Interview

Ange

Sceneario.com: Enfin nous arrivons à réaliser une 2° interview de toi… ce long silence est du à quoi ?
ANGE:
Tu as du perdre notre adresse mail, je ne vois que ça. Et tu es tellement occupé avec Sceneario.com, que tu ne penses pas à nous… il y a tellement d’auteurs qui sortent des albums plus intéressants que les nôtres…

Sceneario.com: Tu as donc besoin de parler…
ANGE:
Pas plus que les autres auteurs, pas moins non plus. C’est vrai qu’en fait, notre métier, c’est plus écriveur que parleur. Mais parfois, on se dit qu’on est un peu sous-médiatisés et qu’il serait bon que ça change un peu… c’est le cas pour nous, mais aussi pour d’autres auteurs comme Jean-Charles Gaudin… on est systématiquement oubliés par certains magazines (Bo Doi, par exemple) ou médias. A moins qu’on ne soit blacklistés, c’est aussi une solution…

Sceneario.com: Tu suis une thérapie?
ANGE:
Oui, à base de Feta. N’en demande pas plus, ok ?

Sceneario.com: Bon allons plus sérieusement… c’est vrai quoi on fait une interview de toi tous les 4 ans, donc reprenons notre sérieux. Tu viens de sortir le tome 5 de la Geste des Chevaliers Dragons, est-ce que l’histoire existait dès le début, ou inventes-tu au fur et à mesure?
ANGE:
Je crois que le tome 5 de la Geste était initialement le tome 4. Il était prévu pour sortir il y a en fait deux ans. Dans la première édition du tome 3, on présentait les premières esquisses de Christian qu’il venait de commencer. Le scénario date évidemment de cette époque là. Si la question est « est-ce que l’histoire date de la création de la Geste » (sur laquelle on reviendra tout à l’heure je crois), la réponse est « j’en sais carrément rien, ça fait trop longtemps… » mais quand on a créé la Geste, il y a une dizaine d’années (que le temps passe vite, hein… 10 ans de Geste, une interview tous les quatre ans…) on a créé un outil pour raconter des histoires. Un univers suffisamment construit et suffisamment ouvert à la fois pour raconter ce qu’on voulait.
C’est un univers adaptable et parfaitement adapté à la BD, dans le format du one-shot de 46 pages et quelques sur lequel nous travaillons. Un peu comme les Tuniques Bleues. Je ne pense pas qu’au début des Tuniques Bleues, Cauvin avait l’histoire du tome 28 ou 36. Mais il a créé un univers avec assez de règles pour raconter ce qu’il voulait. Nous, sur la Geste, ce que l’on sait, c’est qu’un grand thème sous-tend chaque album et résonne dans tout le scénario. A part le premier, qui était la présentation du mythe, les thèmes sont dans l’ordre : le choix, la famille, le sacrifice, la valeur, l’incertitude… relisez les albums avec cette information en tête et vous verrez…

Sceneario.com: Le tout avec 4 dessinateurs différents, pourquoi avoir autant changé?
ANGE:
Mais il devait y avoir encore plus de changements ! Les albums de la Geste des Chevaliers Dragons suivent certains principes simples. Dont l’un est « un album, un dessinateur ». Mais reprenons… quand nous avons créé la Geste il y a une dizaine d’années, on s’est très vite rendu compte qu’Alberto ne pourrait pas réaliser les tomes suivants, pas par manque de qualité, bien sûr, mais par manque de temps. Il avait déjà mis 18 mois et des poussières pour faire le premier tome et pour qu’une série s’installe, il vaut mieux sortir un tome par an minimum. Ensuite, on s’est dit que La Geste pouvait parfaitement fonctionner en changeant à chaque fois de dessinateur, ce qui permettait d’augmenter la fréquence de sortie des albums. Pour les lecteurs de comics, c’est une évidence, mais pour les lecteurs franco belges, à l’époque, c’est moins évident. Plus d’albums par an ne voulant pas dire dans ce cas des albums de moins bonne qualité. Les dessinateurs ne les réalisaient pas plus rapidement, simplement, ils étaient plus nombreux. C’est donc Etienne Leroux (le serment de l’ambre entre autres) qui a commencé le tome 2 avant que les relations entre Vents d’Ouest et nous ne tournent à l’aigre. 

