Interview
interview Ciro Tota
Sceneario : Comment es-tu arrivé dans le monde de la bande dessinée ?
Tota : J’ai commencé la bande dessinée en 1976 aux éditions Lug, à Lyon qui a cette époque était surtout connu pour ses petits formats comme Blek le rock, … J’ai commencé par faire des retouches dues à la censure. On travaillait sur les versions italiennes en noir et blanc et on mettait du blanc partout ou c’était gênant comme sur les scènes de bagarres ou on enlevait les dents qui sautaient, des cadavres sur les champs de batailles, des flèches dans le dos des cow-boys, … Cela me faisait mal au cœur de faire cela mais on était obligé. Je crois qu’en ce temps là il n’y avait que la France et l’Albanie qui avait des commissions de censure sur la bande dessinée. On était passé par la parce qu’il y avait des livres qui avait reçu des avis défavorables. Je me souviens d’un Fantask qui avait été interdit au bout de sept numéros parce que les couleurs étaient trop violentes.
Sceneario : Les couleurs étaient trop violentes ?
Tota : On avait un certain nombre de couleurs venant du procédé utilisé dans l’imprimerie de l’époque ou chaque couleurs de bases étaient dosées à 25%. On faisait des mélanges et cela donnait environ 300 ou 400 couleurs différentes, pas plus, et ce qui est étonnant, c’est qu’ils trouvaient des couleurs violentes dedans. Donc on faisait des retouches sur les titres avant parution. Après j’ai travaillé sur le petit trappeur qui était le Blek le rock. Cela se passait à l’époque de la guerre d’indépendance des Etats-Unis.
Sceneario : C’était des traductions des versions italiennes ?
Tota : Non c’était ma version, je m’étais rendu compte que les scénarios n’étaient pas compliqués à faire donc je les faisais moi-même. Ce qui me faisait drôle, c’est que c’était une bande dessinée que je lisais quand j’étais gamin. Je connaissais bien le monde et il n’y avait pas de problème pour les faire.
En même temps que Bleck, les super héros arrivait et la aussi il y avais le même problème de censure que pour les fumetti. Donc là aussi il faillait refaire des retouches. Et comme cela marchait très bien, une fois l’épisode Fantask a été oublié et que Strange est sorti en petit format en deux couleurs puis en couleurs complètes, qui n’était plus violente a cette époque la (rire).
On s’est dit, comme les super héros américain fonctionnait bien, on va en faire à la française. J’en ai fait un qui s’appelait Photonik. Mitton faisait le sien qui s’appelait Mikros, et comme dans une revue, il fallait obligatoirement trois histoires, la dernière c’était Ozark faite par un Italien qui était un peu a la traîne.
Sceneario : Ah oui, je me souviens c’était dans titans a l’époque !
Tota : C’était Spidey ! Non c’était Mustang. Photonik a commencé dans mustang et quand il s’est arrêté après une quinzaine de numéro il a continué dans Spidey et Mikros de Mitton est parti dans Titans. J’ai fait environ une cinquantaine d’épisodes. Mitton me dépannait de temps en temps quand j’étais en retard car il fallais faire environ vingt-quatre pages par mois, du sceneario jusqu’à la mise en couleurs.
Sceneario : Ce n’était pas comme aux Etats-Unis ou il y a le scénariste, le dessinateur, l’encreur et le coloriste ?
Tota : Je n’ai jamais compris comment ils pouvaient travailler à quatre ou a cinq. Cela fait huit mains dessus quand même, cela fait beaucoup ! Nous, on faisait tous nous même en fin de compte. Cela permettait d’être plus en phase avec la série, les personnages, … on était complètement maître de ce que l’on voulait faire. Il y avait juste ce problème de censure où on savait où on ne devait pas aller.
Sceneario : Et après Photonik est sorti en album chez delcourt ?
Tota : Oui, mais il ne faut pas sauter les étapes (rires). Il est arrivé un jour que Mitton est parti au ski et il s’est cassé un bras. Il faisait les couvertures de toutes les revues qui sortait chez Lug. J’ai donc pris sa relève et mis Photonik un peu de côté. Comme les couvertures plaisaient, j’ai laissait encore un peu plus tomber photonik.
