SCENEARIO.COM: pouvez vous vous présenter, présenter votre parcours professionnel ?
Laurent : J’ai 31 ans, bientôt 32, et je suis marié. Après une tentative infructeuse
d’infiltrer sur un malentendu l’Institut St Luc de Bruxelles et après m’être
fait raccompagné manu-militari à la frontière Franco-Belge par le Manneken
Pis avec la promesse de ne plus jamais tenter de tenir une plume ou un
pinceau, je me suis mis au…. Commerce International. Mais j’y peux rien,
c’est plus fort que moi…. Alors comme dans tout dessinateur frustré vit un
scénariste, je me suis mis à faire du scénario…
Cédric : J’ai 27 ans, bientôt 28 et je suis marié aussi. Moi, le Manneken Pis m’a laissé passer, et j’ai fait St Luc. Ensuite, l’école des Gobelins à Paris en section dessin animé et puis, j’ai un peu travaillé dans ce secteur en continuant la bd à côté.
SCENEARIO.COM: comment c’est passée votre rencontre ?
Laurent : J’avais dans mes cartons le projet « Les cyclistes » et j’étais, comme nombre
de scénaristes, à la recherche d’un dessinateur. Nous nous sommes recontrés
par l’intermédiaire d’une maison d’édition, qui après avoir manifesté de
l’intérêt pour « Les cyclistes », n’a pas jugé le projet suffisamment
intéressant pour sa collection.
Comme avec Cédric, notre collaboration se passait bien, nous avons décidé de
présenter le
projet chez Vents d’Ouest.
SCENEARIO.COM: Comment est née l’idée de cette BD sur le monde du cyclisme ?
Laurent : Je fais du vélo de route moi-même, et je trouve que l’on montre depuis cinq
ans maintenant, systématiquement le mauvais côté du cyclisme (comme si le dopage n’existait que dans ce sport ! Je me marre !). J’ai eu envie de montrer que le vélo est avant tout un sport de plein air où on rigole souvent beaucoup et dans lequel on ne se prend pas au sérieux….(Quoi que, dans le lot il y en a certains….)
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SCENEARIO.COM: En combien de tomes est prévue cette BD ?
Laurent : On a déjà signé pour le deuxième tome (le scénario est écrit et Cédric a
déjà réalisé plusieurs planches), et je travaille sur le scénario du troisième en espérant que celui-là et bien d’autres après lui seront publiés…..
SCENEARIO.COM: Comment s’est passé votre recherche d’un éditeur ? Et votre rencontre avec Vents d’Ouest ?
Laurent : J’avais eu un premier contact avec Eric Adam, qui nous suit chez Vents d’Ouest et nous avons tout simplement décidé de lui envoyer par mail notre projet. C’était le lundi soir et le mardi matin, j’avais un message d’Eric sur mon répondeur . On l’a rappelé et il nous a demandé de lui fournir au moins une planche encrée (ah oui, je n’avais pas précisé, mais on avait juste envoyé quelques story boards, une petit présentation de la série et des idées de gags…). 2 planches magnifiquement réalisées par Cédric et une planche présentant les personnages ont fini de convaincre Eric et le comité éditorial de Vents d’Ouest….
Cédric : C’est vrai que ça s’est déroulé très rapidement, mais apparement, ils étaient à la recherche depuis un moment déjà d’une série humoristique sur le vélo. Je pense qu’on est arrivé au bon moment.
SCENEARIO.COM: Quel est votre méthode de travail ? Vous vous rencontrez souvent, vous échangez par email ?
Laurent : Cédric est à Montpellier et moi à Triel sur Seine (78) donc vivent les
nouvelles technologies et Internet.
J’écris en dix lignes maximum mon idée de gag, je la soumets à Cédric et on en discute (et là vive la téléphonie illimitée car nous sommes deux bavards !). Ensuite, une fois que nous sommes d’accord, je scénarise et je fais le découpage que j’envoie à Cédric. Cédric réalise les crayonnés et me les envoie (dans 99% des cas, il suit mon découpage à la lettre…Il est bien ce gars !). Je donne alors mon avis et enfin, Cédric encre.
Cédric : Oui, la plupart de nos échanges se font par mail. D’ailleur, j’ai bien progressé et je tape de plus en plus vite au clavier !
SCENEARIO.COM: Les bds comiques ont le vent en poupe en ce moment. Il n’y a qu’à voir le nombre de titres qui sortent dans ce registre en ce moment. N’avez vous pas peur d’être noyés dans la masse ?
Laurent : Je ne pense pas que ce soit un phénomène lié à notre époque, il y a toujours
eu un large choix de BD dites « comiques ».
La BD est la locomotive du secteur de l’édition et forcément nombre d’éditeurs tentent de s’octroyer une part du gâteau. Le nombre de titres publiés va donc croissant mais pas uniquement dans le comique, les séries réalistes, semi-réalistes et autres Mangas sont bien représentés aussi.
