Interview
Interview de Jerry Frissen à l’occasion de la sortie de Lucha Libre N°9
Interview réalisée en novembre 2008 par Arneau.
Pouvez-nous raconter l’origine de Lucha Libre ?
Jerry Frissen : Il y a plus ou moins cinq ans, je travaillais aux HUMANOS à Los Angeles comme graphic designer. Je m’occupais de METAL HURLANT et j’ai vu passer trois pages de Bill. Je suis tombé sur le cul parce que le dessin était fantastique et que le personnage principal était un catcheur.
J’ai vu comme un signe que quelqu’un d’autre que moi soit intéressé par le catch mexicain dans le monde de la BD et j’ai proposé à Bill de faire une histoire courte pour METAL. On a fait les douze premières pages des LUCHADORES FIVE, et comme on s’est bien entendu, on a décidé de continuer. Bill m’a présenté Gobi et Fabien et on a décidé de faire des séries parallèles et de créer ainsi un univers plutôt qu’une « simple » série. C’est devenu LUCHA LIBRE.
Lucha libre est un joyeux foutoir qui regroupe tout un tas de références. D’où vient cette espèce de contre culture populaire qui habite la série ?
Jerry Frissen : De notre passion pour les mélanges. Je vis dans une ville qui est une sorte de tour de Babel contemporaine. Des gens venant du monde entier s’y sont installés et ont amené avec eux des morceaux de leur culture. Je voulais témoigner de ça.
LUCHA LIBRE devait être la même chose, un mélange de toutes les cultures qui nous plaisaient. Pour ce qui est de la « contre-culture » je pense que toutes les cultures sont légitimes, qu’il n’y a pas de culture ou de contre culture, c’est la même chose. On a mis dans LUCHA LIBRE ce qu’on aimait bien, du catch mexicain, des tikis, du surf, des monstres, etc. Je pense qu’on peut tout mélanger. Je pense aussi que philosophiquement, l’idée même du mélange est quelque chose d’incroyablement positif et la seule porteuse d’avenir.
Depuis son démarrage, Lucha Libre a beaucoup bougé dans sa forme (pagination, rythme de parution…), avez-vous trouvé aujourd’hui votre rythme de croisière ?
Jerry Frissen : Je n’ai pas l’impression que ça ait tellement bougé. Depuis le début, c’est un trimestriel. Il y a eu au début, 48 pages, puis un numéro de 64 et ensuite 56 pages.
Je pense que ça va bouger pas mal dans le futur en fait.
Est-ce que la sortie des albums cartonnés signe la fin de la revue à terme ?
Jerry Frissen : Non, absolument pas. Les albums cartonnés étaient prévus depuis le début. LUCHA LIBRE, c’est ce à quoi on tient le plus. Pas question de l’abandonner.
Avec la fin de la collection 32 chez Futuropolis, cela ne semble pas facile de sortir autre chose que le classique format cartonné. Avez-vous eu de difficultés à lancer Lucha Libre en format broché souple ?
Jerry Frissen : Vivant loin, je n’ai que peu de contact avec le « marché » de la bande dessinée, ce qui fait que je n’ai aucune idée de ce qui marche ou pas. Je n’ai même jamais vu un seul exemplaire de la COLLECTION 32 !
Les HUMANOS nous ont donné carte blanche, on pouvait faire ce dont on en avait envie. On a imaginé la forme actuelle de LUCHA LIBRE et personne ne nous a mis de bâtons dans les roues. Même si les albums étaient prévus à terme, on avait vraiment la volonté de faire quelque chose qui ne ressemblait pas à ce qu’on trouve dans les magasins. On a été soutenu par pas mal de librairies et on a réussi à se maintenir au milieu du flot de nouveautés. Ceci dit, même si on est content des résultats de LUCHA LIBRE, les albums marchent mieux. Je trouve d’ailleurs la passion pour le carton extrêmement mystérieuse.
Quand on a décidé de faire la revue, on a ajouté deux autres séries, les LUCHADORITOS avec Hervé Tanquerelle –maintenant remplacé par Romuald Reutimann– et le PROFESOR FURIA par Witko et Inès Vargas. On a aussi commencé à faire des histoires courtes de temps en temps.
