Interview

Entretien avec Guillaume GUERSE & Marc PICHELIN

 

Sceneario.com : Votre association commence à faire date au vu des albums que vous avez sortis en commun. Vous serait-il possible de nous faire un brin de causette concernant votre immersion dans le monde du 9ème art pour chacun de vous deux ?

Guillaume Guerse : D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu faire de la bande dessinée. (Oh la la… médiocre!…) ça dépassait tout! À chaque anniversaire ou fête de Noël, on m’offrait une BD et ça tournait principalement autour de Tintin, Spirou et autre Gaston Lagaffe. C’était génial ! Je courais m’enfermer dans ma chambre pour lire et relire le même livre. Je le connaissais par coeur, plus rien n’existait autour de moi. Comme je n’en pouvais plus d’attendre les fêtes, je me suis mis à dessiner, case après case, la suite des albums, à créer d’autres personnages et par la suite à fabriquer mes propres fanzines que je vendais à l’école, ça me faisait de l’argent que je mettais de côté pour acheter des BD. C’est vers début 90 que j’ai rencontré Marc Pichelin et Bernard Katou autour d’un Fanzine appelé "Jetez l’encre". J’étais très impressionné, surtout quand j’ai vu mon premier dessin publié : mon rêve prenait forme. Par la suite, avec le premier scénario de Marc, j’ai su que j’étais entré dans ce monde fabuleux qu’est la bande dessinée (générique de la croisière s’amuse).

Marc Pichelin : On fait de la BD depuis tout petit. Moi j’ai commencé à publier mes premiers textes dans un fanzine albigeois que j’avais créé avec un copain au lycée. J’ai rencontré Guillaume à ce moment-là et depuis, on s’est plus quitté. On a fondé les Requins Marteaux en 1991 et on a tout appris ensemble.

Sceneario.com : Qu’en est-il de votre participation à la fondation de la maison d’édition « Les Requins marteaux » et pourquoi cet investissement ?

Guillaume Guerse : Au début, c’était surtout l’occasion de ne pas travailler seul, ça fonctionnait un peu comme un atelier, l’émulation de groupe ! Et comme à Albi, il ne se passait pas grand-chose, ça devenait une nécessité de travailler ensemble. Avec le journal "Ferraille", la question ne se posait plus : c’était ce qu’on voulait faire depuis toujours ! L’Association était là aussi pour montrer ce qui se faisait de plus difficile graphiquement avec des auteurs qui ne pouvaient être publiés ailleurs.

Marc Pichelin : Les Requins Marteaux, c’est chez nous ! On a lâché la partie administration et gestion du quotidien pour se consacrer plus sur nos projets artistiques, mais on est toujours aussi impliqué sur tout ce qui se fait chez les Requins.

Sceneario.com : Quelles sont les intentions du journal « Ferraille » auquel vous prêtez votre énergie ?

Guillaume Guerse : Les mêmes décrites ci-dessus mais avec en plus, le fait que nous étions diffusés très largement en kiosque et ça, c’est pas rien! La liberté que nous avions dans le journal "Ferraille" n’existait nulle par ailleurs, il n’y avait pas de grosses cravates derrière qui nous disaient comment fabriquer un journal, il nous appartenait vraiment!

Marc Pichelin : Y a pas d’intention autre que de publier un journal de BD indépendant et de création. Pour l’instant, et faute de moyen, le journal est en stand by. On réfléchit à une nouvelle formule…

Sceneario.com : Le bar « Jour de fête » d’Albi a une place prépondérante dans vos albums. Est-il ou plutôt était-il le lieu privilégié de vos cogitations scénaristiques ?

Guillaume Guerse : Evidemment que oui, surtout en ce qui nous concerne, l’essence même de ce qui a fait les losers appartient au "Jour de fête". Tout vient de là, ingurgité par le cerveau de Marc et recraché par mes soins. C’est ce qu’on peut appeler une autobiographie fantasmée. (C’est de Marc).