Une fois la série passée chez Soleil, nous avons continué sur le même principe. Un album, un auteur. Attention, c’est là qu’il faut suivre, on fait une interro à la fin de l’interview… Philippe Briones a réalisé le tome 2 (celui qu’avait entamé Etienne Leroux), Pascal Barré, un dessinateur venu du jeu vidéo devait réaliser le 3 (qui est devenu le 4) et n’a pas commencé, Sylvain Guinebaud a réalisé le 3 (mais lui pensait que c’était le 4), Christian Paty a commencé le 4 (qui est devenu le 5), Jean Florian Tello a commencé le 4 (qui était le 3 à l’origine) juste avant de se suicider, Arthur Suydam a failli commencer le 4 (qui était toujours le même album que le 3 d’origine) mais le barrage de la langue était trop important, Philippe Briones a réalisé le tome 4 (le même tome 3 d’avant, comme on peut le constater, un album avec un passé et un passif assez important), Arthur Suydam a entamé le 6 mais le barrage de la langue était encore plus important et Laurent Sieurac a commencé le 6 qui sortira au premier semestre 2007. Vous avez tout suivi ? A partir de cette année, la Geste va pouvoir prendre le rythme prévu depuis le début, c’est-à-dire d’au moins deux albums par an.

Sceneario.com: Le tome 6 est déjà annoncé, avec un nouveau dessinateur, peux-tu nous en parler?
ANGE:
Le tome 6 de la série est effectivement lancé, avec Laurent Sieurac dans la position enviée du dessinateur, mais tu veux sûrement parler de « Chevaliers Dragons », l’album réalisé en collaboration avec un illustrateur coréen, Dohae, prépublié dans Suprême Dimension et qui sortira fin janvier en album.
En fait, Chevaliers Dragons n’est pas un tome de la Geste, c’est une variation sur l’univers de la Geste, une déclinaison. L’album ne rentrera pas dans la numérotation de la série. Soleil a eu l’opportunité il y a quelques années de travailler avec des auteurs coréens et c’était intéressant de les « marier » avec des auteurs maison sur ce genre de variations. C’est une expérience pour le moins étonnante. Au départ, il était prévu des variations autour de la Geste, de Marlysa et d’Atalante, ainsi que d’autres projets originaux.

Sceneario.com: Pourquoi un tel changement ?
ANGE:
Si on considère que c’est une expérience en parallèle, ce n’est pas un changement. On peut comparer ça, toutes proportions gardées, à ce que fait Jean David Morvan avec Spirou, par exemple. Le Spirou manga existe maintenant, mais la série mère continue. Pour Chevaliers Dragons, c’est un peu la même chose, mais en rajoutant un côté expérimentation, puisque si quelqu’un connaît le manga, c’est bien Jean-David (à mes yeux le seul véritable spécialiste en France parmi les auteurs) et que nous, le manwha, on a déjà du mal à savoir comment ça s’écrit. Notre culture de référence, c’est le comics, pas le manga ou le manwha.
Mais nous avons adopté Dohae pour ce qu’il est, un artiste, et nous avons travaillé en conséquence. En Corée, son travail est d’ailleurs considéré comme du Art-Manwha, ça veut tout dire. Il était donc impossible de dérouler un tome classique de la Geste en lui laissant de la place pour s’exprimer et nous avons fait une variation plus simple (ce qui ne veut pas dire simpliste) sur l’univers, de façon à ce que les différents lecteurs y trouvent leur compte. L’écueil à éviter dans ce genre de projets étant que personne n’y trouve son compte, ni les lecteurs de la Geste, ni les lecteurs de Manwha. On fait avant tout un album de bandes dessinées, qui peut toucher un public franco belge, un public lecteur de Manwha et un public international.

Sceneario.com: La barrière de la langue ne va-t-elle pas être une difficulté?
ANGE:
Ce n’est pas tant le barrage de la langue puisque le scénario était traduit au fur et à mesure en coréen, que le barrage de la compréhension. Par exemple, on voulait une armure très spécifique pour le chevalier et comme elle n’apparaissait pas dans les albums de la Geste, nous avons demandé à un de nos camarades de jeu de la dessiner, puisqu’un petit dessin vaut toujours mieux qu’un long discours, et nous lui avons fourni les dessins. Sinon, ça aurait été complètement impossible… l’avantage du manwha par rapport au manga, c’est aussi son sens de lecture. Ils lisent de gauche à droite, comme nous et au contraire du sens de lecture du manga. Et dans les découpages on utilise souvent des notions de latéralisation pour donner certains effets visuels. Je ne sais pas si on aurait pu les réussir « à l’envers ». Peut-être, peut-être pas…

