Interview

Interview d’Anne Rouvin à l’occasion de la sortie d’ Akademy tome 3.

 

Sceneario.com : Bonjour Anne. Peux-tu présenter pour les internautes ton parcours avant Akademy 1 ?

Anne Rouvin :  Une Maîtrise d’Histoire de l’Art, un DESS de marketing au CELSA, ensuite j’ai bossé comme attachée de presse et directrice de la communication jusqu’à il y’a quatre ans où j’ai plaqué carrière et salaire confortable pour faire de la BD ! Je suis autodidacte mais je suis retournée pendant un an sur les bancs de l’école, à Emile Cohl à Lyon pour approfondir quelques bases.
Avant de travailler sur Akademy, je faisais principalement de l’illustration pour le jeu de rôle, une très bonne école pour se roder ! Par contre, je dessinais plutôt des monstres, des gros barbares et des dragons, du médiéval fantastique en général, bref : des univers très éloignés de ce que je fais sur Akademy. Dessiner du contemporain réaliste a été du coup un sacré challenge pour moi. Après Akademy, je pense d’ailleurs renouer avec un univers médiéval ou fantastique pour retrouver un dessin qui m’est plus familier, et voir ce que je peux en faire en BD.

Sceneario.com : Akademy est une série, je dirais, d’action, un mélange de série avec de héros « teenagers » et de feuilleton avec suspense et rebondissements plus un cliffhanger à la dernière case. D’ailleurs, dans ce tome 3, on annonce la fin de la saison 1 au tome 4. C’est vraiment pensé comme une série TV. Etait-ce dès le départ la volonté du scénariste, Julien Blondel ?

Anne Rouvin :
C’est le concept de la collection Impact tel que l’a imaginée David Chauvel : faire de la série TV en BD, avec des groupes de personnages, une ambiance très réaliste, des missions courtes, de l’action, une histoire en fil rouge, et des héros auxquels on s’attache au fil des aventures. Faire du « feuilleton » en BD et jouer sur une sortie rapide – quatre tomes en un an ! – afin que les lecteurs retrouvent très rapidement la suite de leur histoire. Au lancement de la série, Delcourt nous laissait libres de partir sur 5 ou 6 tomes, mais on a préféré se concentrer sur 4 pour boucler une histoire et arriver très vite à la fin de la première saison.

Sceneario.com : D’ailleurs, comment est venue cette collaboration avec ton scénariste ? Comment vous êtes vous retrouvés dans la collection Impact que dirige David Chauvel, le scénariste d’Arthur ou de Mafia Story ?

Anne Rouvin :
David Chauvel cherchait de nouveaux projets pour lancer son label, et je crois que c’est Thierry Joor qui lui a dit tout le mal qu’il pensait de Julien, qui venait de signer Les Orphelins de la Tour avec lui chez Delcourt. David lui a écrit pour lui présenter le concept de la collection et lui a proposé de signer une série. Julien m’a ensuite demandé si je me sentais partante pour une série contemporaine réaliste, un mélange entre Nikita et Alias, et tout est allé très vite. J’ai réalisé 5 planches de tests qui ont été validées et on a signé le projet dans la foulée.

Sceneario.com : Comment travaillez-vous, le scénariste, le coloriste et toi ? As-tu ton mot à dire sur le scénario ? Te permet-tu de changer quelque chose qui ne te plairait pas par exemple ? Connais-tu d’avance le scénario ? La fin de cette saison par exemple ?

Anne Rouvin :
Julien amène la trame et on discute ensemble du contenu des scènes, chacun lance des idées, on rebondit dessus : ça permet de tester, d’échanger, de voir ce qui fonctionne, c’est vraiment très ouvert comme façon de travailler. Pour certaines scènes d’un tome, il va me demander quel décor, quelle ambiance j’ai envie de dessiner. C’est comme ça que les personnages se retrouvent dans une vieille usine à la fin du tome 2, parce que j’adore les friches industrielles et que j’avais envie de dessiner des gros tuyaux ! On a aussi beaucoup discuté de la trame générale de l’histoire, qui est assez complexe, et on a pris le temps de tout caler pour vérifier qu’on allait bien répondre à toutes les questions qui se posaient jusque là. C’était vraiment utile de rebondir à deux à ce moment sur l’histoire. Kepon, le coloriste, lit aussi le séquencier de chaque tome et nous dit ce qui lui plaît, ce qui fonctionne… Un vrai travail d’équipe !
Et oui, je connais la fin de la saison, mais motus ! Tant que les pages ne sont pas faites au découpage, tout est encore possible : jusqu’au dernier moment, on peut encore choisir d’aller à droite plutôt qu’à gauche, et même de faire mourir un personnage plutôt qu’un autre en fonction d’une nouvelle idée qui s’impose. Mais je pense que la fin qu’on tient là est super, elle devrait assez peu bouger maintenant.

