Interview
Interview de Fabrice Lebeault pour la sortie du tome 6 d’Horologiom
Sceneario.com : Tout d’abord Fabrice Lebeault, bonjour et bienvenu sur Sceneario.com où nous sommes ravis de vous accueillir pour cette première fois.
A la fin du 20ème siècle, vous vous êtes fait donc connaître par la série Horologiom dont vous avez signé non seulement le dessin, mais aussi le scénario : Comment le scénario d’Horologiom est il né dans votre esprit ? Etait-ce une œuvre engagée, une envie de dénoncer le monde ou la société dans laquelle nous vivions à l’époque ?
Fabrice Lebeault : A l’époque j’étais jeune et ma seule ambition était de publier un album quelqu’il soit. Il se trouvait que les univers "Orwelliens" m’attiraient et que l’oeuvre de Moebius me fascinnait. J’ai construit Horologiom dans cette filiation, sans me poser trop de questions existentielles ou politiques.
Sceneario.com : En plus de 10 ans, le monde a t-il changé ? Quelles évolutions (favorables ou défavorables) notez-vous ?
Fabrice Lebeault : Le monde a changé depuis, c’est certain. Sans doute la situation a-t-elle empirée. J’ai le sentiment, à vrai dire, et pour ce qui est de mon pays, de ne plus vivre réellement dans une démocratie. Le pouvoir décisionnaire appartient de plus en plus aux hauts fonctionnaires, non élus, de la Machine européenne et je m’aperçois que chacun d’entre nous est à la limite de l’abrutissement total par les medias-relais du "toujours plus" de la consommation. Sans parler de notre apauvrissement culturel. Mais s’il n’y avait que l’abrutissement! Il y a aussi l’apauvrissement de la majorité par la nébuleuse financière spéculative et l’oligarchie politico-médiatique. Il y a aussi le conditionnement des pensées par le politiquement correct et sa "novlangue". Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Sceneario.com : Pourquoi avoir choisi cette façon pour le moins originale (Décors et architecture très géométriques) plutôt qu’une autre afin d’illustrer cet univers si particulier ?
Fabrice Lebeault : Je voulais créer un monde ludique pour installer une espèce de paradoxe. Une dictature dans un monde de jouets!
Sceneario.com : Passons dès à présent à votre actualité puisqu’après 11 ans d’attente, le tome 6 d’Horologiom intitulé « Le ministère de la peur » arrive sur les étagères des librairies. Une question nous vient de prime abord : Qu’est-ce qui peut bien décider un auteur à sortir un nouvel album de cette série après un laps de temps aussi long ? Est-ce difficile de se réapproprier cet univers ?
Fabrice Lebeault : L’idée du ministère de la peur n’est pas neuve. Je la traînais dans mes cartons depuis longtemps. Mais j’avais abandonné le projet car je voulais en finir définitivement avec Horologiom. Mais les échecs commerciaux qui suivirent et la lassitude qui en était conséquente me poussèrent à réenvisager cette renaissance de la série. Je pensais retrouver du plaisir en renouant avec un univers qui avait son public et qui était déjà bien en place. C’est plus ou moins ce qui s’est passé. Le fait de dessiner cet album m’a rajeuni et réconcilié avec la bd.
Sceneario.com : Même si on le devine aisément, grâce notamment à la réédition du premier cycle, comment l’idée de cette reprise a t-elle été accueillie par les Editions Delcourt ?
Fabrice Lebeault : Quand j’ai présenté le projet chez Delcourt, j’étais dans mes petits souliers. Je ne croyais pas que ça les interesserait. Mais il se trouve que je tombais à pic puisque la politique actuelle des éditeurs est de relancer leurs vieilles séries emblèmatiques et identitaires.
Sceneario.com : « Le ministère de la peur » est un focus sur un service très spécial de la cité : Le service des violences privées. Il peut donc y avoir des crimes malgré les clés implantées, qui pour rappel, sont censées réguler les émotions humaines ? L’humanité serait-elle plus forte que tout ?
