Interview

Interview d’Alessandro Barbucci et Barbara Canepa

© Barbucci/Canepa (Etude vêtements du tome 4)

Sceneario.com : Comment vous êtes-vous passionnés pour le dessin ? Que lisiez-vous ?

Barbara : Je dessine depuis toujours…Grâce à ma mère qui , depuis que j’étais toute petite, me lisait de nombreux livres de contes illustrés et me laissait m’exprimer librement, en défigurant tous les murs de la maison avec mes  » monstrueuses œuvres d’art  » !! Et grâce à mon grand-père collectionneur de BD ( Gordon, Prince Vaillant, Little Nemo …), j’ai entamé sans m’en rendre compte ma carrière d’auteur de BD ! Toute petite, je lisais les Peanuts, Quino, Mordillo et Mickey Mouse. Vers 10 ans j’ai découvert la BD japonaise avec les shojo, en même temps que les auteurs sud-américains comme H. Altuna , J. Gimenez, Trillo, Breccia, et les légendes italiennes comme M. Manara, E. Serpieri, et S. Toppi. Et j’ai eu le coup de foudre !

Mais c’était aussi en raison des thèmes très adultes que je pouvais lire dès 10-12 ans.

Ah ! Ah ! Ah ! En Italie, il y avait de beaux magazines avec des collections de BD d’excellente qualité, comme l’Eternauta et Comic Art, avec des couvertures de Gimenez, O. Chiconi et Azpiri… Sublimes !

Alessandro : …moi aussi j’ai toujours dessiné, depuis tout petit, et je n’ai jamais douté que je l’aurais fait toute ma vie ! Mes parents aimaient beaucoup les dessins animés, et allaient au cinéma voir les films Disney et Warner Bros, avant que moi et mon frère ne naissions. J’ai appris à lire avec les livres de Mickey Mouse et Donald Duck, et pendant de nombreuses années je ne lisais que ça. Je connaissais les revues qui publiaient de la BD d’auteur, mais je n’aimais pas beaucoup. J’ai toujours préféré une approche plus commerciale !

Mon premier vrai coup de foudre a été Tank Girl ( Hewlett & Martin ), qui est la la démonstration qu’on peut réaliser une BD graphiquement excellente, même dans un milieu délirant comme la BD underground.

Sceneario.com : Parlez-nous de vos débuts en tant que professionnels ?

Barbara : D’une certaine façon, j’ai vraiment commencé en tant que dessinatrice, et non en tant que scénariste/coloriste. En réalité, je suis aussi dessinatrice. Chez Disney, j’ai suivi le cours pour illustrateurs, qui inclut aussi le dessin. A partir de 1997, j’ai réalisé de nombreuses histoires de Little Mermaid et toutes les couvertures ( dessin et couleurs ) de ce magazine Disney. Je suis spécialisée dans les classiques, c’est à dire tous les personnages de films…

Vous vous rendez compte que j’ai dû tous apprendre à les faire ? Un vrai cauchemar ! Mais ma force ou plutôt ma différence, c’était justement la couleur, et petit à petit, je me suis spécialisée dans le domaine création-couleurs des projets Disney de ces années, comme le Color Key.

Mes vrais débuts donc, étaient en 1997 à la WDC ( Walt Disney Company ) en Italie.

Alessandro : J’ai commencé à travailler dans la BD presque sans m’en apercevoir. A 17 ans je me suis senti prêt ( ou assez effronté pour réussir à convaincre les autres que je l’étais ). Je suis allé dans un festival de BD ( Lucca Comics ) avec mes travaux ( les pires que j’aie jamais réalisés !!!) .

© Mc Productions/Barbucci-Canepa/Sky Doll

J’ai eu la chance d’y rencontrer G.B.Carpi, grand artiste Disney et fondateur de l’Académie Disney. Il a en quelque sorte eu l’intuition qu’on pourrait tirer quelque chose de moi, et il a commencé à me donner des conseils et à suivre mes progrès.

Il a compris de suite que j’avais un caractère trop rebelle pour participer aux cours de l’Académie, et il tenait à ce que je conserve cet aspect de mon travail. Après à peine un an, il m’a obtenu mon premier scénario : j’avais deux mois pour le dessiner et il serait imprimé de suite.

Le résultat était hallucinant, j’avais réussi à transgresser toutes les règles de narration à la Disney, mais l’histoire a été publiée quand même. Les suivantes ont été pires encore, totalement underground !! G.B.Carpi ( qui a toujours été un expérimentateur ) s’amusait beaucoup à voir les réactions de l’éditeur !

Sceneario.com : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la bande dessinée ?

Barbara : C’est une façon comme une autre de raconter une histoire, même autobiographique, afin qu’elle soit accessible à tous, et rapide. Par rapport au livre écrit, c’est plus immédiat, grâce aux images, mais moins imaginatif et interprétable. J’y suis arrivée suite à mes choix de vie .J’étais bonne en dessin et je connaissais bien la BD grâce à ma famille… C’était une voie obligée, si on peut dire !

J’ai dessiné ma première BD à 11 ans. Je la conserve encore dans un tiroir. Une méga saga de science-fiction, évidemment !

Alessandro : Moi aussi j’ai débuté sans y penser, parce que c’est quelque chose de très facile à faire, même si tu es un gamin ! Ce n’est que plus tard que je me suis pris de passion pour l’animation. Mais je suis vite revenu à la BD . Dans l’animation, je n’aimais pas la trop grande complexité du processus de production : il est impossible de tout contrôler dans un dessin animé, et on est souvent déçus du résultat.

Sceneario.com : Quels furent les événements déterminants de votre carrière ?

