Interview
de JF Di Giorgio et Frédéric Genêt, auteurs de Mygala
SCENEARIO.COM: Frédéric, peux-tu nous parler de la technique que tu utilises pour tes dessins ? Te sers-tu beaucoup de l’informatique ? Comment réalises-tu tes couleurs ?
Frédéric Genêt: Pour le dessin des planches, j’encre au pinceau. Je n’ai utilisé l’informatique que pour la couverture (pour les ombres et lumières et les couleurs, le reste c’est du dessin).
Ensuite je scanne ces planches noir et blanc et je les envois à Hernàn Cabrera qui réalise les couleurs de l’album pour ça, il utilise le programme photoshop.
SCENEARIO.COM: Comment ce passe une journée de travail sur Mygala ? Travaillez-vous chacun dans votre coin, puis vous mettez tout en commun ou alors vous privilégiez plus le travail en concertation directe, assis tous les deux autour d’une table ?
JF Di Giorgio: MYGALA n’est pas une série toute faite que le dessinateur reçoit dans sa boite aux lettres et à laquelle il n’a rien à dire. MYGALA c’est avant tout une histoire d’amitié, de deux personnes qui se connaissent depuis dix ans et qui travaillent ensemble d’une manière très proche.
Pour le Tome 1, nous nous sommes vus pendant presque 3 ans durant lesquels nous avons parlé de ce que pourrait être Mygala. Nous sommes partie sur quelque chose qui était plus proche du policier, pour nous apercevoir que ce qui nous intéressait le plus était la Science fiction et le fantastique. Concrètement nous habitons à une vingtaine de kilomètres, ce qui permet de nous voir souvent J’envoie le scénario complet à Fred. Fred réalise le story-board. Celui ci nous permet d’avoir une vue d’ensemble de l’album… Ensuite nous modifions ensemble tout ce qui nous convient pas, dialogues, découpages, cadrages, etc… jusqu’à ce que le résultat final nous plaise.C’est une étape qui nous prend beaucoup de temps, mais qui est aussi la plus chouette, car c’est vraiment là que l’album se fait. Une fois que nous nous sommes mis d’accord sur le story-board il est très rare que j’intervienne sur les planches proprement dites.
JF Di Giorgio: Non. Je griffonne un peu sur mon découpage, mais ca s’arrête là. Les seuls pinceaux que j’emploie parfois sont virtuels, lorsqu’avec Fred, je mets en couleurs « Intox » l’album d’Olivier Mangin, et de G.Chaillet, qui sortira prochainement chez Glenat.
JF: Au départ c’était une idée d’Yves Chelet, à l’époque directeur artistique de Nucléa, qui avait une idée très précise de ce qu’il voulait publier. Mais je dois dire qu’il n’a pas du nous pousser beaucoup, car Fred et moi, nous adorons ce genre de mise en page, de découpage un peu « éclaté » , du moment qu’il reste lisible… J’avoue que nous nous sommes bien amusés.
Frédéric: Avant je ne faisais que de l’héroïc fantasy, j’ai grandi en dessinant des barbares et des monstres, et les dessinateurs qui m’inspiraient à lépoque était principalement Frazetta et Bisley.
Ce n’est que très récemment que je me suis mis à la SF et je dois avouer que j’ai complètement laché la BD comme documentation, en me dirigeant plutôt vers le cinéma qui est une grande source d’inspiration, mais aussi les magazines de jeux vidéo, très riches en images fortes.
Frédéric: La soundtrack idéale, à mes yeux, pour lire Mygala ce sont les albums de Neurosis, avec une préférence pour les 2 derniers (qui sont tout à fait trouvables). Ils ont un style musical glauque, angoissant et métal, parfois très calme et tout d’un coup violent comme une tempête, qui colle très bien à l’ambiance de l’album.
JF: Sur le fond, je pense qu’il n’y pas beaucoup de différence entre les « conseils » que je donne aux élèves et aux dessinateurs avec lesquels je travaille.