Sceneario.com: Est ce que c’est dur de changer de dessinateur à chaque fois?
ANGE:
Et là, nous reparlons de la série la geste des Chevaliers Dragons, hein… ce n’est pas dur, mais c’est toujours un poil stressant de commencer une collaboration avec un auteur sur un album en sachant que c’est juste un album. On ne peut pas se rater sur la Geste (pourtant, ça peut arriver parfois, hein…), on a pas de tome suivant pour rattraper une boulette. L’aventure racontée commence à la page 1 et se termine à la page 46 ou 54… de plus, on place la barre beaucoup plus haut sur la Geste que sur d’autres séries en terme de qualité. On demande beaucoup plus aux dessinateurs. Il y a un petit côté « donne tout ce que tu peux pendant un tome, tu pourras toujours te reposer plus tard». Mais il y a aussi de façon incontestable un effet Geste. Il y a un avant et un après pour les dessinateurs de la Geste, qu’il l’admette ou non. Et quand ça ne se voit pas dans le trait, ça se voit dans la tête. Un dessinateur de la Geste évolue d’une façon ou d’une autre. Bien sûr, on pourrait dire qu’un dessinateur évolue après chaque album. Mais avec une Geste, l’évolution est carrément accélérée.

Sceneario.com: Appréhendes-tu le travail de la même manière?
ANGE:
Non, forcément. Pour demander à un dessinateur de donner le meilleur, il faut analyser son dessin et pas forcément juste lire les albums qu’il a déjà réalisé. Il faut regarder ses crayonnés, toutes les étapes de son dessin. Il faut pouvoir être capable de détecter ce que peut réellement faire un dessinateur, jusqu’où on peut le pousser, jusqu’où on peut l’amener. Au début, il y a toujours des réticences. Ou des blocages. Mais c’est aussi notre travail de prouver que ce qu’on demande est faisable, que ce soit littéralement ou en trichant. 

Ça a l’air de rien, mais un tome de la Geste, au-delà d’être une série d’heroic fantasy avec des meufs qui tapent sur des dragons, c’est une série qui est purement character driven comme disent les américains. Dans ce que raconte une Geste, c’est l’élément humain qui est le plus important, les doutes, les victoires, les certitudes et les incertitudes, et c’est aussi ce qui est le plus difficile à rendre en dessin. Tous les dessinateurs n’ont pas eu la chance de faire les Gobelins et de travailler dix ans chez Disney où ils ont appris à faire passer les émotions à travers le dessin.
L’univers de la Geste est un paradis pour scénaristes. Quand on se lance dans une série, avec des personnages récurrents, on s’aliène tout de suite une partie du suspense. On sait que le héros d’une série ne va pas mourir. On sait que les personnages secondaires importants ne vont pas mourir non plus, du moins pas tout de suite. Cela ne veut pas dire que la série ne peut pas être bonne, voire excellente… mais cela veut dire qu’il y a des ficelles sur lesquelles on ne peut pas jouer.

Avec la Geste, nous sommes entièrement libres, et le lecteur ne peut pas savoir à quoi s’attendre. Nous pouvons tuer notre héroïne, nous l’avons déjà fait et nous pouvons le refaire. Nous pouvons tuer toutes les héroïnes. Nous pouvons raser une ville, et tous ses habitants. Ou, au contraire, il peut y avoir une happy-end, complète, avec un changement drastique de destin pour un des personnages. Il est possible, dans la Geste, qu’un jour une de nos chevaliers rencontre l’homme de sa vie, démissionne, se marie et décide d’avoir des enfants. Ce n’est pas grave : nous prendrons d’autres personnages la prochaine fois. Le destin de chacun peut vraiment se jouer à chaque album.
Et pour que ce soit crédible, il faut un dessinateur qui suive derrière. Par exemple, et ce n’est qu’un exemple, toute la mélancolie qui se lit dans les yeux de l’heroine à la fin du deuxième tome. Ça parait simple, mais c’est juste la même chose que la différence entre un bon acteur et un mauvais acteur. Ça reste un acteur, mais il y en a un qui est crédible et pas l’autre. Ça n’a l’air de rien, mais en BD, c’est souvent ce qui fait qu’un lecteur s’investit dans l’histoire ou pas.