Barbara : D’abord : la rencontre avec Alessandro.

Ensuite : avoir eu comme maître, pendant deux ans, un grand de l’école italienne de Disney : G.B.Carpi

Enfin : avoir toujours été amoureuse de la France, ma véritable patrie. Et donc d’y avoir trouvé une maison d’édition moderne et efficace comme Soleil.

Alessandro : Avoir connu G.B.Carpi qui m’a toujours poussé à devenir auteur plutôt que dessinateur.

Avoir rencontré Barbara qui m’a entraîné en France.

Avoir participé à la création d’un  » monstre  » éditorial comme WITCH.

Avoir trouvé un éditeur comme Mourad qui nous a laissé carte blanche pour réaliser Sky Doll.

Sceneario.com : Qu’est-ce qui dans le travail de chacun inspire votre collaboration ?

Alessandro : En ce qui concerne la science-fiction, la véritable spécialiste c’est Barbara, qui a grandi en lisant Urania (Asimov, Dick, Adams…) et s’est passionnée pour des films comme  » 2001 l’odyssée de l’espace  » et Blade Runner.

© Barbucci/Canepa (affiche du festival de Lucca)

Dans la SF, j’aime la possibilité d’aborder des thèmes sociaux et psychologiques actuels en les translatant dans un monde imaginaire. Graphiquement, cela permet de créer un monde de A à Z, en mélangeant architecture, design, mode en toute liberté.

Pour Sky Doll, nous nous inspirons de la SF des années 60-70, véritable époque dorée pour les expériences visuelles, associée à des thèmes de société importants.

Les autres sources d’inspiration visuelle vont de l’art contemporain à l’art graphique avant-gardiste ( y compris le web ), en passant par les clips vidéos musicaux ( les meilleurs, ceux qui ne passent qu’à 3 heures du matin ).

Très rarement, je l’admets, on s’inspire des BD ( paradoxal, non ? ).

Sceneario.com : Comment organisez-vous votre travail commun ?

Ensemble : On se superpose surtout pour l’écriture : nous créons le sujet ( le pilote de l’histoire ) ensemble, en réunissant souvent deux idées différentes. Puis nous l’élargissons, en ajoutant des éléments ici ou là. Nous tâchons de définir ensemble l’ambiance de l’histoire et ce que les personnages doivent exprimer, afin de cerner le sujet. Sinon, on risque de faire un minestrone. Nous faisons aussi l’étude des personnages ensemble. Après, nous nous répartissons les rôles : je m’occupe du storyboard ( que nous revoyons ensemble ) et des lay out jusqu’aux crayonnés définitifs. Puis, Barbara se charge de la mise en couleurs.

Barbara : Pour le 3ème tome, la mise en couleurs a été entièrement réalisée sur ordinateur, tout comme c’était déjà le cas pour Sky Doll n°0. Cela ne peut que décevoir les collectionneurs d’originaux en couleurs , mais les délais et le stress sont remarquablement réduits sur ordinateur !

Mais la qualité n’y perd pas. Au contraire ! En fait, je suis encore plus adroite avec Photoshop qu’à la main . C’est hallucinant ! Normalement, nous procédions ainsi :

– la planche qu’Alessandro me passe n’est pas un définitif, mais plutôt un clean-up très propre, repassé avec un crayon léger et très fin, presque sans détails.

– Je ne travaille jamais sur l’original, mais sur une photocopie du clean-up fait sur papier Schoeller 250 gr.

– A ce stade , je passe à la mise en couleurs manuelle ( écoline ), ignorant les détails des visages et les lumières les plus délicates. Je travaille sur environ 80% de la planche.

– C’est après ce travail qu’Alessandro réalise le véritable définitif, repassant tout avec un crayon noir ( nous n’utilisons pas l’encrage classique ) qui rend le trait plus souple et frais.

– Puis la planche est nettoyée des petites saletés ( comme la poussière et les restes de gomme ).

– Je finalise les couleurs et je rajoute tous les effets manquants.

– Je numérise et j’envoie le CD à l’éditeur !

Sceneario.com : Quelles sont vos influences artistiques ?

Ensemble : Barbara a une connaissance encyclopédique des récits de SF : elle a lu TOUT ce qui a été écrit depuis les années 60 à aujourd’hui ! Sa référence est une narration plus introspective et intellectuelle ( S. Kubrick et P. Greenaway au cinéma, …P. Dick, D. Adams, Clarke, Lovercraft, Kafka, etc pour la littérature).

© Barbucci-Canepa/Crisse (hommage Crisse)

Moi j’ai eu une grande passion pour le cinéma américain, que je RENIE aujourd’hui. Mais c’est un bon entraînement pour les techniques de narrations grossières (il en reste quelques traces dans Sky Doll, et j’admets que ce sont les passages les plus amusants !) . Maintenant je recherche continuellement des histoires capables de m’étonner, bien qu’au cinéma cela soit toujours plus difficile. J’ai récemment découvert moi aussi Greenaway ! A propos de genre, j’aime beaucoup Emile Zola et ses personnages  » sanguins « .

Nous avons tous deux une espèce de rejet envers un certain cinéma américain. Nous apprécions ceux qui ont le courage de produire des films non conventionnels, et nous recherchons désespérément des histoires qui réussissent à nous surprendre !

Nous adorons tous deux l’architecture religieuse : Barbara plutôt la romane (n’oublions pas qu’elle est architecte), moi plutôt la baroque. Elle est capable de s’évanouir devant un chapiteau décoré ou un portail roman !

Pour finir, nous sommes tous deux passionnés par le design des années 60 (Panton…), l’art et le cinéma contemporain.