Mes remarques, lorsqu’il y en a, concernent presque toujours la fluidité, la lisibilité du récit… C’est pour moi un point fondamental. Je pense qu’il n’est pas nécessaire d’être un très grand dessinateur (j’entends par là « très technique ») pour bien raconter une histoire… mais il est presque toujours nécessaire d’être très fluide, très « coulé » dans sa narration. C’est pourquoi j’insiste beaucoup là dessus.En revanche, je ne me mêle jamais du « style » des dessinateurs. C’est leur espace de liberté.Pour le reste, le mieux est de leur demander…
Frédéric: C’est l’enfer! (rire)Non, en fait c’est génial! J’ai une réelle envie de progresser, et tous les conseils, les remarques et autres sont toujours les bienvenus. Grâce à JF, je progresse plus vite que si je travaillais seul. Il met toujours le doigts sur des détails auxquels je ne pense pas mais qui font réellement la différence. En plus de ça, il me fournit des sources d’inspirations chaque fois nouvelles en me montrant des documentations sous forme de défit. Du genre: « regarde, cet auteur à traité ce sujet comme ça, comment est-ce que toi, Frédéric Genêt, tu vas le traité? et comment est-ce que ensemble nous allons pouvoir faire mieux?… »
JF: Ils le font déjà ! ( rires ) En général je les exclue de l’atelier pendant plusieurs semaines
( re-rires !)
JF: Ce n’est pas à proprement parler une école, ni des cours.Ce sont des « ateliers créatifs » qui se déroulent au Centre Belge de la Bande Dessinée à Bruxelles durant toute l’année et les vacances scolaires. Ateliers créatifs que je dirige depuis une dizaine d’années. Si certains élèves viennent là uniquement pour se détendre, certains y voient plus qu’un simple loisir… Et ca ne marche pas trop mal puisque, qu’en plus de Fred, Vincent Henin ( Les voyages d’Alix/ casterman ), Cédric Hervan ((Les voyages d’Alix/ casterman ), Fred Ronsyn ( Dupa / Le chat ), et d’autres sont passés un jour par l’atelier et sont devenus professionnels. Ils sont d’ailleurs la fierté de l’atelier.
JF: Non, j’essaye de « structurer » le travail de chacun. Je leur explique les différentes étapes, scénario, découpage, crayonné, encrage, mise en couleur… Chacun est libre de sa technique, de son histoire Etc…
Je m’efforce de ne pas les influencer par mes propres goûts, mais de leur donner une vision assez large de la BD qui va de l’Association… à XIII ! Je n’ai de mépris pour aucun genre.
Frédéric: C’est de nouveau un travail d’équipe: dans la musique que j’écoute, il y a un petit groupe très sympa qui fait une musique intimiste et calme aux accents sud américain (rien à voir avec ce qu’on fait) et qui s’appelle « Migala » (avec « i »). Je trouvais ce nom sympa et je l’ai proposé à JF à l’époque où on cherchait un nom cours, facile à prononcer et qui ait un certain cachet. On a tous les deux trouvé l’idée séduisante, mais elle tombait un peu dans le vide, puisque ce nom n’était rattaché à rien. Et là, tout de suite, JF a eu l’idée d’appeler l’héroïne par ce nom. Et c’était fait. Et si le « i » s’est changé en « y » c’est pour des raisons purement graphiques.
SCENEARIO.COM: Frédéric, tu disais il y a quelques temps que tu étais anxieux et impatient avant la sortie de Mygala.
Qu’en est-il maintenant ? Soulagé ? Heureux ?
Frédéric: En effet, ça fait du bien que tout ce travail de plusieurs années soit enfin abouti. Mais maintenant je suis impatient et anxieux pour le tome 2…
JF: Les 3 ! ( rires )
JF: L’accueil en Belgique est excellent. En France aussi, apparemment. Mais comme nous avons moins d’échos, nous serons plus prudents.