Cependant, le bar conservait sa fonction première : c’était souvent l’occasion de nous prendre de grosses cuites!!

Marc Pichelin : Le bar Jour de Fête était le QG des Requins Marteaux. Son Patron, le fameux Philippe, était même le président de notre association. Plus qu’un lieu de cogitations scénaristiques, ce lieu nous a servi de lieu d’observation et de décor. Rien de ce que l’on raconte dans nos BD ne s’est vraiment passé. Par contre plein de situations et d’anecdotes réelles nous ont inspiré.

Sceneario.com : Les losers et leurs galères semblent vous inspirer. Y aurait-il une part autobiographique dans leurs aventures ?

Guillaume Guerse : Si peu, si peu…

Marc Pichelin : La part autobiographique est plus dans un mode de vie que dans les situations réelles. On aime bien les losers dans la littérature ou le cinéma. Je pense à Richard Brautigan, John Fanté, Jim Harrison, Jim Thomson ou Jim Jarmush. Le tout transposé dans le Tarn.

Sceneario.com : A considérer votre bibliographie conséquente, l’humour est votre terrain de jeux favori. N’y aurait-il pas d’autres genres auxquels vous aimeriez vous attaquer ?

Guillaume Guerse : La science fiction m’attire assez et je suis très client de space opéra, romans SF que je dévore en quantité industrielle.

Sinon actuellement je suis en train de travailler sur l’adaptation d’une nouvelle de Jules Verne qui devrait sortir chez Six pieds sous terre courant 2009 et ça m’éclate!

Marc Pichelin : On n’a pas cherché à faire de l’humour comme un genre. C’est parti du dessin de Guillaume qui était très inspiré au départ par des auteurs au trait humoristique tel que Franquin. Et puis avec "Ferraille" puis le passage à Fluide Glacial, le côté humoristique s’est affirmé.

Je crois que même si nos histoires sont parfois drôles, elles abordent aussi plein de sujets…

Ceci dit, on travaille actuellement sur une série publié dans Jade qui n’est pas du tout drôle et qui est totalement différente de ce que l’on fait habituellement avec les Losers.

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Sceneario.com : Quelles visions personnelles avez-vous de vos personnages ? Quels messages sont-ils susceptibles de faire passer derrière leurs facéties et leurs conditions sociales ?

Guillaume Guerse : Ils sont épouvantables et catastrophiques! Ces personnages n’apportent vraiment aucun message d’espoir! (Heureusement qu’il y a une bonne raclée au bout!).

Marc Pichelin : On n’a surtout pas de message à faire passer. Nos personnages sont volontairement caricaturaux et l’on pratique l’autodérision. Ensuite, si certains thèmes ou sujets de types sociaux ou existentiels peuvent être traités, alors on se gêne pas.

Sceneario.com : Puisque votre binôme semble vous réussir, est-il possible de parler de votre prochain projet ? Qu’en est-il depuis la saison 2 de « Amour, sexe et bigorneaux » ?

Guillaume Guerse : Pour ma part, je ne pense pas qu’il y aura de troisième saison de nos chers plagistes. Par contre, il y aura bien deux autres volumes pour nos losers du Jour de fête, une trilogie qui trouve sa conclusion avec la fermeture du bar… (Snif !).

Un autre gros chantier en 2009 : "Vermines"

Marc Pichelin : On travaille sur la réédition de l’album "les Losers sont des Perdants" avec une suite qui devrait conclure cette série et former une trilogie. Le gros projet sur lequel on va s’attaquer, c’est de finir les histoires de la série "Vermines" commencées dans Ferraille Illustré.

Sceneario.com : Y a t-il des auteurs qui vous inspirent ou souhaitez-vous au contraire vous démarquer de toute mouvance ?