Sceneario.com: Tu auras préféré travailler avec lequel?
ANGE:
C’est une question piège et on ne tombera pas dans le piège. Mais celui avec qui on a préféré travailler se reconnaîtra sans aucun doute… allez, un indice, son nom de famille commence par une consonne.

Sceneario.com: Une série comme la Geste a commencé sa carrière chez Vents d’Ouest, puis est arrivée chez Soleil, comment expliques-tu cela?
ANGE:
Les auteurs sont de petites choses fragiles. Il suffit d’un changement de personnel au sein de la maison d’édition et ils n’ont plus de repères et courent comme des canards décapités. Enfin, ça, c’est ce qu’aime penser les maisons d’édition, hein…
Le transfert de la Geste chez Soleil a pris du temps, c’est sur. La Geste a été initiée il y a une dizaine d’années par Louis Delas, chez Vents d’Ouest avec Laurent Galmot comme directeur de Collection. Quelques mois plus tard, Louis Delas a quitté la maison Vents d’Ouest pour s’occuper de Casterman et le nouveau patron envoyé par Glénat a pour le moins restructuré la maison. Pour lui, restructurer voulait dire principalement virer tout le monde, staff, directeurs de collection et auteurs. Et pour nous, vents d’ouest s’est assez vite transformé en vents d’ouste pour faire un mauvais jeu de mots (ndlr : oust : dehors, humour, drôle). Heureusement, on avait signé à l’époque un contrat avec Soleil portant sur Paradis Perdu avec Alberto Varanda et on a pu migrer là bas avec quelques projets. Mourad connaissait le potentiel de la Geste en tant que série et Soleil a fait ce que peu de maison d’éditions auraient fait, c’est-à-dire racheter la série à Vents d’Ouest pour nous rendre notre bébé.

Sceneario.com: A ce jour, est-ce une série qui fonctionne?
ANGE:
Non seulement c’est une série qui fonctionne, mais c’est une série qui a une bonne image. Les auteurs la connaissent, ils reconnaissent le côté qualitatif de la série, même s’ils ne travaillent pas dessus et on en est super fiers, même si une grande partie de la visibilité de la Geste tient bien sur du premier tome d’Alberto. Mais bon, si la série en elle-même ne tenait pas la route, Alberto ou pas, elle se serait vautrée après.

Sceneario.com: Comment se passent les relations avec Soleil?
ANGE:
Très bonnes et c’est pour ça que nous n’avons pas spécialement envie de signer une série chez un autre éditeur. Là, on se répète, mais pourquoi on signerait un contrat avec un autre éditeur alors qu’on peut le signer chez Soleil qui nous fait confiance depuis des années ? Qui nous faisait confiance alors même que les albums marchaient moins bien ? Certains auteurs se servent des éditeurs comme de tremplins pour essayer de rebondir toujours plus haut. Une relation entre un éditeur et un auteur doit vraiment être une relation à long terme et c’est comme ça qu’on la conçoit. Le seul danger est de progressivement faire partie des meubles et que l’éditeur ne se rende plus compte ni du travail effectué ni du résultat obtenu, quand il y a un résultat. Mais faisons confiance à Mourad pour ne pas tomber dans ce travers. C’est un peu comme une relation amoureuse. Il ne faut pas s’endormir et toujours surprendre, toujours être capable de ranimer la flamme, et c’est valable des deux côtés, celui de l’auteur et celui de l’éditeur. Et non, ce n’est pas une déclaration.

