Interview
Entretien avec un Nosferatu ou interview d’un sénariste qui a du mordant
Sceneario.com : Bonjour, Olivier.
Olivier Peru : Salut, M’sieur Sceneario !
Sceneario.com Ce mois-ci voit donc la sortie de Nosferatu chez Soleil dont tu signes le scénario. Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans une histoire de vampires ? Voulais-tu donner ta propre version du mythe ?
Olivier Peru : J’ai toujours eu envie de travailler sur une histoire de vampires aussi quand le staff de Soleilm’a présenté les travaux de Stefano Martino, je n’ai pas hésité longtemps. On nous a proposé de développer une histoire sur Nosferatu et on s’est immédiatement bien entendu sur les directions à donner au récit : amour, éternité, pouvoir.
Sceneario.com : Quels ont été tes influences pour ce sujet ? Pourquoi as-tu choisi de faire remonter l’origine de ce Nosferatu à l’époque romaine ?
Olivier Peru : J’ai envie de répondre des tas et aucune. Concrètement, je n’ai rien relu et rien vu pendant la réalisation de cet album. Je ne voulais pas me laisser happer par les codes utilisés dans les autres histoires de vampires. De la même manière, j’ai plusieurs fois été tenté de regarder le film muet Nosferatu de Murnau de 1922 mais je me suis retenu. Une partie de moi aurait été tentée de faire coller notre vision de Nosferatu à celle du film qui l’a originellement « créé ». Notre idée avec Stefano était d’emmener le personnage de Nosferatu au XXIe siècle. Nous avons donc regardé devant nous, pas derrière. Toutefois, je ne cacherai pas que le gamin que j’étais (et suis toujours) qui lisait Anne Rice autrefois m’a soufflé quelques passages. Quant à notre choix de transporter les débuts de notre récit à l’époque romaine, il est à mettre en rapport avec l’histoire bien connue d’un certain Jésus-Christ qui a dit « buvez en tous, car ceci est mon sang ». Mais on expliquera ça que dans le second tome.
Sceneario.com : Comment as-tu choisi les personnages ? J’ai eu l’impression que Van Hess, le chasseur de vampires, par exemple, vole la vedette du Nosferatu ou de Vladek.
Olivier Peru : Une fois que Nosferatu a pris vie et que j’ai défini les grands mouvements du récit, les autres personnages se sont quasiment imposés d’eux-mêmes en fonction de leur époque d’origine. Vladek était centurion, il place donc l’honneur, la guerre et les grands principes au sommet de son échelle de valeurs. Nosferatu, lui, est l’histoire autant que le héros, il est une créature de l’ombre et de la nuit, mystérieux et ambigu, cette distance vis à vis des évènements est pour lui une façon de survivre aux siècles qui passent. Mais il a une faiblesse qui l’empêche d’être un monstre parfait : l’amour. Quant à Van Hess, le chasseur de vampires, je voulais qu’il soit aussi important que les créatures qu’il combat. Car être un bon ou un mauvais vampire, c’est avant tout une histoire d’humanité. En cela, il est un personnage essentiel et notre point de repère humain. Les premiers lecteurs de l’album sont d’ailleurs unanimes à son sujet, tout le monde l’adore. Ses dialogues d’une grossièreté sans limite y sont sans doute pour quelque chose ;-). La scène d’intro du T2 lui sera d’ailleurs entièrement consacrée.
Sceneario.com : Nous prépares-tu d’autres surprises dans cette série ? Entraîneras-tu le lecteur dans d’autres périodes historiques ?
Olivier Peru : Pour les surprises, oui, on en a prévues au moins deux assez énormes pour le tome 2 mais je n’en parlerai pas ici. Disons simplement qu’on va découvrir l’identité de la patronne des chasseurs de vampires et qu’on va en partie apprendre comment Nosferatu est devenu une créature immortelle. Et pour ce qui est de visiter d’autres périodes historiques, évidemment qu’on va y aller. C’est même un des principes que nous voulions développer avec Stefano. Jouer avec des personnages capables de vivre plusieurs siècles nous emmène naturellement dans cette direction. On a développé pas mal d’idées qui nous poussent pour l’instant vers le moyen-âge et la seconde guerre mondiale. Vous en saurez plus dans le tome 2.
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Sceneario.com : Comment as-tu choisi Martino pour la partie graphique ? Connaissais-tu son travail auparavant ?
Olivier Peru : Je connaissais son talent de loin mais je l’ai véritablement découvert en travaillant avec lui. En effet, nous avons été présentés l’un à l’autre pour justement œuvrer sur ce diptyque de Nosferatu. Stefano Martino, en plus d’être une véritable bête en dessin, est très perfectionniste. Une fois les pages finies, il reprend souvent les cases qu’il juge moins bonnes et il est toujours à l’écoute des bons conseils. Il est aussi d’une rapidité assez exceptionnelle, capable de tomber plusieurs pages par semaine sans que jamais la qualité de son travail n’en pâtisse.
Sceneario.com : Comment travailles-tu avec ton dessinateur ?