Sceneario.com : Parlez-nous de la genèse de vos principaux personnages ? De votre inspiration ?

Ensemble : D’abord il y avait Roy et Jahu, les voyageurs de l’espace. Au début, le projet avait un style plus cartoon. C’est pourquoi nous voulions utiliser des animaux anthropomorphes. Etant donné qu’il manquait un personnage féminin dans leur astronef, nous leur avons rajouté Noa.

A l’origine elle était un robot cuisinier-domestique, écervelé et timbré. Le style années 60 (combinaisons moulantes et cheveux crêpés) était présent dès le départ. Nous avons poursuivi ce projet quelques années, y travaillant pendant notre temps libre. Au fil du temps, nous nous sommes attachés de plus en plus à Noa.

Quand nous avons décidé d’intégrer le thème de la religion, toute l’histoire a été radicalement modifiée : Noa est devenue le personnage principal, Roy et Jahu sont devenus missionnaires, et Frida Decibel, ex pirate de l’espace, est désormais prédicatrice télévisuelle ( …au fond, elle n’a pas beaucoup changé !).

Sceneario.com : Quels personnages avez vous préféré réaliser ? Pourquoi ?

Barbara : Les deux papesses…Elles représentent bien les deux aspects de la féminité, la luxure pour l’une, et la virginité absolue pour l’autre. Et comme dans tout scénario de la vie qui se respecte, à la fin elles se révèleront toutes deux être l’opposé de ce qu’elles paraissaient.

Mon personnage préféré est Ludovique. Sensuelle, passionnelle, viciée et un peu naïve, elle reste prisonnière d’un mécanisme qui la dépasse. Mais c’est le personnage le plus vrai de la série. Je l’adore ! D’autre part, je me suis amusée à créer un nouveau personnage qui se nomme Cléopâtre, la fille de Frida Decibel. Une véritable tempête d’hormones et de folie.

Alessandro : Difficile de choisir ! Ils sont tous issus de la même passion. Dans chacun d’eux il y a un peu de mon caractère…, et de celui de Barbara . Un autre minestrone ! Cependant, en tête de liste il y a Noa, Roy et Ludovique.

Sceneario.com : Comment avez-vous choisi les thèmes principaux de  » SKY DOLL  » ? Quels sont ceux qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

Alessandro : Comme je disais précédemment, le thème originel était beaucoup plus léger, une aventure dans l’espace avec de drôles de personnages animaliers. Nous avons décidé d’insérer la religion parce que c’est un thème qui nous fascine tous deux, tant du point de vue artistique qu’humain et social. De plus, on était presque en l’an 2000, le Jubilée était à nos portes. En Italie on ne parlait que de ça ! Ca a été une réaction spontanée. Nous voulions donner notre avis en réponse à ce qui semblait être un délire collectif ! Nous avions probablement besoin de régurgiter tout ce que nous avions absorbé.

© Mc Productions/Barbucci-Canepa/Sky Doll

De la même manière, maintenant, l’histoire a évolué vers le terrorisme et la lutte entre les différentes religions.

Sceneario.com : Quelle part le dessin humoristique occupe t’il dans votre travail, je pense par exemple à « Heaven Dolls » ?

Alessandro : Le dessin humoristique occupe vraiment une part importante, parce que, moi en particulier, j’ai commencé à travailler dans le dessin humoristique. Cette approche commence à me manquer, c’est pourquoi est né « Haeven dolls ». Il y a bien un peu d’humour dans Sky Doll, mais ça se finit toujours de façon tragique. Du coup, côté dessin, je suis obligé de me contrôler tandis que dans Haeven dolls je peux me libérer au niveau de l’expression et du mouvement. Je retrouverai l’humour dans un de mes prochains projets. Barbara a toujours été passionnée par la BD humoristique, les strips comme Peanuts et autres. Elle vient elle aussi de ce type de BD.

Sceneario.com : Parlons un peu du 2B, ilnous offre aussi une fin alternative à la version couleur sortie en janvier 2006. Pourquoi ce choix ?

Alessandro : La fin du 2B est celle qui était théoriquement prévue. Nous l’avions prévue il y a longtemps, déjà en 1998 !

Puis, après l’avoir dessinée, nous nous sommes aperçus qu’entre-temps nous avions évolué, notre histoire aussi. Une fois qu’elle a été publiée en 2B, nous n’en étions plus très satisfaits. Je crois que l’histoire est meilleure au niveau du scénario, mais nous voulions aller dans une autre direction. A un certain moment, Noa arrive à un croisement et doit décider de la direction à suivre, à droite ou à gauche.

Notre histoire originelle allait à droite, et finalement nous avons décidé d’aller complètement à l’opposé. Cela nous ouvre plus de possibilités de scénarios pour les prochains albums.

Barbara : Par ailleurs, Alessandro avait déjà dessiné toute l’histoire quand nous avons décidé de modifier la fin, et en effet tout ce travail aurait été perdu ! Ce qui aurait été vraiment dommage, parce que personnellement je trouve ces planches d’Alessandro parmi les plus belles de Sky Doll. Savoir qu’elles ne se feraient jamais en couleurs nous a été très pénible. C’est l’éditeur qui a eu la bonne idée de réaliser un 2B ( une collection qui existait déjà depuis longtemps ) non pas avec la véritable version du tome 3 ( ce qui était déjà prévu dans notre contrat ), mais avec le tome 3 version fin alternative.

Aujourd’hui encore nous avons une folle envie de voir ces planches en couleurs, mais il y en a trop pour que je puisse les faire. Il y en a au moins une quinzaine, et avec mon rythme jurassique ( HA ! HA ! HA ! ), cela me prendrait trop de temps alors que nous voulons nous dédier au tome 4 !!! Peut-être un jour… Bon, on verra.