Apres les couvertures, j’ai voulu passer au stade au-dessus et avec Cailleteau, nous sommes partis voir chez Glénat pour Fuzz et Fizzbi, une série d’heroic fantasy avec de l’humour, un peu comme cela se fait actuellement. On a fait trois album avec Cailleteau qui ont été repris en intégrale sous le titre les trois quêtes d’hypercondrie chez vent d’ouest.
Ensuite comme je travaillais avec Cailleteau, et qu’avec Delcourt, ils voulaient faire une série parallèle à Aquablue, nous sommes donc partis sur cette série qui aurais du s’appeler les mémoires de Cybot.
Sceneario : Le robot de Nao !
Tota : Oui, le robot nurse qui’ l’a élevé. Cela s’appelait l’étoile blanche et il y avait deux parties. Pendant qu’on faisait l’étoile blanche, Vatine a laissé tomber la série principale et cela faisait que Delcourt avait deux séries mais qu’un seul dessinateur. On est donc abandonné la deuxième série pour ne garder que la série principale. Et l’étoile blanche a intégré la série normale. On a fait cinq tomes ensemble, du cinq au neuf. Et au neuvième on a commencé a avoir des petites divergences de vue sur la suite a donner à la série et j’ai préféré arrêter.
Je me suis retrouver chez Soleil peu de temps après pour les conquérants de Troy avec Arleston. J’avais croisé Christophe pas mal de fois sur les salons et on avait envie de travailler ensemble et l’occasion s’est présentée. L’histoire me plaisait et cela me permettait de retomber sur mes pattes et de reprendre l’heroic fantasy comme fuzz et fizzbi mais avec un côté un peu plus adulte.
Sceneario : Pas trop compliqué de repasser de la science fiction a l’heroic fantasy surtout après cinq albums ? il y a un temps d’adaptation pour passer de l’acier de la sf au bois et a la ficelle de l’heroic fantasy ?
Tota : Oui bien sur et il y a aussi un temps d’adaptation pour travailler avec un nouveau scénariste et une nouvelle maison d’édition. Je pense qu’on est à l’aise sur une série au bout du deuxième album. D’ailleurs, le deuxième conquérants de Troy est commencé et je pense que courant de l’année prochaine, cela devrait être bon.
Sceneario : Il y avait un mélange de science fiction et d’heroic fantasy dans cette serie.
Tota : C’est vrai, car pour moi l’heroic fantasy c’est aussi un peu de la science fiction. Dès qu’il y a d’autre planète qui arrivent en ligne de compte, bon ce n’est pas de la science fiction pure et dure. Dans le premier album on ne voyait pas d’autres planètes ou des vaisseaux, on restait sur terre. Il n’y avait que les dragons qui volaient. Dans le second tome, on attaque la colonisation de Troy donc ce sont des vaisseaux un petit peu préhistoriques qui viennent d’un autre monde. Cela commence comme de la SFmais on reste dans de l’heroic fantasy.
Sceneario : Vous travaillez comment avec Arleston ?
Tota : On discute de l’idée générale de l’album avec Christophe, une fois qu’on est d’accord, il y a un synopsis qui arrive avec tout les éléments dans l’ordre puis il m’envoie le scénario découpé scène par scène de trois ou quatre pages. Ce qui laisse la possibilité au scénariste de changer des éléments en cours de route auxquels il n’avait pas pensé. Pour le dessin, c’est parfois un peu plus embêtant car on ne sait pas forcement se qui se passe après et qui peux poser des problèmes de raccord entre deux scènes. Je sais ou on va, mais pas trop dans le détail.
Sceneario : Il suffit d’un vêtement qui change …
Tota : Oui, ou des petits ustensiles important qu’on a oublié en cours de route, des prisonniers qui sont enchaînés et qui sont libérés dans la scène d’après, … plein de petites chose comme ça, mais bon, … ce qui est bien avec la bande dessinée, on peut se sortir de tout les guêpiers, en réfléchissant, on trouve.
Sceneario : Vous avez déjà défini le nombre d’album de la série ?
Tota : Oui, on sait où on va. La série sera sur cinq tomes. L’intérêt principal sera de retrouver les parents. Ce n’est que retrouver papa et maman pour reformer la famille, c’est qu’il y a aussi un enjeu important à les retrouver. Il y aussi certains personnages secondaires, comme le bûcheron Eckmul qui va donner son nom a la ville, ça c’est un élément du deuxième tome.