Olivier Peru : J’aime tronçonner les scénarios en trois ou quatre grands mouvements. J’écris donc souvent une douzaine ou une quinzaine de pages découpées et dialoguées que j’envoie à Stefano puis il me propose des storyboards. Nous affinons la narration sur le storyboard quand cela est nécessaire et ensuite, Stefano se lance sur les planches crayonnées et encrées. J’avoue que je n’ai pas eu grand chose à faire sur cet album si ce n’est écrire de bonnes pages. Stefano est un excellent raconteur d’histoire doublé d’un grand dessinateur. Il m’a souvent impressionné sur ce tome 1 et ce n’est pas fini. Je viens tout juste de recevoir les premières pages du tome 2, je peux vous dire qu’il sera bientôt surnommé « Stefano le Magnifique » et je serais bien tenté de lui ériger une statue quelque part.
Sceneario.com : Tu as traité du mythe des zombies avec une série sortie aussi chez Soleil en 2010. Vas-tu t’attaquer et nous donner tes propres visions d’autres mythes du fantastique ? Frankenstein ? Le loup-garou ? La momie ?
Olivier Peru : J’aimerais ça ! Mon affection pour les grands monstres vient de mon amour pour le fantastique. En ce qui concerne la momie, oui, j’ai un projet sur le feu, mais on n’en est encore qu’au début, je reviendrai bientôt en parler par ici :-). Et pour les loups-garous, j’adorerais trouver une bonne idée qui mérite de devenir une BD. Bientôt, peut-être… Je commence à y réfléchir.
Sceneario.com : Petit quizz sur les vampires : – American Vampire ?
Olivier Peru : Je connaissais pas avant cette interview, je me suis donc renseigné sur le net et ça a l’air super coooooool !
Sceneario.com : – Dracula (Bram Stoker) ?
Olivier Peru : J’ai lu le roman quand j’étais ado et il m’a gardé éveillé des nuits entières. J’ai également adoré le film de Coppola. Je dirais même qu’il m’a transpercé. Une véritable claque visuelle.
Sceneario.com : – Lestat le vampire ?
Olivier Peru : Culte et essentiel. L’œuvre d’Anne Rice reste à mes yeux l’une des plus réussies sur les vampires.
Sceneario.com : – Near Dark (le film de Kathryn Bigelow) ?
Olivier Peru : Je l’ai vu il y a très longtemps mais je n’en ai pas gardé un très grand souvenir. Je crois me rappeler d’un super casting et de quelques bonnes scènes mais pour l’histoire, je n’en dirais pas autant.
Sceneario.com : Vampires (John Carpenter) ?
Olivier Peru : Un film sympa, rigolo et original, bien dialogué et qui profite d’un James Wood en super forme.
Sceneario.com : Buffy contre les vampires ?
Olivier Peru : Je pense avoir vu toutes les saisons il y a fort longtemps, et j’avoue avoir adoré. Dans le domaine du fantastique, Josh Whedon, le créateur de la série, est à mes yeux l’un des types les plus brillants de la télé américaine.
Sceneario.com : Tu écris aussi des romans. Si je ne me trompe pas, tu as aussi travaillé sur une série TV ? À quand le cinéma ?
Olivier Peru : Un jour prochain peut-être. Le cinéma est un domaine très chronophage et pour l’instant, je travaille sur trop de projets et de livres pour pouvoir m’y consacrer. Mais je rêve évidemment de grand écran et, tôt ou tard, j’irai y faire un tour.
Sceneario.com : Quels sont tes projets en cours ?
Olivier Peru : Je travaille en ce moment sur plusieurs BD et romans. Je sors en mai le tome 3 de la série des Haut-Conteurs (roman fantastique jeunesse) que je co-écris avec Patrick Mc Spare. J’ai en préparation quelques albums BD, la suite de Zombies (le très attendu tome 2 arrive bientôt), d’Assassin, d’In Nomine et je suis aussi investi sur le projet BD Hero Corp. En parallèle, je travaille aussi sur une série télé pour France 2. Bref, ça chôme pas vraiment…
Sceneario.com : Quel a été ton dernier coup de cœur pour une bande dessinée ?
Pour un livre ?
Olivier Peru : J’ai beaucoup aimé certaines scènes d’Asterios Polyp et j’ai trouvé très chouette le roman de Jean-Philippe Jaworski : Gagner la Guerre.
Sceneario.com : Quel a été ton dernier coup de coeur pour un film ?
Olivier Peru : Je parlerai plutôt d’une série télé (je regarde beaucoup de VO en travaillant) : la série Friday Night Lights est géniale. Adapté d’un excellent bouquin, ça parle de football américain dans un lycée du Texas. C’est passé inaperçu en France mais la saison 1 est brillante. Tout tombe juste, l’écriture, la réalisation, le jeu des comédiens, l’émotion et le football.
Sceneario.com : Quel a été ton dernier coup de coeur pour une musique ?
Olivier Peru : Certains morceaux de la B.O du film Babel qui sont carrément envoûtants.
Sceneario.com : Merci pour ce temps passé avec nous.
Olivier Peru : Merci à vous !
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