Quant à être noyé dans la masse, je ne pense pas. En effet, nous avons la volonté d’asseoir un univers et de créer une atmosphère graphique plutôt que de servir un agglomérat de gags reliés en album comme on sert un hamburger dans un fast food. Qui plus est, en abordant un thème populaire et encore très peu (voir pas du tout) traité en BD je pense que nous avons des atouts pour nous démarquer du reste des publications.
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SCENEARIO.COM: L’écriture d’une bd comique est-elle selon toi plus difficile que pour une bd classique (d’aventure ou policière) ? Ou cherches-tu ton inspiration pour les gags ?
Laurent : Le scénario comique en une ou plusieurs planches avec « chute » est sans doute
un exercice assez difficile. Il faut trouver des gags inédits (ce qui n’est pas chose facile) ou alors constamment réinventer les « classiques ». J’aime bien revisiter les gags que nous appelons maintenant « bâteau » ou « maronnier », tout le monde s’attend à la chute, se dit « on le connait celui-là » et finalement se fait surprendre avec un dénouement inédit. C’est une constante remise en question et un exercise sans filet. Un mauvais gag ne pardonne pas, il tombe à plat, là où sur un récit complet en 44 ou 46 planches une faiblesse passagère du scénario peut plus facilement passer.
Je tire mon inspiration de mon expérience de cycliste et de tout ce que je rencontre dans ma vie de citoyen lambda. Tout est pretexte à un bon gag, non ?
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SCENEARIO.COM: Cédric, le style de dessin que l’on trouve dans votre album ressemble beaucoup aux styles des autres bds du même genre : dessin rondouillard, grosse tête, grand nez, le style Gaston Lagaffe pour résumer.
Est-ce un choix délibéré ou est-ce tout simplement ton style de dessin ?
Cédric : Non, c’est un choix délibéré. Je pense que c’est un style qui correspond assez bien à une série humoristique, sportive. J’ai essayé d’avoir un style simple et lisible.
SCENEARIO.COM: Cédric, peux tu nous expliquer tes techniques de dessin ? (les différentes étapes, le matériel que tu utilises etc…) ?
Cédric : Laurent m’envoie donc un découpage assez précis que je respecte presque tout le temps. J’esquisse une mise en place rapide de la planche. Je passe ensuite à un crayonné plus poussé et je montre le tout à Laurent. Si on est d’accord, alors je reprends le tout à la table lumineuse sur un papier plus épais avec un crayon bleu et j’encre aux feutres.
SCENEARIO.COM: : tu ne travailles pas du tout à l’ordi ?
Cédric : Si, pour envoyer des aperçus de mes crayonnés et de mes encrages à Laurent ou à l’éditeur. Sinon, je fais aussi certaines mises en couleurs à l’ordi, mais pour les Cyclistes, comme les délais étaient très très serrés ( 5 mois pour faire 46 planches), j’ai préféré me consacrer uniquement au dessin.
SCENEARIO.COM: Quelles sont tes influences ?
Cédric : Franquin reste pour moi un grand maître. Sinon, j’apprécie beaucoup le travail de dessinateurs comme Boucq, Conrad ou Loisel.
SCENEARIO.COM: Avez vous d’autres projets en cours, ou dans vos cartons ?
Laurent : Nous avons deux projets qui sont sortis de nos cartons et qui se baladent
chez Vents d’Ouest et Glénat… Mais rien de concret encore. Nous travaillons aussi sur un projet d’aventure humoristique sur une période bien précise de l’histoire de France…
SCENEARIO.COM: Cédric, y a-t-il un scénariste avec qui tu rêves de travailler ?
Cédric : Je sais pas trop, j’y ai jamais vraiment réfléchi… sinon, travailler avec Laurent, c’est déjà un rêve !
SCENEARIO.COM: et toi Laurent, un dessinateur ?
Laurent : Tiens, moi non plus je n’y avais pas pensé….Dur de répondre vraiment, mais il est sûr que travailler avec Daniel Cox ou Willy Lambil, ce serait génial…
SCENEARIO.COM: Quelles sont les dernières BDs que vous avez lues ?
Laurent : « Feux » de Hardy et Tome, qui je pense mérite bien mieux que les commentaires
très durs que j’ai lu sur son compte.
« Requiem pour un bleu »
« Léonard est un génie »
« Les moines rouges » Un bon Gil Jourdan, rien de tel !!!
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Cédric : Le dernier « Spoon et white » et le dernier » Jérome.K.Bloche » (toujours aussi bon…)
SCENEARIO.COM: Est-ce plus dur d’apprécier la bd lorsque l’on est soit même un auteur ?
Cédric : Je me régale toujours autant quand je lis une bonne bd, et je redeviens un simple lecteur !
