Interview

Djillali Defali et la loi des 12 tables

Bonjour Djillali,
On ne va pas revenir sur qui tu es et d’où tu viens, pour ceux qui l’ignorent, vous trouverez notre première interview
ICI. On va parler de ton actualité et par conséquent de la loi des douze tables

Extrait du tome 2 de la loi des XII tables
la nuit des walpugis

D’où vient l’idée de faire 6 albums en 1 an, et es-tu le premier à faire ça ?
Il y a eu le décalogue en deux ans. Sur les autres séries, il y a toujours plusieurs auteurs. Il y a d’autres séries de ce type en projet mais je pense que c’est la première fois que c’est fait par le même dessinateur.

La série Asphodèle d’où vient le personnage principal est mise en stand-by ? Est-elle arrêtée ou reprendras-tu la série après cette année chargée ?
Normalement, il y a une troisième histoire avec Asphodèle. Le seul problème c’est qu’après l’histoire des douze tables, logiquement il ne peut plus y avoir des histoires d’Asphodèle. Toutes les histoires se passeront toujours avant la loi des douze tables.

Donc cela clôture la série ou aura-t-on une fin ouverte pour revenir sur le personnage si vous en avez envie ?
Inch’ Allah …, je ne dirais rien (sourire). Mais …,
Comme le scénariste et moi, nous sommes des sadiques à la base. On ne sait jamais (rire)

Dans Asphodèle, je trouve que dans chaque cycle, le premier album posait beaucoup la situation, l’ambiance, … et le second était beaucoup plus rapide avec résolution des actions, combats, …
C’est quasiment ça. Dans Asphodèle, dès le début il y avait déjà pratiquement tous les protagonistes, et dans le second, il y avait la conclusion. Au lieu de faire une histoire en deux tomes, c’est une histoire en six. Toutes les questions qui sont posées sur les quatre premiers, le fil conducteur, seront résolues sur les deux derniers.
Sauf que là, ce sont des albums de 60 pages, donc deux chapitres. Cela va aller crescendo, le premier est très calme. Le deuxième bouge un peu plus. A chaque chapitre, il y aura toujours de nouveaux personnages qui arrivent. Chose que l’on ne pouvait pas faire sur une histoire en 2 tomes.

Vous avez encore utilisé le passé d’Asphodèle. Elle précise encore une fois qu’elle ne veut pas aller dans les autres dimensions et celle de son père en particulier.
Elle le dit déjà dans les premières histoires. Elle est forcée d’aller chaque fois dans ce monde là. C’est complètement idiot de sa part.

Risque-t-on de revoir des personnages d’Asphodèle ?
Non, cela n’a plus rien à voir. C’est vraiment le cercle des sorciers. Cela tourne autours de 13 sorciers, donc de 13 personnages et autour il y a d’autres personnages, donc pas besoin d’en reprendre.

Et en feuilletant l’album, je trouve que le découpage ressemble beaucoup au découpage des comics américains.
Sur le premier tome, donc les deux premiers chapitres, on est parti sur un album petit format, donc il fallait des cases un peu plus grosses. Si je faisais des petits dessins, on n’aurait rien vu par rapport au format de l’album. Sauf que, quand on a proposé le projet, j’avais trois pages et je continuais à faire le premier chapitre et un peu le deuxième.
Quand on a signé, le format de l’album a changé mais les pages étaient faites. Donc sur le premier album on ressent un peu ce découpage à « l’américaine » mais sur les autres cela ne devrait pas être le cas.

Il faut changer sa technique de travail pour faire 6 albums quand normalement les dessinateurs en font un ?
Oui, totalement. La technique au crayon est beaucoup plus légère et volumineuse. Je fais quasiment tout à l’encrage. On retrouve beaucoup d’à-plats, je ne cherche pas à diversifier les ombres, les gris et les trames. C’est plus proche de mon vrai dessin.
En gros, maintenant ce que l’on voit, c’est comme si je faisais un premier crayonné. Il est très léger et je fais tout à l’encrage. Cela donne un résultat moins figé. Avant je restais trop longtemps sur les pages. Je faisais quasiment mon encrage au crayon et cela devenait figé.

Comment se passe la collaboration avec le scénariste (Corbeyran) et les coloristes (Perubros) ?
Notre collaboration avec Corbeyran n’a pas changée depuis le début d’Asphodèle. Il me fournit les 30 pages du chapitre d’un coup. Je préfère comme cela. Je lis tout le chapitre, je peux chercher toute ma documentation, et quand j’ai tout, je peux foncer tout droit dans la réalisation.

Pour les coloristes, c’est beaucoup plus compliqué, on en a changé, il a fallu s’adapter. On est sur le troisième tome et on fait encore des réglages sur ce que l’on veut.

Cela a été long de convaincre Corbeyran de se lancer dans cette aventure sur 1 an ?
Non, quand je lui ai présenté le projet, il a été vachement motivé. Evidement, il se posait des questions. On part sur Asphodèle, ok, mais qu’est-ce qu’on va faire pour les deux premiers chapitres ? Et les suivants ? 2 tomes de 30 pages que faire ? Quoi faire ?
Même pas une semaine après, il m’appelait avec les idées de l’histoire. Le hasard voulait qu’il avait lu un bouquin sur la sorcellerie qui parlait des 13 sorciers du cénacle, … et cela tombait très bien !

