Sceneario.com :
Préférez-vous une technique entre la colorisation traditionnelle et la colorisation par ordi?
Camille Paganotto: Et bien, ce que je trouve de plus réussi, c’est l’association des deux.
La mixité des techniques de mise en couleur apporte une richesse supplémentaire à la BD qui n’est pas négligeable. Il faut s’ouvrir aux nouvelles technologies sans oublier celles du passé.
Sceneario.com : Avez-vous des références de coloristes que vous admirez plus que d’autres ? (Exemple Marie Paule Alluard; Chagnaud, Walter, Guth…)
Camille Paganotto: Oui, bien sur ! Beaucoup sont bons, mais peu m’impressionnent. De plus, j’aime beaucoup les BD en couleurs directes.
Le premier sur la liste et qui est pour moi le meilleur en traditionnel, c’est Claude Guth.
Pour la partie informatique, j’adore ce que fait Barbara Canepa (Skydoll). C’est une amie, et c’est elle qui m’a mise à l’ordi (Bisous Barbara !).
Je suis également très intéressée par le travail d’Elsa Brants, de Jean-Marie Minguez (qui m’a récemment appris sa méthode de travail qui m’a beaucoup apporté) et bien sur de Bruno Garcia (Luuna).
Sceneario.com : Quel genre de dessin privilégiez-vous pour la couleur ? (Exemple avec beaucoup de hachurages ou non, ligne claire ou dessin très travaillé ?)
Camille Paganotto: Il n’y a pas de genre spécifique. Il faut juste qu’il me plaise ! C’est surtout une question de goût.
On ne peut faire bien quelque chose que si l’on est motivé pour le faire.
C’est mon credo !
Sceneario.com : Quelles BD aimeriez-vous coloriser?
Camille Paganotto: Je vais déjà essayer de faire quelque chose de beau sur celles que je fais déjà ! (Rires)
Sceneario.com : Une coloriste sait-elle dessiner?
Camille Paganotto: Non, une coloriste ne sait pas forcement dessiner.
Cependant, savoir dessiner est une force supplémentaire pour ce qui est des arrières plans et des ombres portées.
Sceneario.com : Combien de temps passez-vous à colorer une planche ?
Camille Paganotto: Cela dépend des planches elles-mêmes.
La réalisation d’une planche prend de 1 à 3 jours selon le degré de difficulté. Mais ça tourne plutôt autour de 1,5 à 2 jours.
Sceneario.com : Quelle est la reconnaissance du milieu par rapport à ce métier ? Par les éditeurs? Les lecteurs?
Camille Paganotto: Ah… (Soupir)…
C’est une grande bataille pour nous les coloristes …
Longtemps, nous avons été considérés comme seulement des exécutants et interchangeables (tel un sous-traitant comme l’imprimeur).
Les auteurs et éditeurs reconnaissent quand même qu’un coloriste a la possibilité de « détruire» complètement un album par des couleurs ratées ou inappropriées.
Mais lorsqu’il s’agit de reconnaître qu’il peut aussi sublimer un album, lui apporter une dimension toute personnelle, il y a encore beaucoup d’efforts à faire !
Les coloristes interchangeables ? Demandez-leur alors de mettre n’importe lequel d’entre nous sur leurs séries phares ! Vous verrez qu’ils ne seront plus du même avis …
Je dis ça sans aucune prétention. Je ne me considère pas comme la meilleure des coloristes. Je fais mon boulot, et j’apporte ma touche à un album. Car la création d’un album est un travail d’équipe ayant la même vision, et cette équipe est constituée d’un scénariste, d’un dessinateur et d’un coloriste. C’est cette équipe qui fait la réussite d’un album. Et si vous en changez un, l’album sera totalement différent. Mettez les couleurs de Barbara Canepa sur Lanfeust de Troy : cela change tout ! (Mais au fait, ça peut être pas mal, non ? Je vais les appeler …)
Mais l’image change heureusement, et petit à petit, les lecteurs, les auteurs et les éditeurs (dans l’ordre !) reconnaissent le travail décisif des coloristes.
Et ceci est du au fait que l’on a vu tellement de BD « détruites » par une mise en couleur qui ne correspondait pas. Je ne crache sur personne bien sur ! Juste de mauvais castings pour la création d’albums.
Sceneario.com : Peut-on vivre financièrement de ce métier ?
Camille Paganotto: Ce n’est pas évident du tout !
Disons qu’il y a beaucoup d’autres moyens moins durs de gagner de l’argent que de faire ce métier.
1erement, il faut un rendement assez rapide.
2emement, il faut avoir des contrats qui se suivent régulièrement
3emement, il faut travailler ardûment pour se faire connaître, ensuite se faire reconnaître grâce au travail effectué, et enfin être demandé !
Sceneario.com : Est ce un métier qui s’apprend, ou faut-il avoir un don à la naissance? Y’a t-il une filiale de formation à suivre?
Camille Paganotto: Oui, c’est un métier qui s’apprend, au prix de nombreuses heures de travail, la plupart du temps seul, en autodidacte, comme moi, mais conseillé sur des techniques par des pros.
Un don de naissance ? (Rires) juste le don de ne pas être de mauvais goût en fait …
Non, il n’y a pas spécialement de filiale pour apprendre ce métier. Pas encore …
Sceneario.com : Donnez-vous des cours ou envisagez-vous de monter un atelier afin d’échanger les conseils, les astuces… Apprendre ?
Camille Paganotto: Disons que pour le moment, je n’ai pas trop de temps pour donner des cours.
Mais j’aimerais justement palier à ce manque de structure d’apprentissage du métier de coloriste. Un vieux rêve … On en reparle dans quelques années ? J’ai encore beaucoup de choses à apprendre.
Mais si je rencontre quelqu’un qui est vraiment intéressé pour apprendre ce métier, peut-être me laisserais-je tenter … J’ai initialement une formation de prof, donc la pédagogie devrait me revenir !!! (Rires)
Sceneario.com : Quel est le plus facile : travailler librement selon son inspiration ou sur les instructions du dessinateur ?
Camille Paganotto: Je dirais librement ! Cependant certaines indications et/ou remarques du dessinateur et du scénariste sont capitales. C’est un travail d’équipe. Il faut trouver un bon terrain d’entente : faire quelque chose qui plaise aux auteurs, tel qu’ils l’avaient imaginé, tout en conservant un espace de liberté.
Sceneario.com : Si on vous disait de changer la couleur de Sceneario… vous choisiriez quoi?
Camille Paganotto: Celle que vous avez choisie est très agréable à regarder, les choses se détachent bien.
Mais j’aurais évité les écritures blanches qui ne sont pas bien lisibles sur le vert d’eau qui est déjà très clair.
Sceneario.com : Comment avez vous connu Sceneario?
Camille Paganotto: Suite à un critique que vous avez fait sur Arkezone Tome 1, où vous disiez que j’avais « superbement mis en couleur l’album ».
Encore merci !!!
Sceneario.com : Euh… c’est à nous de vous remercier… ainsi qu’a Laurent.