© Mc Productions-Barbucci/Canepa (Haeven's Dolls)

Sceneario.com : Pourquoi avoir choisi d’éditer  » SKY DOLL  » en France et non pas en l’Italie ?

Ensemble : Nous ne sommes ni sociologues ni experts en économie, mais ce qui nous a attiré en France, c’est le fait que la BD semble jouir d’une bonne reconnaissance, peut-être au même niveau que la littérature ou le cinéma.

En Italie nous avons toujours souffert de la marginalisation de la BD qui est encore considérée comme du divertissement pour gamins. Je dois pourtant admettre que ce climat en Italie te laisse ta liberté. Parfois l’intérêt excessif du public français semble plutôt inquiétant ! J’ai envie de dire aux gens :  » Du calme ! Au fond, ce n’est que de la BD ! « .

Sceneario.com : Comment expliquer la difficulté rencontrée pour trouver une maison d’édition qui veuille bien accueillir  » SKY DOLL  » ?

Barbara : Parce qu’il y a quatre ans, parler de graphisme à la Disney n’était pas chose facile pour les éditeurs français. Avant nous et Guarnido, il n’y avait pas d’artiste style Disney en circulation. Sur le marché, de la même veine que nous, il y avait Wendling et Pedrosa ( avec Ring Circus ). Mais les éditeurs avaient peur de la différence, ou plutôt de la différence par rapport au style classique de l’école franco-belge. Par contre il y avait de nombreux artistes d’influence manga ( comme Buchet, Herault, Frezzato ) . Mais l’école d’animation américaine n’était pas vraiment présente en BD.

Le style Disney, d’une certaine façon est gênant. Il rappelle les classiques films de Noël, qui sont associés à un public jeune. Une histoire comme celle de Sky Doll, dont le thème n’est pas vraiment enfantin, ne pouvait être reliée à un graphisme de film d’animation. Sans parler des couleurs acidulées et non réalistes que j’avais réalisées ! La combinaison de l’histoire avec nos dessins et couleurs n’était pas acceptée par les éditeurs. Le prétexte était que le public n’aurait pas compris le mélange et qu’une maison d’édition voulant acheter Sky Doll devait avoir le courage de lancer une nouvelle ligne éditoriale. Mais il fallait surtout croire que la série se serait vendue !!!

C’est ainsi que Delcourt nous a refusés deux fois en deux ans. Les autres maisons d’édition n’ont pas fait plus. Les seuls un peu courageux, mis à part Soleil bien sûr, ont été J.C. Camano de Glénat et Bharucha des éditions U.S.A. Mais tous deux avec des réserves pour l’histoire, qu’ils trouvaient trop adulte. Soleil, en réalité Mourad, nous voulait vraiment. Sa totale confiance nous a convaincus de signer avec lui. Il y croyait, tout de suite. Dans un certain sens il a eu du flair. Maintenant, le marché français est envahi par des artistes Disney…Je ne sais pas si c’est grâce à des séries telles que Blacksad ou la nôtre, ou si c’était tout simplement le destin de la BD française que de s’ouvrir un peu plus à encore un nouveau style, mais à présent cela nous fait plaisir. De plus, beaucoup sont des amis et collègues !!!

Sceneario.com : Que pensez-vous des festivals de bande dessinée ? Du contact avec vos fans ?

Ensemble : Nous aimons beaucoup le contact du public, mais cela devient de plus en plus difficile : les festivals français deviennent toujours plus chaotiques, et plus Sky Doll devient célèbre, plus nous perdons le contact avec nos lecteurs et les amis avec lesquels nous travaillons. Parfois, nous ne parvenons même pas à bavarder avec notre voisin de table ! Quel dommage. De plus, nous remarquons une révérence excessive envers nous, de la part d’un certain public… Eh là , souvenez-vous qu’il y a à peine quatre ans, nous faisions nous aussi des queues dans les festivals pour nos auteurs préférés. En fait, nous n’avons toujours pas cessé de le faire. Nous sommes des fans de BD. Chez nous, on dit que  » nous sommes tous dans le même bateau  » !

© Mc Productions-Centomo-Artibani-Barbucci/Canepa-Monster Allergy

Sceneario.com : Qu’est-ce qui vous a motivé pour  » Monster allergy  » ? C’est assez éloigné du registre de  » Sky Doll « .

Ensemble : Après avoir réussi à devenir des  » auteurs français « , nous voulions revenir à un projet  » commercial « , comme Witch. C’est un monde bien plus dynamique et stimulant. L’occasion nous a été offerte par notre amie Katja. Elle cherchait quelqu’un pour dessiner son histoire, développée par le scénariste Francesco Artibani (son mari). L’idée nous a plu tout de suite : les deux protagonistes ( Zick l’antisocial et Elena à la main leste ) , ce sont vraiment Barbara et moi enfants !

Monster Allergy marche bien, il a même évolué en dessin animé acheté dans le monde entier. Suite au gros succès auprès du public TV, la seconde série vient de démarrer ( même si en France la première saison ne sortira qu’en octobre 2006 sur M6 et un peu plus tôt sur Disney Channel ), ce qui laisse aussi bien présager pour le futur de la série en bandes dessinées. Bientôt, Monster Allergy sortira aux USA sur Cartoon Network ( c’est le premier dessin animé européen acheté par la Warner ! ). Nous avons déjà des contrats de merchandising importants , avec par exemple Warner Bros qui assure une bonne diffusion, ou encore avec Mattel pour des jouets.

