Sceneario.com: Peux tu te présenter pour les personnes qui ne te connaissent pas ?
Dominique Latil: Heu, Ben, je m’appelle Dominique Latil, je suis scénariste et rédacteur en chef adjoint de Lanfeust Mag, je vis à Aix-en-Provence où je travaille à l’atelier Gottferdom et j’aime faire des mots fléchés |
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Sceneario.com: Quel a été ton parcours professionnel ?
Dominique Latil: J’ai rencontré Christophe Arleston en 1995. Il cherchait un collaborateur pour travailler avec lui sur une nouvelle série dont il avait déjà posé les bases, « Mycroft Inquistor » (avec Jack Manini au dessin). Après quelques bières, il m’a demandé de faire un essai qui lui a paru concluant et nous nous sommes lancés dans l’écriture du premier tome. Comme il appréciait mon travail, il m’a présenté à quelques jeunes qui venaient le voir pour faire de la BD et avoir une opinion professionnelle. C’est ainsi que j’ai rencontré Franck Biancarelli, Philippe Pellet et Jean-Marc Ponce presque coup sur coup et que nous avons travaillé ensemble, coachés par Arleston qui nous conseillait et nous a appuyé auprès de Soleil. Après, ben c’est du travail, des rencontres et du travail.
Sceneario.com: Tu es scénariste de bande dessinée, de dessin animé et co-rédacteur en chef du Lanfeust mag. Comment organises-tu ton travail ?
Dominique Latil: Comme je peux. Il faut prendre l’habitude de ne pas dormir beaucoup et de mettre de côté pas mal de choses (comme les vacances, les week-ends, ce genre de trucs). Ensuite, je prends les choses une par une par ordre d' »urgence ». Le tout est d’essayer de ne pas être pris au dépourvu et d’avoir toujours une longueur d’avance. C’est impossible bien sûr, alors il faut apprendre à courir vite. Heureusement, je suis capable de travailler vite (et pas trop mal j’espère) quand il le faut.
Sceneario.com: Y a-t-il de grandes différences entre écrire un scénario pour une bande dessinée et écrire un épisode de dessin animé ?
Dominique Latil: Oui et non. Comme tout récit, les bases structurelles sont les mêmes. Tu sais, du genre un début, un milieu, une fin. Après forcément, il faut s’adapter au média. Il y a des choses qu’on ne peut pas faire en BD et d’autres qu’on ne peut pas faire en DA. C’est intéressant de faire les deux, comme ça on peut jouer sur les deux tableaux. La principale différence est qu’en DA il y a de nombreux impératifs et cadres qui ne dépendent pas de toi alors qu’en BD, la seule personne à qui tu dois « rendre des comptes », c’est ton dessinateur. Mais globalement, le plaisir reste le même: raconter des histoires.
Sceneario.com: Sur mycroft, tu as travaillé avec Arleston et sur K.O. c’etait avec Manini, quels sont les avantages et inconvénients d’être a deux scénaristes ?
Dominique Latil: J’ai aussi travaillé avec Olivier Dutto sur des épisodes d’une série de DA appelée « Frog ». L’avantage, bien sûr, c’est que deux cerveaux ont plus d’idées qu’un. On peut rebondir sur les idées de l’autre, confronter des points de vue, enrichir son histoire. L’inconvénient c’est qu’à un moment ou un autre, il faut trouver un compromis. Comme je n’ai pas un ego trop surdimensionné, je n’ai pas de problème avec ça. L’essentiel c’est de ne pas partir sur de mauvaises bases. Il faut être sûr qu’avec ton co-scénariste tu vas dans la même direction, qu’on travaille bien sur le même projet et pas sur deux histoires différentes. C’est peut-être con à dire mais il m’est déjà arrivé de nous rendre compte, avec un co-scénariste, que nous n’avions pas la même vision du projet alors que nous avions déjà bien avancé et que nous tirions chacun de notre côté. Erreurs de jeunesse. La communication est essentielle, c’est exactement la même chose qu’avec un dessinateur.
Sceneario.com: les histoires de mycroft et les manuscrits de sang sont des albums en 1 tome, les guerriers, la voie du phénix, l’empire éternel, …sont des histoires en plusieurs tomes, quelles sont les différences/contraintes/avantages dans l’écriture de ces histoires ?
Dominique Latil: C’est avant tout l’histoire elle-même et le concept du projet qui dictent le nombre de tomes. Puisque, dans la plupart des cas, nous sommes limités au format du 44/46 pages, il faut gérer avec cette contrainte. 44 pages, c’est peu pour raconter une histoire. Lorsqu’on fait des one-shots, il faut donc arriver à concentrer suffisamment le récit pour tenir dans le format sans le rendre trop sec. C’est un délicat équilibre à trouver entre la fluidité de la narration et la richesse du récit. Sur plusieurs tomes, on peut se permettre plus de respirations, de mettre plus d’huile dans les rouages mais il faut faire attention de ne pas se laisser entraîner par ces digressions et perdre de vue l’histoire principale.
Sceneario.com: de même pour les histoires/gags en 1 planche de starship princess, quel est la méthode de travail sur ce genre d’histoire ?
Dominique Latil: Y’en a pas (je dis ça mais je vais pas tarder à t’expliquer qu’en fait, il y en a une). L’écriture de gags en une page est un exercice particulier très difficile et très pointu. J’ai plus un humour de situation que de gag, aussi l’écriture de « Starship Princess » n’est pas des plus faciles pour moi. La plupart du temps, je vais m’installer à la terrasse d’un café (je travaille pas mal dans les cafés, faut croire que ça m’inspire) et je jette sur le papier toutes les idées idiotes qui me viennent à l’idée (les bons jours sont rares mais quand ils sont bons, ils sont prolifiques). Ensuite, je trie les bonnes idées des mauvaises, celles réalisables en une page de celles qui ne mènent à rien ou qui ne rentrent pas dans le concept de la série. Puis je rentre mettre ça au propre et je les propose à Simon van Liemt qui jette les mauvais gags, garde les bons et me fait ses remarques sur ceux qui sont à retravailler. Et au final, Simon les dessine et les rend drôles.
Sceneario.com: je viens de voir que tu as réuni Morvan et Lejeune pour trop de bonheur et Jean-Christophe Derrien et Gihef pour RIP limited. Cela t’arrive souvent de réunir des couples scénariste/dessinateurs ?
Dominique Latil: J’ai effectivement quelques formations de couples à mon actif, tout comme j’ai moi-même rencontré certains de mes dessinateurs par l’entremise de tiers. Je ne pense pas que cette pratique soit exceptionnelle dans le métier. En plus, elle me semble tout à fait normale. Comme je le disais plus haut, un couple scénariste-dessinateur naît d’une rencontre autour d’un projet commun. C’est l’association de deux personnalités avant d’être celles de deux compétences. Donc, quand je fais la connaissance d’un dessinateur dont je trouve le travail intéressant, si je n’ai pas le temps de me lancer dans un nouveau projet ou si la connexion ne se fait pas entre nous (au niveau professionnel, ça n’a rien à voir avec la relation personnelle que je peux avoir par ailleurs avec cette personne), je mets ce dessinateur en contact avec un scénariste qui me semble plus en adéquation avec ses envies. Il en va de même pour un scénariste dont je trouve les idées intéressantes mais qui n’a pas de dessinateur pour les exploiter. C’est toujours bête de gâcher.