JF: C’est un passage obligé. Surtout pour une nouvelle série. Il y a tellement d’albums qui sortent que c’est une manière de dire aux gens que l’album existe. C’est aussi une manière de pouvoir bavarder avec les gens, d’échanger des impressions…
JF: Le plus souvent un plaisir. Dessinateur et scénariste sont des métiers de solitaires. C’est un excellent moyen pour nous d’avoir un « retour » , sur notre travail. Parfois, certaines remarques pertinentes de certains lecteurs peuvent amener à réfléchir, voir à modifier tel ou tel détail du prochain album. Ce genre de rencontre est donc enrichissant. L’ennui, c’est qu’on tombe parfois sur les mêmes têtes, de festival, en festival, et là c’est nettement moins drôle…
JF: Son écoute. Son désir d’apprendre, d’évoluer, de se remettre en question. En un mot, son désir d’évoluer.
JF: sa lenteur ! J’adorerais que nous puissions réaliser ensemble 2 séries par an !
Frédéric: Qualités: son envie de faire toujours le meilleur boulot possible et donc de ne pas s’arrêter à la première idée venue, aussi séduisante soit-elle. La possibilité qu’il me laisse de pouvoir participer au scénario, vraiment enthousiasmant pour un dessinateur. Son ouverture d’esprit tous domaines confondus.
Défaut: son soucis de toujours bien faire le transforme parfois en grand angoissé, une angoisse qu’il ne manque pas de communiquer à son collaborateur. Mais qui d’un autre côté est utile pour un lunatique comme moi…
JF: Nous avons un projet se déroulant au Japon. Mais il est encore un peu tôt pour en parler.
Frédéric: certainement pas dans l’immédiat, j’ai d’abord besoin de me concentrer sur un secteur bien précis: le dessin.
Plus tard, quand je serai vraiment à l’aise avec le dessin, j’aborderai la couleur et dans un futur très éloigné, peut être le scénario. Mais pour l’instant, je vais d’abord essayer de faire mes preuves (et mes plâtres) en dessin, l’oeuvre complète, ce n’est pas pour tout de suite.
Frédéric: Je ne me suis jamais posé la question en fait. Je crois que toute collaboration est intéressante et enrichissante, pour autant qu’il s’agisse bien d’une collaboration et pas la simple exécution d’un scénario tout fait.
JF: Je trouve ca bien. Franchement.. Le public n’a que l’embarras du choix.Je suis vraiment très content du succès de l’Association, entre autres. Il y a vingt ans, cela aurait été impensable ! Il y a vraiment de la BD pour tous les goûts
Quant à savoir si cette production énorme ne va pas saturer le marché, je n’en suis pas sur. Cela oblige à trouver des marchés ailleurs. La bd Franco-belge s’exporte très bien !Frédéric: Et puis, quelque part c’est aussi le signe que les éditeurs prennent de plus en plus de nouveaux projets et donc laissent leur chance à plus de nouveaux auteurs.
JF: Les sites Internet , sont un peu ce qu’étaient les radios libres autrefois. Une liberté de ton. Un monde où tout n’est pas encore « bouffé » par l’argent. Dans la plupart des cas, ce sont des passionnés, qui font un boulot énorme pour promotionner la B.D. Et le site Sceneario.com en est un parfait exemple !
Ce que nous en attendons ? D’abord une vitrine, bien sur ! Mais aussi un lieu d’infos, d’échange.Les forums permettant de mettre directement en contact les lecteurs avec les « auteurs », je lance un appel.Si certains internautes veulent créer un forum sur MYGALA, et nous poser des questions, Fred et moi nous nous ferons un plaisir de venir de temps en temps sur le forum, pour y répondre … Qu’on se le dise !…
Frédéric et JF: Merci à vous
de JF Di Giorgio et Frédéric Genêt, auteurs de Mygala
Auteurs, séries ou albums liés.
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