En Italie comme dans les autres pays où elle est déjà diffusée à la TV, on trouve déjà la série Monster Allergy en album de figurines Panini, dans les boîtes de goûters Kinder Ferrero ( et même dans les célèbres oeufs en chocolat ), en livres de récits et pour finir on trouve déjà en vente les cartes Upper Deck. Tout cela arrivera ici bientôt, fin 2006 – début 2007.

Sceneario.com : Que pensez-vous du genre manga ? Je pense en particulier à  » WITCH  » ?

Ensemble : Ce qui est bien avec les auteurs de mangas, c’est qu’ils savent raconter une période de la vie que nous, occidentaux, tentons toujours d’occulter : l’adolescence. Je pense que cela explique l’énorme succès du manga auprès des adolescents…et des trentenaires nostalgiques ! C’est très difficile de travailler pour ce type de public, il n’y a pas de sondage ou de plan marketing qui vaille !

© Disney W.I.T.C.H. made in Japan

Witch a marché parce qu’il est né spontanément entre trois personnes qui y ont introduit des phases entières de leur propre adolescence, sans la  » réinterpréter  » sous un angle adulte, en allant à l’encontre des propositions d’un responsable marketing de service ! Witch est actuellement publié dans 75 pays, vendu à plus de 40 millions d’exemplaires, jusqu’au Japon où il a été retravaillé par des artistes japonais dans leur style en noir et blanc. Nous avons commencé à créer Witch en juin 1997, quand le mot  » manga  » était carrément interdit chez Disney. C’est hallucinant ! Alors qu’aujourd’hui, dans la société, c’est à l’ordre du jour … Un peu tard désormais, c’est maintenant du domaine public. Cependant, depuis qu’il est sorti au printemps 2001 en Italie, hors de notre contrôle après le deuxième numéro (cet éloignement est de notre fait,… mais c’est une longue histoire !) et de celui de la créatrice historique E. Gnone, le scénario a pris un virage très familial, un peu trop féminin et beaucoup moins introspectif. Pour un large public de filles de 9 à 11 ans. L’adolescence, la vraie et la plus adulte, est vraiment faussée par le Disney bien-pensant, dans les derniers épisodes. Un grand dommage, à notre avis. C’est qu’il était aussi né pour un public mixte, jusqu’à 15 ans. Disney a perdu cette tranche d’âge depuis au moins 10 ans. Il la veut à tout prix, mais ne réussit toujours pas à la récupérer ! Ce sont les garçons des jeux vidéo et des mangas, très éloignés du  » Bien  » à la Disney ! Witch aurait eu la force d’un shojo japonais, avec un style effectivement féminin, mais dont la plupart des lecteurs partout dans le monde et même ici en Europe, sont des garçons…

Regardez rien qu’en France ! Et sans rajouter de gadgets au magazine, ostensiblement féminins, qui font monter les ventes mais n’apportent rien en qualité à la BD. Sans vouloir passer pour de grands mythomanes, nous étions sûrs que Witch serait un succès. Et Disney n’en a jamais été convaincue. Au contraire ! Vous ne pouvez imaginer combien de portes nous ont été fermées. Nous nous sommes battus bien deux ans contre un système managérial qui n’en voulait pas. Ce n’est que grâce à l’audace de la directrice des magazines féminins de Disney de l’époque, E. Gnone, et l’ouverture d’esprit d’un des dirigeants américains que le magazine a pu paraître. De surcroît, ici en France, après une seule année de parution, il a provoqué le changement du nom du magazine qui le publiait :  » Minnie mag  » est devenu  » Witch mag  » ! Nous sommes très fiers de ce que nous avons fait avec cette BD, et c’est toujours grâce à Witch que nous avons décidé en 1998 de tenter une nouvelle expérience ensemble : Sky Doll. Et de temps en temps nous pensons aux 40 millions d’exemplaires !!! FRISSONS…

Sceneario.com : Quels bénéfices graphiques avez-vous retiré de votre expérience chez Disney ?

Ensemble : Disney est une excellente école pour devenir professionnel : on apprend à travailler beaucoup et vite, sans trop s’attacher à son travail. Graphiquement par contre, les effets sont souvent dévastateurs : on risque l’uniformisation à un style impersonnel, auquel on échappera difficilement.

Sceneario.com : Pourquoi avez-vous quitté Disney ?

Ensemble : Pour de nombreuses raisons : pour créer quelque chose à nous…et en avoir enfin le contrôle et les droits d’auteurs, pour ne plus avoir à participer à des réunions de marketing déprimantes, pour travailler dans un milieu où la qualité n’est pas en option, pour progresser professionnellement et artistiquement ! Et aussi en raison d’un procès contre Disney ( toujours en cours ) pour les droits de WITCH, depuis 2001. Suffisant comme motif ? >:)

© Mc Productions/Barbucci-Canepa/Sky Doll

Sceneario.com : Envisagez-vous de faire de l’animation avec  » SKY DOLL  » ?

Ensemble : Cela nous rend perplexes ! Nous aimerions bien, mais il devrait être fait à notre façon, sans déformer l’histoire, et d’une très grande qualité graphique…Une utopie. Nous préférons ne rien faire plutôt que quelque produit qui ne nous satisfasse pas pleinement. Et nous sommes très difficiles à satisfaire !!!

Sceneario.com : Quels auteurs vous inspirent le plus dans vos réalisations ?

Barbara : Dans mon cas, je citerai des dessinateurs-illustrateurs, car mon domaine est plutôt la couleur. Mes maîtres en couleur sont les japonais, même si mon véritable guide stylistique ( eh oui ! ) reste et restera toujours le grand Mordillo.

