Interview

Interview de José-Luis Munuera pour le T2 de Sortilèges

Sceneario.com: José-Luis tout d’abord bienvenu sur Sceneario.com et merci à toi d’avoir accepté de répondre à nos questions !

José-Luis, tu es donc le dessinateur de « Sortilèges ». Comment votre « team » fonctionne au jour le jour avec le scénariste Jean Dufaux, quelle est votre recette secrète ? Qui est le plus perfectionniste des deux ?

José-Luis Munuera :Le team fonctionne avec deux éléments clé: le respect et la bonne humeur! Le respect pour le travail et les choix de l’autre, la bonne humeur parce qu’on essaye toujours de se surprendre l’un et l’autre. 
Une BD peut être pleine de choses, un manifeste idéologique,  un “slice of life”, un cri de l’intérieur de l’auteur… mais une BD peut être aussi un jeu! Un jeu infini, vivant, adulte, plein de possibilités, très élaboré, complexe, dur… Un plaisir qui se partage, entre les auteurs, oui, mais aussi avec le lecteur. 
Notre travail c’est un “work in progress” permanent. Jean envoie ses planches, je rebondis sur elles. Pour essayer d’aller encore plus loin, il rebondis encore une autre fois sur ce que je propose, en s’adaptant, en enrichissant, emportant sur des “accidents” (des personnages qui prennent une allure inattendue, et qu’il faut développer, par exemple), et moi, je rebondis encore une fois, en proposant des nouvelles interprétations, des autres références… 
La mécanique du conte est peut-être simple, mais ô combien riche!

Sceneario.com:Dans ce deuxième tome, l’intrigue prend un tournant de plus en plus sombre, notamment avec un final dont on ne dira rien ici, ce n’est pas le genre de la maison. Et pourtant, certaines scènes se veulent plus légères, avec un humour toujours subtil, parfois cocasse. Pourquoi ce mariage parfois étrange, mais toujours savoureux ? 

José-Luis Munuera :“Savoureux” c’est un mot qui colle bien! Dans la bonne cuisine, le plaisir vient d’abord pour une réception du plat sensitive : la présentation visuel, les odeurs, les saveurs… dans la BD, ces sensations viennent d’abord de la sensualité du dessin, du choix des mots du texte. Ensuite, le plaisir vient de la surprise, des contrastes inattendus. Sur cette BD, on essaie de préparer un ancien potage (un conte), mais avec une recette nouvelle. 
Vous pouvez savoir toujours à l’avance l’expérience que vous aurez si vous allez au Macdo… mais un potage, ah…! Un potage c’est toujours diffèrent, toujours pétillant!

Sceneario.com: José-Luis, le Moyen-Age, c’est une période qu’on retrouve de mémoire dans quelques-unes de tes précédentes parutions. C’est une période historique que tu affectionnes spécifiquement ?

José-Luis Munuera :J’aime bien dessiner des atmosphères très chargés, brumeuses, denses. J’aime aussi dessiner la nature, organique, vivante. J’adore dessiner des bâtiments et des châteaux bien pourris, où on ressent le temps qui a passé, sur les pierres humides, sur les toits tordus. Finalement, j’aime bien dessiner des personnages confrontés à des fortes passions, des drames forts, et de la comédie Chaucerianne… oui, le Moyen-Age, ça me va!

Sceneario.com: Peut-on dire que « Sortilèges » est LA série qui te correspond le plus ? Celle que tu prends le plus de plaisir à faire ?

José-Luis Munuera :Je sais seulement qu’elle me correspond bien et que je prends un grand plaisir à la faire!

Sceneario.com:Et justement, avec la richesse des décors, des armures, des habits de l’époque, cela demande t-il des recherches intensives ? Quelles sont tes méthodes de travail ?

José-Luis Munuera :Oui, je me documente à fond, même si on n’est pas sur une BD historique, mais plutôt sur un Moyen-Age fantastique… au temps incertain propre aux contes. J’utilise par exemple pas mal d’anciennes gravures (j’ai une bonne collection de livres illustrées du XIX), qui ne sont pas du tout fidèles historiquement mais qui sont parfaites pour moi, parce que c’est le moment où le conte comme nous le connaissons est en train de cristalliser (quand les Grimm, les Andersen, donnent de la forme à ces histoires populaires).

Sceneario.com: On a pu remarquer le rythme très rapproché de parution entre les deux tomes. Ce choix vous a t-il était imposé ou avez-vous senti une attente des lecteurs en ce sens ?

José-Luis Munuera :Jean est productif. Je le suis aussi. On s’amuse. Alors, on produit !

Sceneario.com: A sa lecture, on ne peut s’empêcher de penser que l’univers que vous développez tous les deux ferait une magnifique adaptation sur grand écran. Y as tu pensé ? Peut-on y rêver ?

José-Luis Munuera :Moi, sincèrement, je m’en fous!
Le cinéma c’est des millions des milliards pour une heure et quelque d’histoire. Des ennuis et des concessions à faire (“No nipples, please!”).
Je préfère faire des BD, et laisser le lecteur se monter son film à lui dans la tête. 
Être créatif au lieu de passif!
Mais si jamais un producteur vient me proposer un gros chèque, hein, je ne suis pas con non plus ! Venez nombreux, les producteurs, venez nombreux!

Sceneario.com:Quelques révélations à faire sur le destin prochain de Blanche et du Prince ?

José-Luis Munuera :Toutes les clés de la recette sont là : sur la Belle au Bois Dormant, le Petit Chaperon Rouge, la Belle et la Bête et tout le reste de notre si riche patrimoine folklorique. Vous les auriez goûtées mille fois! Il reste à voir comment on va saucer cette fois le fameux potage narratif ! Une chose est sûre: cela sera relevé ! 

Sceneario.com:D’autres marmites (actualités) sur le feu pour tous les deux ?

José-Luis Munuera :Ah, mais oui! De ma part, je prépare la sortie en Janvier 2014 de mon premier album de la série « Les Campbell », que j’anime dans les pages du journal de Spirou. C’est presque ma première expérience en tant qu’auteur complet (scenario+ dessin), et je m’amuse bien à faire une BD purement classique. Une sorte de croisement entre Oumpapah et Johan et Pirlouit en version hyper- anabolisée! Il y à aussi un Peplum fantastique avec mon camarade Jean-David Morvan qui se prépare doucement et qui devrait ne pas tarder non plus… et, bien, sûr, il y à 2 Sortilèges de plus qu’on vous concocte pour 2014!

Sceneario.com:Pour conclure, je ne pouvais pas ne pas te poser cette dernière question : Quel est ton conte préféré et pourquoi ?

José-Luis Munuera :Mes contes préférés sont « La Belle et la Bête » et plus précisément la version de Jean Cocteau, « Pierre et le Loup » de Prokofiev et « Le Roman de Renard » dans la version en marionnettes de Wladyslaw Starewicz. Sans oublier « Les Contes de Canterbury » de Chaucer ou même « Gargantua et Pantagruel » de Rabelais!

Sceneario.com:José-Luis, il me reste à te remercier et à te souhaiter que ce sortilège là nous ensorcelle encore longtemps !

 

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