Interview
DANS MES VEINES T1 par Damien Marie et Sébastien Goethals
Sceneario.com : Bonjour Damien et Sébastien,
Sceneario.com : Votre association semble vous être profitable puisque vous avez, sauf erreur, à votre actif depuis début 2009 trois séries en cours publiées chez Bamboo. En premier lieu, quel a été, pour chacun de vous deux, le chemin parcouru pour en arriver à la constitution de votre tandem ? Qu’est-ce qui a poussé l’un à l’écriture et l’autre à l’illustration ?
Damien Marie : Y’a pas d’erreur sur le nombre de séries. Le chemin pour se rencontrer s’appelle Hervé RICHEZ, qui nous a mis en contact. Il avait retenu mon scénario de Ceci est mon corps et m’a permis de rencontrer Sébastien. La pastille passant bien entre nous, les projets se sont enchaînés.
Sébastien Goethals : La question de mon choix de faire du dessin est tellement grande, longue et ennuyeuse que je vais directement passer à ma collaboration avec Damien. Je suis un grand fan de l’école américaine réaliste (Milton Canif, Alex Toth, Jordi Bernet pour ne citer qu’eux). Je poursuis en toute modestie cette filiation. Avec Damien, je peux m’exprimer dans cette tradition et participer à un propos moderne. Mon envie d’un noir et blanc de plus en plus affirmé colle parfaitement aux intentions et au style de Damien.
Sceneario.com : En ce mois de février 2011, sort chez Bamboo votre nouvelle série intitulée Dans mes veines, un polar énergique et pesant dans lequel il est question de manipulations insidieuses. Comment est née cette histoire ?
Damien Marie : Comme les autres, elles sortent de ma tête sans que je sois à même de définir pourquoi. C’est certainement un amas d’éléments qui me percutent, me dérangent et qui s’y agencent en aventure. Le jour où je contrôlerai mon imaginaire, je répondrai plus clairement à cette question.
Sceneario.com : Pourquoi avoir choisi le milieu de la mode et un envers plutôt dégradant (proxénétisme, drogue…) pour baser votre aventure ? Vous êtes-vous inspirés d’un fait divers réel ? Pourquoi un tel sujet aussi violent et noir qui semble traduire une certaine prédisposition ?
Damien Marie : Parce qu’un univers beau et propre comme la mode, ça laisse penser que ça cache des mares de vomi derrière les rideaux. Pas d’inspiration « directe » de faits réels, juste mon ressenti de ce que cache une aussi belle et grande machine à faire du profit… Le bas doit crisser aux angles, non ?
Sceneario.com : Avez-vous bénéficié de conseils particuliers de professionnels de ce milieu ou d’autres pour mener à bien ce projet ?
Damien Marie : Aucun, j’écris des aventures qui ne se veulent en aucun cas dénonciatrice, historiques ou je ne sais quoi. Cette histoire me plaît avec ce cynisme top-model – prostituée, de par son grand écart « press-people ». Maintenant je vous retourne une question : est ce que ça vous paraît crédible ?
Sébastien Goethals : J’ai été aidé par une amie, Emilie pour la citer, qui travaille dans une école de mode. Je lui ai fait lire le scénario et elle m’a ouvert des pistes. Perso, je suis un grand fan de Lagerfeld.
Sceneario.com : Comment s’est fait le choix des personnages principaux (Barbie, Jill et Steven) et des seconds rôles (Guy, Georges et Karl Riedoff) dans leurs sentiments, leurs caractères… ? Pourquoi avoir intégré dans l’histoire cette notion d’homosexualité ?
Damien Marie : Les personnages grandissent avec la force de l’histoire. Ils créent leurs paramètres au fur à mesure et m’échappent tant qu’ils ne sont pas figés sur papier. La sexualité de chacun fait partie de son bagage, le caractère de Barbie a imposé (proposé) son homosexualité… C’est comme ça. Moi je ne fais qu’écrire.
Sceneario.com : Comment vous êtes-vous répartis le travail ? Est-ce que Damien est resté le seul maître du scénario ou Sébastien a eu également droit au chapitre ?
Damien Marie : J’écris mon scénario seul maître à bord, face à mon crayon. Je le présente après à Sébastien qui peut vouloir que je revoie ma copie afin que nous arrivions à une histoire à laquelle nous croyons tous les deux. Le jeu s’inverse quand le dessin commence.
Sébastien Goethals : Damien est le grand manitou du scénario. Il n’a pas besoin de moi. Mais il m’offre, avec beaucoup d’humilité et de générosité la possibilité de dire tout ce que je souhaite sur son travail. Il respecte mon avis mais il sait aussi s’en affranchir.
Sceneario.com : Au niveau du graphisme, comment a été travaillée l’effigie des personnages ?