Sceneario : Le monde de Troy est déjà défini par les deux autres séries Lanfeust et Trolls de Troy. Ce n’est pas trop contraignant de regarder dans les dessins de Tarquin et Mourier ?
Tota : On ne m’a pas demandé de le faire. La seule contrainte que j’ai eu, ça a été de respecter la forme générale de la ville de Port fleuri, qui deviendra Eckmul, au moment de la formation de la ville, c’est tout. La tour qui est construite dans le tome 1 sera détruite et, à la place, il y aura le conservatoire dans les autres séries.
Sceneario : Un des éléments communs des séries de Troy, ce sont les petits éléments ou références cachés dans les albums, il y en aura aussi dans conquérants ?
Tota : J’arrive à faire ce genre de petites plaisanteries ou private joke quand je suis a l’aise avec la série. Au début, il y a tellement de chose à voir, à intégrer, à faire ressortir sur une planche, … Je ne me sens pas à l’aise à mettre un petit fuzz et fizzbi par exemple. J’en ai peu être mis quelque unes mais pas tant que ça. Mais c’est vrai que dans Aquablue, je me suis senti à l’aise au bout de quelques planches, parce que je connaissais Thierry et que j’avais déjà travaillé avec lui. J’ai pu cacher des tas de choses dans tous les coins, mais je pense que pour le deuxième tome de conquérants, je vais en remettre. Cela ne va faire rire que moi et Christophe peu être, et le coloriste aussi parce qu’il va travailler sur les planches à moins qu’il n’y fasse pas attention (rires – Sebastien Lamirand, le coloriste, était présent lors de l’interview).
Sceneario : Justement comment travailles-tu avec le coloriste ?
Tota : On parle juste d’une ambiance générale de la scène. Comme il ne peut pas savoir si c’est le jour ou la nuit c’est un des premiers éléments dont on parle ! Pour l’ambiance générale, si je sens quelque chose, je lui dis, sinon il travaille de lui-même. Après, pour les reprises qu’on a sur la couleur, ce sont pour les petits oublis dans les détails parce qu’on ne peut pas tout voir. Cela m’arrive déjà d’oublier de chose dans les dessins, alors mettre la couleur sur des dessins qu’on a pas fait, on est obligé d’oublier certains détails à un moment ou à un autre.
Sceneario : La couleur permet de rattraper certains détails
Tota : C’est à dire le dessin, je le pense en noir et blanc. J’évite de penser an couleur pour ne pas être déçu donc je fais complètement confiance au coloriste et pour l’instant, j’en suis complètement satisfait. Ça te va ? (rire en regardant Lamirand)
Sceneario : Tu travailles sur quel format ?
Tota : Alors là, pour les planches de travail, cela dépend beaucoup. Pour le premier croquis, c’est un story board qui a la taille d’un timbre poste, après je fignole un peu plus sur un story-board à partir du scénario déjà découpé. Il y a un nombre de case par page. J’essaye de mettre en valeur la case la plus importante et aussi de mettre en valeur le coté narratif, ce qui veut dire que parfois j’ajoute ou on retire une case. Par contre, je respecte le texte des bulles à la lettre.
Une fois le story-board fait, je fais le premier croquis crayon, ce qui va rester vraiment pour faire l’encrage, il est fait au format de parution. Pour l’encrage j’agrandis le crayonné au format A3 sur lequel je me sens à l’aise qui sera réduit pour l’album. C’est toujours intéressant de diminuer un format puisque les imperfections seront réduites aussi.
Sceneario : Tu as des projets en parallèles ?
Tota : Non, Je vais faire les cinq tomes à la suite parce qu’après les cinq tomes, je ne sais pas ce qui est prévu mais je pense que je vais m’arrêter. Cela va déjà me prendre cinq ans, si tout va bien. Je n’aurais raconté qu’une seule histoire, alors qu’il y en a tellement à raconter.
Sceneario : Des envies particulières alors ?
Tota : Cela serait plutôt des illustrations pour pousser un peu le travail personnel qui est différent du travail sur la bande dessinée. Car sur la bande dessinée, on a des cloisons, on a un encrage, des personnages, un monde à respecter et on ne peut pas trop en sortir. Quand on fait des travaux sur les collectifs ou pour des illustrations à part, cela nous fait un peu de respiration et un peu de retard en plus (rires).
Sceneario : Merci
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