Au Japon il y a de vrais génies, et parmi la nouvelle génération, certains sont impressionnants.Par exemple Okama, M. Inomata, Terada, Dholbachie, K.Morimoto,J.Mizuno, Erimo… Depuis la Chine et la Corée, arrivent de véritables talents comme Benjamin, J.Wong e K.Hyung-tae…A ne pas perdre de vue !! Mais l’underground américain est aussi incroyable. Matt Groening par-dessus tout ! Depuis quelques années , je suis une vraie fan d’artistes comme M. Ryden, D. Cooper, J. Otto Seibold, W. Joice.J.Jean, E.McGrath. J’aimerais tant avoir les moyens de m’offrir leurs tableaux, snif !!!

Bien sûr, dans la BD française il y a aussi de grands maîtres ( et eux pas seulement pour les couleurs !), comme De Crécy, Moebius, J.M. Rochette, Mourier (quand il utilisait les couleurs traditionnelles !), C.Wendling,et dans la nouvelle génération : Bengal e P.M.Chan , deux gros talents de coloristes. J’admire le travail et les histoires de Boulet, Tebo, J.Neel, Gobi, et Reno ( ce dernier est un véritable monstre de la mise en couleurs. Je m’incline devant son talent !). Il y en a beaucoup, et je ne voudrais vexer personne, en prolongeant la liste… Pour finir, j’aime beaucoup le style noir-gothique d’un Edward Gorey. Les dernières lectures qui m’ont marquée sont « Miss pas touche » de Hubert & Kerascoet, et « Lupus » de F. Peeters. Magnifiques !

Alessandro : En dessin, j’aime beaucoup les auteurs très éloignés de ma façon de faire : Daniel Clowes, Jim Woodring, Dave Cooper, Bill Watterson, et plein d’auteurs japonais : Y. Kishiro, Toriyama, Yukimure, Sadamoto, et la géniale Ai Yazawa…mais je ne peux pas dire qu’ils influencent mon travail.

Sceneario.com : Y a t’il des auteurs avec lesquels vous aimeriez travailler ?

Barbara : Je ne réponds que pour la BD française : j’apprécie C. Wendling, talentueuse et proche de moi artistiquement. Pour moi, travailler avec elle serait un rêve… J’aime son monde introspectif féminin, très voisin du mien, et de plus son dessin est vraiment génial. Elle est aussi très douée pour la couleur, ce qui rendrait la chose magnifique, parce que je n’aurais plus rien à faire ! Eh ! Eh ! …Je plaisante !!!

© Barbucci/Canepa (affiche du festival de Lucca)

J’adore Sfar ( mais pas trop ses dernières oeuvres…) Larcenet, Mazan et Trondheim. Je les apprécie en tant qu’auteurs complets, et donc je n’aimerais pas les voir travailler avec quelqu’un, encore moins avec moi. Ces auteurs sont tellement différents de nous, mais tellement incroyables. En fait, tant Alessandro que moi ferons une pause en tant que Barbucci & Canepa ( sauf pour Sky Doll bien sûr, que nous continuerons encore pendant de nombreuses années ! ), et tous deux nous avons déjà en projet d’autres collaborations. Moi par exemple, avec une artiste italienne, Anna Merli, pour un nouveau projet gothique « END » ( prévu chez Soleil en 2007 ), et une « graphic novel » internationale avec un américain vraiment très talentueux, encore top secret.

Alessandro : Eh bien moi je vexerai tout le monde en répondant PERSONNE ! En fait, maintenant j’aimerais avoir le temps de créer quelque chose tout seul, pour voir…

Ensemble : En ce moment, nous sommes en train de finaliser les scénarios et dessins d’un collectif qui s’intitulera  » Sky Doll Space Ship Compilation « . Déjà dans ce tome 1, il y aura des artistes internationaux du calibre d’Ashley Wood, mais aussi Riff, P.M. Chan, P. Ferry et deux nouveaux talents italiens encore inconnus : Claudio Acciari ( ex animateur de Dreamworks ) et Matteo De Longis. La deuxième compilation sera entièrement de couleur américaine avec H. Ramos, C. Meglia et F. Herrera que vous n’aurez jamais vu ! Elle s’intitulera  » Lacrima Cristi Compilation « , et nous espérons faire un tome trois totalement couleur soleil-levant !

Sceneario.com : Vous avez sorti un coffret incluant l’hommage de Claire Wendling à la série. Comment est née cette idée, elle est de Claire ou de vous ?

Alessandro : Au début, très timidement, nous avions demandé à Claire de nous faire un seul dessin. Convaincus qu’elle ne le ferait jamais, nous avons demandé quand même. Quelques jours plus tard, on en a reçus 7 ! Elle était très enthousiaste, et notre requête arrivait au bon moment pour elle, elle avait besoin de se distraire. Elle s’est beaucoup retrouvée dans les personnages et le dessin de Sky Doll. C’est un monde qui l’a beaucoup inspirée pour ses recherches de design, de mode, etc… Elle s’y est plongée, et à temps perdu, pour le plaisir, elle a réalisé cette série de dessins. Nous avons été incapables d’en choisir un pour le publier, alors nous lui avons proposé de les rassembler tous et de profiter du coffret que nous étions en train de préparer pour les y inclure.

Nous cherchons maintenant à publier tous les dessins dans une autre édition, de façon à ce que le public qui n’a pas le coffret puisse les voir aussi. Il est dommage de s’en tenir au tirage limité du coffret, et nous aimerions que son travail soit vu par un maximum de personnes. Mais nous devons voir ça avec Claire…

© Mc Productions/Canepa-Merli/END (END, Tome 1)

Sceneario.com : Se pourrait-il que cela vous amène à d’autres collaborations avec Claire ?