Laurent : C’est vrai que l’on redevient vite lecteur, ma première bd c’était Boule et Bill à 6 ans, j’avais un regard émerveillé, je disparaissais, je me fondais dans cet univers hors du temps, hors de tout. Chaque fois que je lis une BD je récupère l’œil du gamin de six ans et j’apprécie…Par contre ensuite, je referme le bouquin et je deviens un peu critique (en bien ou en mal), mais avant de critiquer je me pose toujours la même question : « T’aurais fait mieux toi ? »…La réponse est souvent sans appel : « Non ! »…
Par exemple cela m’ennuie beaucoup quand je vais sur les forums actuellement et que je vois Tome se faire descendre en flèche pour « Feux ». Je trouve que la technique narrative, les découpages et les ellipses de cette histoire sont gérées de mains de maître. Les codes de la bd volent en éclats et c’est sans doute cela qui gène, mais moi je suis admiratif devant ce travail…Cela n’a pas trop de rapport avec la question, mais j’avais envie d’en parler…. |
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SCENEARIO.COM: C’est votre premier album pour tous les deux je crois, quel effet ca fait de se dire que l’on va être publié ?
Laurent : Premier album pour moi….Bien sûr, je suis content d’être publié. Après l’expérience difficile de St Luc, j’ai mis tout entre parenthèse pendant 11 ans. Le temps de murir peut-être…
Je suis surtout content d’être publié pour la première fois par Vents d’Ouest et avec Cédric. Vents d’Ouest, car Eric Adam qui nous suit, nous laisse une grande marge de manoeuvre et ne
nous impose rien. Il nous conseille, apporte son opinion et nous permet de travailler sereinement. Cédric, bien sûr, parce que je pense que ce gars a un talent fou et que cela va vite se savoir.
C’est un grand professionnel et lorsque j’écris un scénario, j’ai déjà en tête le traitement de l’image qu’il va en faire. Mes découpages ne sont pas directifs, Cédric a donc le
champ libre, mais bien souvent, lorsque je reçois ses crayonnés, je m’aperçois que son cadrage et même ses choix de décors sont tout a fait tels que je les avais imaginés. C’est un plaisir de travailler avec lui.
Cédric : Moi, j’ai déjà été publié, mais cette fois-ci c’est un projet d’envergure, réalisé en collaboration avec un scénariste de talent !
SCENEARIO.COM: La BD va sortir fin juin. Savez vous déjà comment va se faire la promotion ? Campagne de pub, séance de dédicaces ou autre ?
Cédric : Non, pas trop… à part que la sortie de l’album devrait correspondre au tour de France et qu’il y aura quelques pages prépubliées dans le journal de Mickey.
Laurent : On espère quand même « surfer » sur l’actualité du Tour en effet….Si des gens comme l’équipe ou France 2 ne parlaient de nous que trois secondes ce serait génial….
SCENEARIO.COM: Selon vous, la rencontre avec le public est-elle un passage obligé ?
Laurent : J’ai lu que Lambil arpentait les FNAC et autres librairies à chaque nouvelle sortie d’une Tunique Bleue pour entendre les commentaires des gens qui feuilletaient le bouquin….Je pense que c’est intéressant d’avoir un « retour » sur ce que l’on fait. On a l’avis des éditeurs bien sûr, des revues et sites spécialisés, mais le verdict final, c’est le lecteur qui le donne. Il est souvent sans concession, mais il faut l’accepter. Si on ne veut pas cela, on ne s’expose pas.
Quand à rencontrer « physiquement » le public je ne sais pas si c’est indispensable, mais cela permet sans doute des échanges intéressants…
SCENEARIO.COM: Revenons à votre cursus. De nombreux auteurs semblent passer par Saint Luc,
à Bruxelles . Pouvez nous parler de cette école, et des formations que l’on peut y suivre ?
Cédric : Moi, j’étais en section bd.Je ne crois pas qu’il soit absolument necessaire de faire une école de bd. On apprend à faire de la bd en en faisant et en se voyant publié. L’école donne du temps pour se chercher et essayer des techniques différentes.
Laurent : Moi j’ai postulé à la section BD, je me suis inscrit (je me souviens du couloir où on attendait tous pour passer avec nos cartons sous le bras ; on angoissait un peu). A l’époque on parlait de ceux qui en sortait : Frank, Geerts, Yves Swolf c’était marrant, mais je ne peux pas en dire plus parce que après le jury a regardé mes planches et a éclaté de rire… |
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SCENEARIO.COM: Quels conseils donneriez vous aux jeunes qui veulent se lancer dans le métier ?
Laurent : Ne vous laissez pas décourager par des réponses négatives, non argumentées
sous forme de lettres type non signées. C’est au dos de la collection de ce genre de lettres que
j’ai chez moi que j’ai fait les premiers découpages des cyclistes….
Cédric : Moi, je dirais qu’il faut commencer le plus jeune possible, dessiner le plus souvent possible et c’est comme pour les Jazzmen, il vaut mieux avoir un papa milliardaire.
SCENEARIO.COM: Un grand merci à vous deux. On souhaite à votre album qu’il porte le maillot jaune dans le peloton de la BD…