Sceneario.com: On entend souvent dire que le patron de Soleil est plus un commercial qu’un passionné de BD, qu’en penses-tu?
ANGE:
C’est très con. Comme si on ne pouvait pas être l’un et l’autre, qu’il fallait obligatoirement faire un choix. Mourad est tellement passionné de BD qu’il est éditeur. Et un éditeur, ça joue avec son argent, pas celui des autres. Un auteur, quand ça débute, ça joue avec l’argent des autres, en l’occurrence de son éditeur. Même si le système d’avance sur droit ressemble plus à un prêt qu’à autre chose (on nous prête l’argent qu’on rapportera peut-être un jour, tout est dans le peut-être), l’éditeur donne de l’argent à un auteur en échange de son boulot. C’est assez basique. Et un album de bd, même si les progrès techniques ont permis de réduire les coûts, ça coûte de l’argent et beaucoup plus que les avances sur droit. Il y a l’impression des bouquins, les frais fixes (et oui, il faut payer les salariés de la maison d’édition, ce sont des choses qui se font), les frais marketings quand il y en a. En fait, un album de bd coûte beaucoup plus cher qu’on ne pense. Si l’album devait être rentable par lui-même, il faudrait augmenter considérablement son prix et c’est déjà assez cher comme ça. Alors franchement, qu’est-ce qu’on reproche à Mourad ? De faire des coups ? C’est bien connu, les autres éditeurs, des coups, ils n’en font pas…
Soleil publie à la fois Lanfeust, UW1, les Blondes, Paroles de Poilus ou bientôt Arthur et les Minimoys. On n’a pas à rougir, vraiment pas. Tu connais une maison d’édition qui refuserait d’avoir ces titres à son catalogue ? On parle bien d’une maison d’édition, pas d’une association, hein… Et puis, on peut aussi le répéter, mais on ne force pas les lecteurs à acheter les albums. S’ils les achètent pour eux ou pour offrir, c’est qu’ils les apprécient. Et c’est dans cette configuration là que tout le monde est content, l’éditeur parce que sa boîte est pérenne, et l’auteur, parce qu’au-delà de toute considération financière, ce qu’il veut c’est être lu et plaire le plus possible. Dans un système communiste, si tous les auteurs étaient payés la même chose, on se tirerait tout de même la bourre pour savoir qui est le plus lu. Surtout si celui qui est le moins lu est exécuté d’une balle dans la nuque.

Sceneario.com: Quels sont tes projets pour les mois à venir?
ANGE:
Houlà, ça, c’est la question piège à laquelle on en répond pas la plupart du temps. Alors, parce que c’est Sceneario.com, on va faire une exception. La BD occupe toujours la majorité de notre temps de travail et on continue de développer les séries en cours que ce soit La Geste, Le Collège, les Blondes, Belladone…. On prépare l’adaptation des Princes d’Ambre, le roman de Roger Zelazny en BD. C’est notre œuvre fondatrice s’il y en a une, le bouquin qui nous a donné envie d’écrire, peut-être. On ne va pas remonter trop loin dans le temps, mais on a même fait l’adaptation des Princes d’Ambre en jeu de rôles pour Casus Belli, avant que le vrai jeu de rôles ne soit publié. Une adaptation BD est forcément un projet très casse-gueule, mais bon, c’est un peu comme dans le parrain, c’est une proposition qu’on ne peut pas refuser. Et non, personne n’a glissé de tête de cheval dans notre lit.
On prépare aussi une série de Thriller. Ou plutôt d’hyper thriller. Maintenant qu’on est à l’ère de l’hyper terrorisme, autant faire de l’hyper thriller. En fait, on cherchait depuis longtemps comment faire une série qui fonctionnerait sur le même mode que la Geste des Chevaliers Dragons (un tome, une aventure, un dessinateur), avec cette continuité propre à la Geste qui ouvre tant de portes scénaristiques, mais dans un environnement contemporain, ou presque. Et bien, bonne nouvelle, on a trouvé. Et il nous fallait quelqu’un d’aussi bon qu’Alberto pour faire le premier tome et on est tout près de trouver. La Geste a eu beaucoup d’influence sur toute une génération d’auteurs (à sa sortie, il faut juste se souvenir qu’il n’y avait pas autant d’albums d’heroic fantasy que maintenant…) et on aimerait faire une série de Thriller qui marque autant. Et pour ça, il faut se donner les moyens. Mais si le projet fonctionne, ça va être de la bombe atomique. Littéralement. 

On a commencé le développement de la prochaine série de Christian Paty, prévue pour l’année prochaine. Ça fait quelques années qu’on travaille dessus, mais là, c’est parti. On ne peut pas en dire beaucoup puisqu’on en est au début, mais il faut juste savoir que c’est la série que Christian voulait dessiner depuis qu’il s’est mis à la BD et même avant. Maintenant qu’il a enchaîné deux albums de Kookaburra Universe, un tome de la Geste des Chevaliers Dragons et quelques autres broutilles, il est prêt à attaquer SA série, une grande série d’aventure, avec des héros mythiques, des dieux, des créatures fantastiques. Il faudra lui demander plus d’infos, s’il veut bien en donner. Mais une chose est sûre, il a mis tout le monde d’accord avec Kooka U puis la Geste et là, il va atteindre un niveau qui va en laisser plus d’un derrière lui. 