Ensemble : Oh mais nous en serions ravis ! J’aimerais lui faire dessiner tout Sky Doll dès demain ! Mais elle nous a déjà donné beaucoup jusqu’à ce jour, et puis il est juste qu’elle suive ses propres projets ! J’espère toutefois que l’occasion se présentera. Nous avons déjà une autre idée dont nous lui avons parlé et qui semble lui plaire. Ce n’est pas Sky Doll, c’est un autre type de collaboration. Nous aimerions pouvoir publier un livre d’illustrations, totalement de son choix. Mais c’est encore flou et bien trop tôt pour en parler… Nous avons un excellent feeling avec elle, une belle amitié. C’est quelqu’un de formidable. Nous aimerions donc que cela se concrétise par quelque chose, afin de communiquer ce feeling au public. On ne sait pas si ça se fera, mais l’envie est là !

Sceneario.com : Il y a un jeune auteur, Matteo De Longis avec lequel vous allez collaborer. Comment avez-vous découvert son travail ?

Barbara : J’ai découvert Matteo grâce à un ami scénariste italien, Giovanni Gualdoni. Il a fait un livre très intéressant d’hommages au monde de  » Wondercity « , sa série ( toujours chez Soleil ), et parmi eux, il y en avait un vraiment hors du commun, celui de Matteo . On a pris contact via mail, et tout a été parfait étant donné que Matteo faisait partie de nos fans. Nous sommes ensuite devenus amis, on s’est fréquentés, on est allés manger des sushis. Le reste est là : Matteo réalise une histoire pour le collectif, et le design du livre. Il a fait de nombreux hommages que vous pouvez même admirer dans certaines éditions de luxe éditées en France, et il fera partie intégrante de beaucoup d’autres travaux communs. Un véritable nouveau talent sur le point d’arriver en France.

Sceneario.com : Qu’est-ce qui vous a enthousiasmé dans son style ?

Barbara : Un mélange génial de touche européenne avec un graphisme japonais. En cela c’est un grand, au même titre que le sont en France un Bengal, un Parel ou un Nemiri. Notre culture ne s’appauvrit pas avec un graphisme extérieur, mais elle s’en enrichit ! Et ça, peu de gens savent le faire… Alessandro et moi, oui !

Sceneario.com : Vous avez collaboré avec votre ami Mauro Gandini pour la réalisation de la sculpture de Noa. Une expérience sans doute pleine d’émotion ?

Alessandro : En effet, Mauro Gandini est un ami de longue date. Nous l’avons rencontré il y a des années à Milan, quand il travaillait sur d’autres produits plus commerciaux, en tant que sculpteur et illustrateur. Dès les débuts de Sky Doll nous avons senti la possibilité de réaliser des statuettes pour le marché français. C’est avec lui que nous avons voulu les faire, et pas avec un autre. Comme toujours, nous sommes arrivés avec nos idées, nos personnages, tout était déjà prêt. Avec Mauro, nous avons évolué ensemble toutes ces dernières années. De la première à la dernière statuette, il y a eu une évolution de style de notre part, mais aussi de la sienne. Les Editions du Café ont débuté avec la statuette de Noa, et ils ont aussi en quelque sorte évolué avec nous. Entre la Noa et l’Agape qui est sortie il y a peu, il y a eu évolution dans les matériaux, la production et la couleur, jusqu’à la qualité de l’emboîtage !

© Mc Productions/Barbucci-Canepa/Sky Doll

Ca a donc été plus difficile de travailler avec eux, par rapport par exemple à un Attakus qui a l’expérience et le staff. Il a fallu beaucoup plus de travail avec Mauro et les Editions du Café pour corriger les erreurs, mais à la fin le résultat est là, ça en valait vraiment la peine.

Barbara : Mauro est un vrai auteur. Non seulement un sculpteur extrêmement talentueux. C’est justement pour cela que nous avons l’intention de créer un nouveau projet, toujours pour des statuettes, mais plus internationales… Nous élaborons une grande idée que vous verrez en 2008 ( en collaboration avec Soleil ), et qui changera vraiment l’image de l’objet de collection comme on le connaît ici… Vous verrez ! Vous verrez !

Sceneario.com : Il s’est écoulé pas mal de temps entre la parution du tome 2 et celle du tome 3 dont la sortie a été repoussée à plusieurs reprises, que s’est il passé ?

Alessandro : Il s’est écoulé du temps, mais pas tant que ça ! 4 ans ! Bon, d’accord, c’est pas mal ! ( rires ). Il s’est passé beaucoup de choses dans ces 4 ans ! Des choses personnelles, comme des déménagements. Nous sommes venus nous installer en France, d’abord Barbara, moi ensuite. Puis il y a eu Monster Allergy. Il a fallu lancer la série, la superviser jusqu’à aujourd’hui, ce qui représente 30 albums ( qui sont déjà tous sortis en Italie ), choisir et contrôler les dessinateurs. On a mis en place la série en dessins animés, en collaborant avec la production, ce qui nous a pris beaucoup de temps. Mais le dessin animé est maintenant sorti. Il y a eu d’autres projets, dont un de Barbara en tant que scénariste, et d’autres à moi. Il y a aussi eu le procès contre Disney ( au sujet de WITCH ) qui nous a pris des mois de travail et de stress, pour s’organiser, rassembler le matériel, trouver les preuves, parler aux avocats, les voyages à Milan et Rome pour voir ces avocats. Et enfin n’oublions pas Sky Doll tome 0 en 2003 ! Voilà donc pas mal de choses qui ont fait que le temps ait pu passer entre les deux tomes de Sky Doll…

Sceneario.com : Le design du tome 4 est parait-il pas mal avancé ?