On voit déjà des références sur la mandragore tirée de tel livre, …
Voilà, les 13 sorciers du cénacle ont vraiment existé à l’époque romaine. Asphodèle est une sorcière, médium à l’époque actuelle et avec les deux, on avait déjà le début de notre histoire.

Comme tu l’as déjà dit, tu ne quittes pas ton siège sans avoir fait ta planche quotidienne ?
Oui, tout à fait, au début, je faisais deux pages par jour. Je faisais le premier chapitre des 12 tables et les pages du tome 4 d’asphodèle en même temps. Cela a été aussi des livres pour enfant pendant un moment Je fais toujours ma page des 12 tables par jour et je fais autre chose à côté.

Comment gères-tu ton temps dans la journée ?
Cela dépend des jours. Parfois j’enseigne la journée ou la demi-journée, cela dépend. Le soir je faisais ma page soit au crayon soit à l’encrage mais le plus souvent à l’encrage.

Où en es-tu dans tes albums ?
Les cinq premiers sont finis et j’ai les derniers chapitres. L’avant dernier est fait, et je vais l’encrer en février dès que je rentre chez moi. Je commence les crayonnés du dernier au mois de mars. Corbeyran me les a remis une semaine avant Angoulême. C’est la première fois qu’il me fournit les 60 pages parce que j’avais un peu de retard du fait que j’étais en Algérie. Il avait pris un peu d’avance.

Cela change-t-il le travail du scénariste de construire des histoires de 30 pages au lieu de 44 ?
Oui, absolument. Que ce soit pour lui ou pour moi c’est pareil !
Cela change vachement parce que lui il va sur un sujet ou un élément et s’y tient quasiment sur les trente pages alors qu’avant il faisait des scènes de 4 pages pour mettre beaucoup plus d’éléments. Là, il a 12 chapitres de trente pages et il va aussi loin qu’il peut. Au début, il pensait que c’était court mais en fait pas du tout. Pour moi, les scènes sont beaucoup plus longues, surtout pour la mise en page qui est un gros travail.

Comment te fournit-il le scénario ?
Il est déjà découpé images par images. Il n’y a pas de story-board, pas d’indications. Je ne veux pas, je ne lui montre même pas mes story-boards, juste les pages finales. Je suis un gros rebelle et j’ai fait Angoulême moi monsieur ! (Rires)
On a toujours eu une confiance totale sur le travail de l’un et de l’autre. Je ne regarde même pas dans la direction où il a été. Il peut faire des changements qu’il veut et généralement je ne m’aperçois des changements qu’une fois que j’ai lu l’album. Je ne lis pas les dialogues, je lis toutes les descriptions des décors. Lui, il ne voit les pages qu’une fois finies et il en est très content. Il a même refusé de voir les couleurs.

Il avait vu les pages en noir et blanc mais il ne voulait pas voir la mise en couleur. C’était en totale confiance et il voulait avoir cette surprise. Il a vu quelques pages par-ci par-là, il y a un moment où je ne comprenais pas, il y avait un traitement à faire à l’ordinateur. Il a dû expliquer cela aux coloristes. A l’arrivée, il n’avait pas vu toutes les pages en couleur de l’album. Il l’a vraiment trouvé excellent quand il l’a reçu. En plus, aujourd’hui, il y a des gens de chez Delcourt qui sont venus me voir. Ils m’ont dit que pour eux, c’était le meilleur album que j’ai fait.

As-tu déjà des projets pour après la loi des douze tables ?
Je vais peut-être faire un deuxième cycle de Garou chez Soleil. Je commencerai au mois d’août avec Gaudin. La première scène se passerait à New York à l’heure actuelle. J’ai aussi téléphoné à Civiello et je lui ai proposé de bosser avec moi sur la couverture des Garou. Il n’a pas dit non mais je sais qu’il a plein de choses à faire et beaucoup de projet en cours. Il est vachement motivé par ça et je le comprends. Ca nous a tellement plu de travailler ensemble.

J’ai aussi une autre série en préparation avec Corbeyran chez Delcourt, "Le syndrome de Hyde". Cela serait un thriller fantastique qui se passerait à Paris, à Bruxelles, en Iran, et d’autres endroits … Je vais mener deux séries de front, voire peu être une troisième. Mais rien n’est vraiment décidé.

Tu vas garder le "nouveau" style de dessin ou revenir à ceux que tu avais à l’époque ?
Non, cela serait saborder mon travail, j’ai maintenant trouvé mon rythme et je suis plus rapide. Ce qui me fait rire, c’est que j’ai eu des propositions de séries de la part de scénaristes mais on me dit aussi que c’est la première fois que je fais peur à ces mêmes scénaristes. Normalement, les scénaristes vont plus vite que les dessinateurs et là, non. (Rire)

Es-tu tenté de faire tes propres histoires ?
J’écris toujours des scénarios mais je ne peux pas les proposer à d’autres dessinateurs. Ecrire mes propres histoires, c’est faire autres choses. C’est aussi un autre monde. C’est le petit truc qui me manque dans ce que l’on me propose. Même quand le scénariste va dans mon sens et qu’il écrit ce que j’ai envie, il y a toujours quelque part un manque. Personne n’est complet, jamais personne n’est complet !
Je pense que tous les scénaristes sont des dessinateurs frustrés et inversement. Il faudra que je pose la question à Corbeyran, il fait plein de séries différentes avec des styles différents parce que c’est un dessinateur frustré. (rire) 

Merci Djilali.

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