On vient aussi de boucler avec Régis Donsimoni le premier album d’une série pour enfant, qui reprend certains éléments du Collège Invisible, mais qui n’est pas pour autant une série dérivée du College. C’est juste que les deux séries ont des éléments en commun, mais sinon, ce sont deux cibles bien distinctes, deux univers qui n’ont rien à voir. Et cette série vise plein pot l’adaptation en dessin animé et c’est Cybergroup, le studio qui produit l’adaptation de Les Blondes qui est en pré-développement dessus. On montera sûrement une sorte de studio pour réaliser les albums, un peu comme Barbara et Alessandro ont fait pour Monster Allergy. 

Les Blondes sont donc en développement pour une série de 100 fois une minute 30. Ça va faire bizarre de voir Vanessa bouger et parler, mais, aujourd’hui le câble, demain, le monde… 

On ne s’interdit pas de travailler sur d’autres projets d’animation ou de télévision au fil des rencontres, notre exclusivité informelle avec Soleil ne couvrant que la BD, et certains sont en cours. Mais c’est un univers nouveau pour nous et il faut apprendre de nouveaux codes, de nouvelles façons d’écrire, de penser, même et ça, ça prend du temps. Et comme en plus on veut essayer de faire les choses bien, ça prend encore plus de temps.
On devrait en principe sortir un nouveau roman dans le cours de l’année prochaine… On croise les doigts. Tous. Et à nous deux, ça en fait plein, surtout si on compte les doigts de pieds.

Sceneario.com: Et la BD les Cancres? De quoi s’agit-il?
ANGE:
Ben, en fait, après le succès des Blondes, on s’est demandé ce qu’on pouvait faire dans le même genre, c’est-à-dire l’humour bête. Même si le pendant des cancres existe, les Profs, il n’y avait pas de bd consacrées aux potaches, aux cancres, aux quiches. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai, il y en a, comme l’élève Ducobu, mais ce n’est pas le même traitement. C’est Cédric Ghorbani, un ancien des Gobelins qui s’y est collé avec brio. On vient juste d’entamer le tome 2.

Sceneario.com: Est-ce que quand un album est signé ANGE (ANne et GErard), c’est toi et ta femme ou que toi?
ANGE:
Ben c’est nous. Ça te va comme réponse ?
Tout ce qui sort avec Ange ou Gaby comme auteur, c’est nous. C’est dingue, non ?
Maintenant, ce qui nous fait rire, ce sont les journalistes, qui précisent notre véritable patronyme dans les articles. Heu… si on prend un pseudo, c’est un peu pour ne pas utiliser notre nom…
Et la façon dont on travaille, ben c’est notre façon, hein… certains ont essayé de travailler à deux, mais c’est très difficile, mine de rien, et la dernière fois, ça s’est soldé par la mort d’un chien (il faut lire Suprême Dimension pour comprendre, là, c’est sûr…).

Sceneario.com: Lors de l’interview précédente tu nous remerciais de parler des scénaristes. Serais-tu prêt maintenant à nous donner une photo de toi nu?
ANGE:
J’ai longtemps hésité, mais c’est plutôt flatteur et j’espère que tu as reçu la pièce jointe.

Sceneario.com: Concernant les Blondes, plus la peine de se cacher… le scénariste c’est toi… raconte nous pourquoi avoir tenté de garder cet anonymat.
ANGE:
En France, on a un réel problème avec les étiquettes. C’est très difficile de sortir d’une case quand on vous a fait entrer dedans, de force. On avait déjà ce problème là, il y a quelques années quand on avait commencé Tower. On était connu pour nos séries de Fantasy et d’un coup, on sortait un thriller. Et tout le monde nous a demandé pourquoi on écrivait un thriller, comme si c’était incompatible avec le fait d’écrire de la fantasy. Nous sommes scénaristes, pas scénaristes de Fantasy. C’est juste que la fantasy est le genre où on se sent le plus à l’aise de part sa liberté et notre formation antérieure de développeurs de JDR. Nous sommes scénaristes de fantasy, de thriller, de capes et d’épées, d’humour, de science fiction… pourquoi s’imposer des limites ? c’est le public qui juge au final.
Alors forcément, tu imagines le cauchemar quand on a lancé le projet Les Blondes. Non seulement, c’était encore plus éloigné de la Fantasy, mais c’était véritablement un projet à risque, de par l’image véhiculée. On risquait vraiment d’en prendre plein la poire au cas où ça ne fonctionnait pas. Et quand on parle de « fonctionner », on ne parle pas que du résultat des ventes. On parle surtout de l’alchimie entre scénariste et dessinateur qui, quand elle existe, se retrouve sur le papier, se voit sur la page et quand elle n’existe pas se voit encore plus sur la page, mais en moins bien. 