Alessandro : Nous avons avancé dans le synopsis, nous savons ce qui se passera dans le tome 4, même si c’est encore chaotique. Nous avons commencé les recherches de design, et nous attaquerons le scénario après l’été. Du coup, même si nous avons beaucoup de projets, le tome 4 devrait sortir plus rapidement que le 3, probablement dans les deux ans. Du moins on va essayer…

Barbara : Nous reprendrons très vite Sky Doll 4, mais en 2007 on verra des nouveautés, avec par exemple la sortie de « END » ( avec Anna Merli ) et le second collectif de Sky Doll ainsi que des projets plus personnels d’ Alessandro. En 2007, nous ferons donc le scénario et les lay-out de Sky Doll 4. Mais je ne commencerai pas les mises en couleurs des planches avant la sortie de END. Je suis très optimiste étant donné que je reviens à la technique traditionnelle ( et bien oui ! ), deux fois plus rapide, et que je crois qu’il est impossible que le destin nous réserve les mêmes choses que celles vécues entre 2004 et 2005. Ce ne serait vraiment pas de chance… Je suis fataliste, les choses se répètent rarement ! Donc le tome 4 aura un délai de réalisation plus que normal.

© Mc Productions/Barbucci-Canepa/Sky Doll

Sceneario.com : Il y aura un ensemble de 6 tomes c’est bien cela ? Et d’autres par la suite ?

Alessandro : Oui probablement. Je crois qu’on aura du mal à dire tout ce qu’on voulait en 6 volumes. Déjà que tout ce qui était prévu dans les trois premiers n’y est pas rentré, et on va devoir en mettre un peu dans le 4 et dans le 5 ! Donc, dans la mesure où le public voudrait continuer à suivre la série, et si nous avons envie de la poursuivre, je pense qu’il faudra au moins 7 ou 8 volumes. D’autant plus que le thème des religions étant tellement vaste, on pourra encore travailler longtemps !

Sceneario.com : Que pouvez-vous nous dévoiler sur les prochains albums  » SKY DOLL  » ?

Ensemble : Le tome 3 clôture la première partie du récit : l’histoire des deux papesses, le mystère d’Agape et la relation entre Noa et le Génie des Miracles. Ensuite, le récit prendra une nouvelle direction, avec un nouveau cycle dont nous n’avons pas encore décidé la fin. Dans le tome 3, on voit déjà apparaître de nouveaux personnages, que l’on retrouvera dans les volumes suivants, comme Cléopâtre la fille de Frida, rebelle et instable hormonalement, et son chaperon, dernière survivante de la race Acquarienne. Nous poursuivrons en conservant le thème des religions, nous aimerions pouvoir les explorer toutes. Il y a encore de quoi faire ! Dans le tome 4, nous aborderons l’hindouisme, et peut-être le boudhisme dans le tome 5. Ensuite, si ça va, nous évoquerons les religions musulmane et juive. Mais ce ne sera fait qu’après avoir bien étudié la chose, de façon documentée et non agressive, mais sans langue de bois.

Sceneario.com : Vous allez très loin dans l’étude de vos personnages, des ambiances, des mises en situations … des investigations en scientologie pour le tome 2, les médias pour le tome 3. Vers quel domaine se porteront les investigations pour le tome 4 ?

Alessandro : Le tome 4 abordera l’hindouisme. Nous avons déjà beaucoup de matériel récupéré sur place lors d’un voyage en Indonésie. J’aimerais si possible faire cohabiter dans ce même album le thème des miracles. Ceci du point de vue psychologique, anthropologique, que ce soit par le mécanisme qui mène les gens à croire aux miracles, à créer les miracles, le besoin humain de créer ce type de fantaisie, comment cet élément fantastique peut entrer dans la vie quotidienne pour des gens qui ont besoin de croire aux miracles, de rêver que cela puisse exister. Bien que je croie que le miracle ne soit pas très présent dans l’hindouisme… On va étudier tout ça…

Sceneario.com : Y-a t’il d’autres choses que vous aimeriez réaliser ?

Barbara : Oh oui ! Un livre ! Un vrai. Un roman noir. J’y travaille et ce sera un gros effort que de le réaliser. Mais j’aime les défis, j’aime me remettre en cause et voir ce dont je suis réellement capable… On verra. C’est un projet à long terme, je ne me mets pas d’échéance pour le moment. En fait nous avons tous les deux de nombreux projets ( communs ou non ) à réaliser avant, et je crois que si je ferai ce livre, il verra la lumière pour ma ménopause ! Ha ! Ha ! Ha !

Alessandro : Je ne saurais que dire ! Il y en a trop !! Pour l’instant je veux suivre mes  » créatures « . Il y a encore beaucoup à dire et à faire avec Sky Doll .

Sceneario.com : Des projets dans les cartons ?

Barbara : Mise à part la suite de Sky Doll qui restera quoi qu’il en soit mon occupation principale, j’ai en chantier depuis déjà une bonne année, ma nouvelle série END. Cette nouvelle BD est entièrement faite avec ma co-auteur Anna Merli, ex artiste Disney au talent vraiment grand. END est une série fantastique-gothique, avec un esprit à la Isabelle Allende et de la littérature anglaise de fin des années 800. Elle comportera au moins 4 volumes, et un peu à l’image de Sky Doll, elle est vraiment réalisée par deux auteurs, qui plus est dans notre cas par deux femmes, ce qui est chose rare en BD.

Livres

Interview d’Alessandro Barbucci et Barbara Canepa

Auteurs, séries ou albums liés.

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