Sébastien Goethals : Considérant que je voulais pousser les noirs j’allais devoir caractériser d’avantage mes persos pour que le lecteur puisse suivre. J’ai poussé les traits sur mes croquis et je suis redevenu réaliste sur mes pages.
Sceneario.com : Pareillement, au niveau des dessins, les aplats de noir sont beaucoup plus conséquents que dans les autres séries. Est-ce que le fait de renforcer le trait, les ombres… a été l’occasion de se remettre en question ?
Sébastien Goethals : En fait, le travail sur le noir a toujours été là. Si vous regardez Tower 3 qui est sorti il y a quelques années vous verrez que le travail sur les noirs y est très poussé. Malheureusement l’emploi de masses noires camoufle beaucoup de lacunes de dessin. Mes lacunes sur la "ligne", je les ai découvertes en faisant du dessin animé. Quand j’ai enlevé le noir, je vous assure que c’était pas beau à voir. J’ai décidé de poursuivre le travail sur la ligne pour progresser. C’est ce dessin "à nu" que l’on peut voir sur Ceci est mon corps. Même s’il me reste énormément de progrès à faire en dessin pur, mon envie de masse noire étant trop forte, j’ai tenté une synthèse. Et je sens que je peux maintenant m’exprimer complètement.
Sceneario.com : Qui est à l’origine du choix assez équivoque de la superbe couverture et pourquoi ?
Sébastien Goethals : Je revendique ce choix. Je peux avouer que je n’ai pas été souple et que je l’ai imposé. Ce qui n’a pas été difficile puisqu’elle plaît à Damien et à l’éditeur. Il y a un clin d’oeil à ce qui est devenu un cliché, je veux parler des amants de Doisneau. Ca m’a amusé de prendre une icône de l’amour hétéro et de mettre deux filles à la place. Je voulais aussi que l’on ressente la violence qu’il y a dans la passion amoureuse. J’ai utilisé le rouge, qui est très graphique, mais c’est surtout dans le mouvement des corps que ça se traduit. Ce mouvement rappelle un enlèvement, un kidnapping.
Sceneario.com : On note que Sébastien est également le coloriste de Dans mes veines. Pourquoi cette double casquette ?
Sébastien Goethals : C’est très difficile quand on utilise autant de noir de trouver un coloriste qui accepte de rester discret. Au point où son travail ne doive pas se voir. Comment lui demander ça ? Je voulais qu’on voie avant tout mon travail sur les lumières. C’est pourquoi j’ai fait les couleurs moi-même. Pour flatter les noirs.
Sceneario.com : Dans quels délais peut-on espérer la suite ? A ce titre, sur combien de tomes (voire de cycles) vont s’étaler les pérégrinations de Barbie ?
Damien Marie : La suite et fin est prévue pour la rentrée 2012
Sébastien Goethals :Les délais sont d’une année et l’histoire se termine en deux tomes.
Sceneario.com : D’une manière générale, quels sont les genres, les auteurs, les mondes qui vous inspirent ?
Damien Marie : Sur cet album, le film Taken m’a « orienté » et puis la vie en général, les infos piochées un peu partout, le rapport entre les gens, les puissances, le profit.
Sébastien Goethals : En plus des dessinateurs précédemment cités je veux rajouter Hermann qui a été une énorme influence pour moi. Je veux rendre hommage à son talent et à tout ce qu’il a apporté a la bande dessinée. Personne n’a fait avancer la mise en scène comme lui. Pour moi, c’est le plus grand dans ce domaine.
Sceneario.com : Avez-vous des projets en cours de publication ou dans les cartons ? Séparés ou en commun ?
Damien Marie : J’ai plein de projets… En cours la suite de la Cuisine du Diable chez VdO qui se nommera La poussière des Anges. 7 ans après Anthony Poucet et Anne continue à en chier. Les seconds tomes de Wounded, Back to Perdition, Dans mes veines, Need et 3 projets en développement dont je parlerai quand ils auront une réalité.
Sébastien Goethals : Je travaille sur un projet avec Corbeyran chez Delcourt. On a avec Damien toujours autant envie de travailler ensemble et on étudie les pistes et les envies.
Sceneario.com : Sceneario.com vous remercie vivement pour vos réponses et vous souhaite tout le succès possible pour cette nouvelle série.
Damien Marie : Merci
Sébastien Goethals : Si succès il doit y avoir, ça me ferait doublement plaisir que ça arrive avec DMV. Parce que c’est le premier album qui me ressemble autant et parce que Damien le mérite au vu des efforts qu’il fournit mais aussi de l’honnêteté dont il fait preuve dans son écriture. Ca me ferait aussi vraiment plaisir de voir "Grand Angle" gagner, pour une fois, de l’argent grâce à nous.
DANS MES VEINES T1 par Damien Marie et Sébastien Goethals
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