Fabrice Lebeault : Oui, l’humanité est la plus forte dans ce qu’elle a de pire ou de meilleur. Mais la dictature de la pensée, la privation de libertés n’est-ce pas déjà l’expression d’une certaine humanité négative? Dans le cas de cet album, l’humanité n’est pas très reluisante. Mais le crime, la sournoiserie et la méchanceté sont des bons moteurs pour un scénario.
Sceneario.com : Dans ce tome, le ton paraît beaucoup plus décalé que dans le premier cycle, au point que l’humour occupe une place prépondérante tout au long de l’album. Pourquoi avoir choisi cet angle qui démontre vite toute son efficacité au fil de la lecture ?
Fabrice Lebeault : Là, on rejoint la question précédente. L’humour fait partie de la nature humaine. Et même dans un monde dur et difficile, je crois qu’il y aura toujours quelqu’un pour rigoler à la vue d’un quidam qui se prend une porte vitrée ou qui glisse sur une crotte de chien.
Sceneario.com : Ce 6ème tome est sorti le 21 septembre 2011 : Avez-vous déjà quelques retours des lecteurs ou des libraires concernant l’accueil réservé à cette bande dessinée par l’intermédiaire des séances de dédicaces? Y prêtez-vous une attention particulière?
Fabrice Lebeault : Oui, j’ai de bons retours. Je crois que ceux qui ont apprécié le premier cycle sont contents de retrouver cet univers. Je suis bien entendu attentif aux critiques et j’ai beaucoup de plaisir à lire ou entendre du bien de mon travail. Mais je crois qu’il faut quand même prendre un peu de recul. Les avis trop élogieux me mettent mal à l’aise car je ne crois pas les mériter et ceux qui me descendent en quelques mots lapidaires me paraissent injustes par rapport à la somme du travail que j’ai fourni. Mais certaines réactions me touchent énormément, notamment celles de lecteurs qui ont un rapport affectif avec mes personnages.
Sceneario.com : Ce tome 6 préfigure t-il d’autres « One shot » sur l’univers d’Horologiom ou même, pourquoi pas, ce fameux second cycle que vous évoquiez en 2002 et qui n’a malheureusement pas vu le jour ?
Fabrice Lebeault : Les tensions liées à mon départ chez Dupuis il y a quelques années n’ont plus lieu d’être. Les éditions Delcourt ont changé. Nous ne sommes plus, comme à cette époque, dans une espèce de petite famille et je n’ai pas le sentiment d’être une sorte de fils prodigue qui reviendrait dans le giron de son père. En grossissant l’entreprise Delcourt à entraînné une désincarnation de son fondateur Guy Delcourt. Ce n’est plus un homme, c’est un label ! Et les liens que l’homme avait avec ses auteurs se sont normalement distendus même si je sais que Guy reste un amoureux de la bd.
Sceneario.com : Vous avez évoqué dans le passé des tensions avec Guy Delcourt lorsque vous avez signé « Le croquemitaine » paru chez Dupuis, à l’instar de Denis Bajram lorsque ce dernier a décidé de signer chez Soleil. A ce jour, les désaccords du passé sont enterrinés : Comment définiriez-vous le rapport très protecteur, presque exclusif que Guy Delcourt semble avoir avec ses auteurs ?
Fabrice Lebeault : Les tensions liées à mon départ chez Dupuis il y a quelques années n’ont plus lieu d’être. Les éditions Delcourt ont changé. Nous ne sommes plus, comme à cette époque, dans une espèce de petite famille et je n’ai pas le sentiment d’être une sorte de fils prodigue qui reviendrait dans le giron de son père. En grossissant l’entreprise Delcourt à entraînné une désincarnation de son fondateur Guy Delcourt. Ce n’est plus un homme, c’est un label ! Et les liens que l’homme avait avec ses auteurs se sont normalement distendus même si je sais que Guy reste un amoureux de la bd.
Sceneario.com : Fabrice Lebeault, que peut-on vous souhaiter pour votre futur proche ?
Fabrice Lebeault : J’aimerais être riche, garder une bonne santé et avoir un succès fou avec les femmes jeunes et belles.
Sceneario.com : Fabrice Lebeault, merci de nous avoir consacré de votre temps pour la sortie du 6ème tome d’Horologiom aux Editions Delcourt, disponible depuis le 21 septembre dans toutes les bonnes librairies !
Publicité