La nomination de Lucha Libre pour les Eisner Awards semble être malheureusement passée un peu inaperçue en France, comment a-t-elle été perçue aux Etats- Unis ?
Jerry Frissen : On était contents d’être nominés dans une catégorie standard et non pas dans les catégories étrangères. Je pense que c’est une grande victoire de ce côté, même si j’aurais préféré gagner bien sûr. Guy Davis m’avait dit un truc qui s’est révélé assez vrai, il m’a dit que les prix, on en a rien à foutre jusqu’à la remise des prix, là, on a VRAIMENT envie de gagner ! Pour le reste, en fait, je fréquente très peu le milieu du comics –comme celui de la BD d’ailleurs– ce qui fait que je ne sais pas vraiment comment on est perçu.
Si un auteur désire rejoindre votre équipe, quels qualités (et défauts) doit-il avoir pour séduire le rédacteur en chef que vous êtes ?
Jerry Frissen : Il faut qu’il plaise à tout le monde, pas qu’à moi. Comme LUCHA LIBRE va connaître des développements, on est justement en phase de recrutement, il faut donc nous envoyer un CV complet, deux photos d’identités récentes, un rapport médical et une lettre de motivation écrite à la main. Un peu d’argent est également conseillé même si ce n’est pas obligatoire (nous n’acceptons pas les chèques.)
Pouvez-nous parler de la mystérieuse Ines vargas ? Qui se cache derrière ce nom ?
Jerry Frissen : Ben, Inès Vargas, tout simplement. C’est quelqu’un qui écrit pour un autre média sous un autre nom. Elle écrit le PROFESOR FURIA pour LUCHA LIBRE et elle tient à rester invisible.
Retrouvera-t-on un jour les personnages ayant fait quelques apparitions comme la bande des Formidables ?
Jerry Frissen : Bien sûr, c’est le but. On veut que l’univers s’étende le plus possible. C’est très mégalo comme concept. On aime bien imaginer ce qu’il y a derrière chaque personnage, leur passé, pourquoi ils sont là, qui ils connaissent, etc. C’est très excitant en fait.
Vous avez lancé une collection complète de figurines reprenant des Luchadores. Rencontre-t-elle plus du succès aux USA ou en France ? Est-ce que le public qui les achète est le même que celui qui lit la série ?
Jerry Frissen : Pour le moment, ça marche mieux aux USA qu’en France, mais ça évolue. Je pense qu’à terme, ça pourrait s’inverser. En France, ce sont plutôt les acheteurs de la BD qui achètent les jouets tandis qu’aux USA, c’est le contraire. On a commencé les jouets un an avant la BD, on avait donc un public qui ne savait même pas que les deux étaient liés.
Des rumeurs de films et d’animation circulent autour de Lucha Libre, vous pouvez nous en dire plus ?
Jerry Frissen : On est en train de développer des tas de choses autour de LUCHA LIBRE, il y a un deal pour un film effectivement, mais c’est d’une lenteur abominable… Il y a aussi un deal pour un jeu vidéo sur les LUCHADORES FIVE. En ce qui concerne l’animation, il n’y a rien de signé mais il y a effectivement un projet.
Si un film existait vous verriez quels acteurs dans les rôles principaux ?
Jerry Frissen : Mon casting de rêve : John Leguizamo, Clifton Gonzalez, Cheech Marin, Danny Trejo, etc…
Que diriez-vous à un lecteur potentiel qui ne connaît pas la s&eaute;rie pour lui donner envie ?
Jerry Frissen : Tu aimes le carton ? Cette BD est pour toi !
Vos derniers coups de cœur BD ?
Jerry Frissen : NO COMMENT d’Ivan Brun qui est une merveille absolue. Pour le reste, je ne lis plus beaucoup de BD, je pense qu’il n’y a rien de pire que la BD qui s’inspire de la BD.
Merci pour vos réponses et bonne continuation !
Quelques liens : lien vers le site Lucha Libre et lien vers les figurines