Sceneario.com : Le lecteur suit plusieurs personnages, des jeunes et des moins jeunes. Certains nous sont antipathiques, d’autres on s’y attache. Pour toi qui les dessines, as-tu des préférences ?

Anne Rouvin :
Le plaisir sur cette série vient vraiment pour moi de cette galerie de persos. Les scènes que je préfère sont celles du quotidien, entre deux scènes d’action, où on les voit discuter entre eux, faire une blague : toutes ces petites scènes a priori « inutiles » à l’action principale, mais qui permettent de s’attacher à eux et de mieux les connaître. C’est vraiment amusant à imaginer avec le scénariste, et à dessiner ensuite. 
Mon personnage préféré est sans doute Key, la punkette rigolote. Elle est en décalage dans une équipe de gros bras ou de tueurs patentés, et elle reste elle-même. Avec Pyro, elle forme un couple d’ados un peu décalé et attachant. Ca permet de mettre du second degré dans l’histoire, de rappeler que se sont des jeunes recrutés de force, qui se demandent ce qu’ils font là, pas des commandos professionnels.

Sceneario.com : Akademy est une série d’action. Quelles ont été tes influences pour ces albums ?

Anne Rouvin :
Principalement les séries télé américaines. On essaie de trouver une ambiance dans les cadrages, le découpage, qui rappelle l’ambiance des séries télés. Des films comme La Mort dans la Peau ou Ronin, avec une mise en scène ultra réaliste et des cadrages à couper le souffle, sont des sources d’inspiration permanentes.

Sceneario.com : Vous vous permettez quelques clins d’œils dans ce tome 3. On y voit, entre autres, l’affiche des Orphelins de la tour. Qui est à l’origine de cela ?

Anne Rouvin :
Oui, bien vu ! Page 14, on voit l’affiche des Orphelins de la Tour et aussi de Nova, façon affiches de ciné dans le métro. Jaouen et Thomas Allart, les dessinateurs, sont des copains. Je vois souvent passer leurs planches, on avance en parallèle sur nos albums respectifs, et de plus j’adore leur travail, donc j’avais envie de leur faire un petit clin d’œil, et c’est Kepon qui s’est chargé de les incruster dans la page à la couleur. Le tome 3 est aussi bourré de cameo part, on y croise des copains qui travaillent chez Delcourt : Luca Erbetta, le dessinateur de Watch, et Luca Blengino, le dessinateur de Flamingo, qui sont devenus d’affreux mafieux italiens. Le mafioso en chef est incarné par Christian Lerolle, fabuleux coloriste de l’atelier 510, et on retrouve aussi David Chauvel, Benoît Cousin, Thierry Mornet, Michel Dufranne et Stéphane Louis au détour d’une case…

Sceneario.com : La seconde saison est elle déjà écrite ? 

Anne Rouvin : Pas pour l’instant, même si on a déjà des idées très précises. On aimerait retrouver certains des personnages quelques années plus tard, voir ce que chacun est devenu, prendre certains héros à contre-pied… Il y’a pas mal d’idées qui traînent, tout dépendra des ventes de la première saison et de l’accueil des lecteurs !

Sceneario.com : Anne, quelles ont été tes influences graphiques

Anne Rouvin : Les auteurs vers lesquels je reviens toujours sont dans la même veine graphique, un dessin anatomique très précis, des gens comme Claire Wedling, Benoit Springer sur Les Terres d’Ombre et Volunteer, Mathieu Lauffray… Avec un trait plus comics, Clément Sauvé (Black Bank, Soleil) et Stuart Immonen (Superman Secret Identity chez DC Comics) que j’ai découvert il y a peu, mais qui sont devenus des références pour moi. Philippe Buchet pour l’inventivité des designs et l’expressivité de Nävis, Alex Maleev sur Daredevil, à la fois pour le dessin et la mise en scène… Mais l’auteur qui me parle le plus est sans doute Paul Pope, dont le Heavy Liquid a récemment été traduit chez Dargaud. La liberté et l’expressivité de son encrage sont un modèle !

Sceneario.com : Quel a été ton dernier coup de coeur pour une bande dessinée ?

Anne Rouvin :
La X1ème plaie, dans la collection Terres Secrètes chez Soleil ! Gros coup de cœur, il ne quitte plus mon bureau. Il y a aussi Hypertext avec Adrien Villesange au dessin, le Hel de Anne Renaud, et juste avant, coup de cœur pour Carthago de l’éminent Eric Henninot, un album somptueux !

Sceneario.com : Pour un livre ?

Anne Rouvin :
Hamlet, mon livre de chevet que j’ai relu encore récemment et dont je rêve de faire une adaptation en BD !

Sceneario.com : Un film ?

Anne Rouvin :
La trilogie Pusher. Pas eu de coup de coeur aussi fort depuis.

Sceneario.com : Une musique ?

Anne Rouvin :
10 000 days de Tool sur l’album du même nom.

Sceneario.com : Anne, merci pour ce temps passé avec nous.

Anne Rouvin :
Merci à vous !

 

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