Guillaume Guerse : Plus maintenant, tout est noyé dans un conglomérat de styles identiques, ça en devient lassant…

Marc Pichelin : Ce qui est certain c’est qu’on n’est pas dans une mouvance autre que celle que l’on a initié avec les Requins Marteaux et plus particulièrement avec "Ferraille". Notre famille c’est Winshluss & Cizo, Bouzard, Mathsap, Morvandiau, et toute la clique. Après, il y a bien entendu des auteurs qui me paraissent incontournable du genre Blutch ou Blex Bolex… Mais mes inspirations sont plutôt à chercher dans la littérature (voir plus haut).

Sceneario.com : Avez-vous une technique particulière pour la réalisation de vos albums ? Etes-vous de ceux qui travaillent chacun dans leur coin ou préférez-vous œuvrer de concert du début jusqu’à la fin ?

Guillaume Guerse : Bla bla autour d’un café, attente, arrivée du texte par mail, mise en pages rapide, re-mail, re-attente, puis, plume, encre de chine et tipex.

Marc Pichelin : On a une technique très particulière et totalement anarchique. On travaille sur des projets discutés ensembles avant de commencer quoique ce soit puis ensuite, c’est un aller-retour permanent et vivant entre l’écriture et le dessin.

Sceneario.com : Seriez-vous tenter de travailler avec d’autres auteurs ou chez d’autres éditeurs ?

Guillaume Guerse : C’est déjà le cas pour moi, le projet sur la nouvelle de Jules Verne a été réécrit par David Vandermeulen. Ceci dit, je reviens toujours à la maison, mes fugues ne me mènent jamais bien loin…

Marc Pichelin : Il m’arrive de travailler avec d’autres mais c’est plutôt épisodique. Je suis totalement comblé et même fier de travailler avec Guillaume et si j’ai une frustration, c’est de ne pas pouvoir ne faire que ça toute la journée…

Pour ce qui est des autres éditeurs, c’est pareil… C’est au coup par coup. Et travailler avec les requins, c’est que du bonheur !

Sceneario.com : Au regard de vos productions antérieures, préférez-vous celles qui ont été réalisées en noir et blanc ou celles qui ont été colorisées (comme les 2 saisons d’« Amour, sexe et bigorneaux ») et pourquoi ?

Guillaume Guerse : Les deux me vont, les losers sont taillés pour le noir&blanc, pour les plagistes la couleur semblait incontournable. J’adoooooore me prendre la tête sur les couleurs, le dernier album a été réalisé à l’acrylique sur bleu et les deux premières histoires de "Vermines" aussi. Voilà, voilà…

Marc Pichelin : La réussite d’un livre ne dépend pas la technique utilisée. Je trouve le noir et blanc de "Les Losers sont des perdants" très juste : dynamique et foutraque comme on aime. Pour ce qui est de la couleur, je suis très content du tome 2 d’"Amour, sexe et bigorneaux" et des premiers épisodes de "Vermines", alors que la plupart des collaborations avec des coloristes m’ont paru au mieux inutiles au pire nuisible…

         

Sceneario.com : En marge de la bande dessinée, la musique d’un genre particulier semble être l’un des violons d’Ingres de Marc. Peux-tu nous en parler ?q

Marc Pichelin : J’ai toujours fait de la musique et de la BD. C’est vrai que ce sont deux choses très distinctes et les gens qui connaissent mon travail sur la BD ne savent généralement pas que je suis musicien et inversement. J’ai une formation de musicien électroacousticien, je suis improvisateur et phonographiste. Toutes ces pratiques musicales sont rattachées de près ou de loin à la musique contemporaine et il est vrai que ces musiques sont assez loin de la bande dessinée. Je le regrette souvent tant il me semble qu’il y a des ponts à faire entre les disciplines.

Sceneario.com : Et toi, Guillaume, as-tu également d’autres passions qui te poussent à lâcher de temps en temps le crayon ?

Guillaume Guerse : Pas vraiment, non… Je participe bien à un festival de théâtre de rue (dans l’Aveyron à Capdenac) mais ça reste toujours en tant qu’illustrateur. Une autre passion arrivera ce mois de juillet et elle sera de taille pour mon amie et moi…

Sceneario.com vous remercie de vos réponses et vous souhaite bonne continuation.

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