Et donc, quand on a trouvé le dessinateur, il devait aussi garder l’anonymat pour cause de deuxième métier à côté et de séries plus sérieuses en cours. L’anonymat est tombé sous le sens. Après tout, nous les pseudos, on a déjà l’habitude, on en a déjà utilisé pas mal dans notre courte carrière. Mais le plus dur, ça a été de le cacher aux auteurs avec qui on travaille sur les autres séries, et certains l’ont même un peu mal pris. Qu’ils nous pardonnent. On s’est fait griller assez vite néanmoins, avec un passage télé non masqué, et par le bouche à oreilles des dessinateurs qui se faisaient un malin plaisir de balancer l’information, alors qu’ils savaient qu’on essayait de la garder secrète. Si tu veux être sûr que tout le milieu soit au courant, confie un secret à un dessinateur. Ou à un scénariste, c’est encore mieux.
Maintenant, les Blondes, c’était un véritable pari même si on savait quelle direction on prenait, quelle image on voulait donner. On voulait vraiment faire le pendant de Toto (chez Delcourt), c’est-à-dire une série très grand public. Carrément éloignée de l’image de la plupart des histoires de blondes qui tournent beaucoup autour du cul. On avait beau en être persuadé, le paradigme des Blondes est si fort que personne ne nous croyait, sauf Jean Wacquet, notre directeur éditorial. Et il nous a suivi contre vents et marées dans le frémissement, le « ça marchotte », le « pas mal ! », jusqu’au « ok, c’est un carton… ». 

On en est encore qu’au début. Les blondes, à la base, c’est un phénomène mondial et universel, il n’y a pas de raison que ça s’arrête comme ça… 

Et même si ça parait contradictoire avec ce qu’on dit au début, on le fait aussi pour ne pas mélanger les genres lors des apparitions en festival, par exemple. Si c’est Dzack qui dédicace, il dédicace Les Blondes. Si c’est… ah tiens, j’ai failli le dire… mais dans ce cas, il ne dédicacera pas Les Blondes.

Sceneario.com: Penses tu que le net et l’attitude des gens dans les forums a évolué? En bien ou en mal?
ANGE:
Ahah, pas en bien, c’est sûr. On trouve toujours autant d’apprentis journalistes ou d’apprentis auteurs qui pensent qu’avoir accès à internet les autorise à parler, sinon plus. Mais c’est pas internet qu’il faut, c’est de la culture. C’est un peu comme la Starac où certains candidats ne connaissent pas les Beatles. Pour pouvoir parler de BD, mieux vaut avoir lu Franquin avant. Ensuite, un peu de respect n’a jamais tué personne. Quand un auteur, quel qu’il soit, travaille un an sur un bouquin, «album de merde », c’est un peu réducteur comme critique, hein…

Quant à l’importance réelle des forums et autres blogs, je m’en tiens à l’étude réalisée par Joe Quesada, le chief editor de Marvel. Selon lui, internet n’a exactement aucun impact, en bien ou en mal, sur les ventes. Et c’est bien ça le plus important au final. Ce ne sont pas les bonnes critiques sur internet qui payent le loyer. Pour la plupart des scénaristes et des dessinateurs, auteur, c’est un métier, pas un hobby et les critiques ne payent pas les nouilles.
Mais ce n’est pas réservé au net, hein. Certains magazines ayant pignon sur rue se comportent exactement de la même façon.

Sceneario.com: Sceneario.com te plaît toujours autant? (ça c’est pour recevoir des compliments car on aime bien ça…)
ANGE:
Toujours, c’est un des meilleurs sites, c’est sûr ! Il est réalisé par des vrais passionnés, intègres, et néanmoins terriblement sympathiques. Il devrait être remboursé par la sécurité sociale tellement il est bien, et on murmure dans certaines contrées éloignées que lire régulièrement Sceneario.com fait taire les chiens et soigne les hémorroïdes.
C’est dire.

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