur un papier plus épais, avec plus de coton, du 200/220 gr et il fait ses couleurs directement. Ce qui nous donne deux originaux. Les couleurs sont à l’huile, ça donne des atmosphères incroyables. Quand la peinture est sèche, nous appliquons un vernis spécial sur la page, cela renforce les contrastes entre les couleurs et les noirs… un très bon effet final… et ainsi la page est super, très réaliste !

Sceneario : N’aimeriez vous pas vous lancer aussi dans des travaux en couleur, vous même, pour de futurs projets ?

AM : Oh, j’aime beaucoup l’aquarelle… j’ai quelque chose en tête… mais pour l’instant je préfère me cantonner dans le dessin, mais… ok, on va attendre et on verra bien ;-)))

Sceneario : Que pensez-vous des couleurs informatiques, style Photoshop ?

AM : J’aime bien les couleurs digitales, en effet, il y a un tas de très bons coloristes. Par exemple, j’aime bien le travail des Colors Twins sur « 7 seconds », des couleurs très simples mais avec des effets, sans être trop envahissantes sur le dessin. Le risque, parfois, c’est que l’usage immodéré de flash, d’effets digitaux bouffe le dessin, ça n’est pas bon du tout pour le résultat final. Comme tu me le disais auparavant, c’est important d’avoir une complémentarité entre le coloriste et le dessinateur, une symbiose. De mon point de vue, une couleur directe a… une âme différente, c’est normal je pense ! Dans les couleurs naturelles nous avons l’instinct, la sensation du pinceau, la pression sur le papier, c’est comme jouer une symphonie… Ok ok… ça fait trop Zen ? ;-))

Sceneario : Le second tome de AA sera très bientôt publié aussi, n’est ce pas ? Quel est votre secret pour être aussi rapide ?

AM : Je pourrais te le dire mais je devrais te tuer ensuite ;-))))
Bon… d’accord… Tout d’abord j’ai arrêté ma collaboration avec mon éditeur Italien (Sergio Bonnelli), je me concentre entièrement sur mes projets en France. C’est une expérience incroyable, très différente de ce que je faisais avant, c’est fantastique… Dîtes vous bien que les albums français font environ la moitié des italiens, 94/110 en Italie contre 46/56 en France ! Mais la vraie raison c’est que ça n’est pas mon travail… c’est ma vie… (Oh, il y a ma femme derrière moi… euh… Après toi mon amour… bien sur!!!!)

Sceneario : Quelques révélations sur ce fameux deuxième tome ? 😉

AM : Hé hé hé, il va y avoir une fin surprenante, mais mes lèvres sont complètement fermées… complètement surprenante… Attends et tu verras… Je suis très curieux de voir la réaction des lecteurs, à ce moment là !

Sceneario : Bien, nous verrons… ;-)))… En tout cas, merci beaucoup pour ce temps passé avec nous, Andy !

AM : Oh, non… C’est moi qui te remercie, mon ami, et merci aux lecteurs aussi. J’espère qu’ils seront content de lire mes histories. Je fais de mon mieux pour eux car, avant d’être un dessinateur, je suis un lecteur aussi. Au revoir !

Livres

Andrea Mutti, notre ami d’Italie, de retour sur une nouvelle série…

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