Interview

Interview de la team Lancelot au complet !

Sceneario.com : Bonjour ! Le tome 2 de la série Lancelot vient de paraître, un an et demi après le premier. C’est une bonne occasion pour vous poser quelques petites questions ! Bien des choses s’y passent, dans ce tome 2, et on y voit notamment grandir le héros Galaad qui va, durant l’album, changer non seulement de nom mais surtout découvrir sa vraie nature. Vous vous êtes donc réapproprié un personnage légendaire pour le changer sur le fond mais sans finalement que cela ne joue trop sur l’action en tant que telle, en tout cas jusque là. Comment est née cette idée que Lancelot put avant tout être une femme ?

Jean-Luc Istin : Une idée comme ça, qui m’est venue je ne sais plus trop comment. En fait, je voulais écrire l’histoire de Lancelot mais le personnage tel quel m’ennuyait ! Je me suis dit "Et si…", vous savez comme dans les comics : "et si Spiderman n’avait pas été piqué par une araignée…". Du coup, pour Lancelot, c’est devenu "Et si Lancelot était une femme…". J’ai proposé cette idée à plusieurs dessinateurs dont les frères Akita et Thimothée Montaigne. Les premiers ont commencé un manga et ça ne correspondait pas à l’idée que j’en avais. Et le second a dit : "Super, j’ai envie de faire Lancelot". J’ai dit "Chouette, mais il faut que tu saches : Lancelot sera une femme !". Et il répondu : "Ah non, pas trop alors !". Ensuite, j’en ai parlé à Alexe et… bon sang, c’était elle ! Carrément elle, et personne d’autre !

Olivier Péru : Comme je ne suis pas à l’origine de l’idée, je dois avouer que cet album était pour moi comme le jouet d’un petit camarade de classe avec lequel j’aurais eu le droit de m’amuser. C’était un Big Jim habillé en Barbie (ou l’inverse) et avec Jean-Luc on a convenu de d’abord travailler sur le personnage avant de le lancer dans son propre mythe. Ces deux premiers tomes sont une sorte de prélude qui façonne notre Lancelot et son secret n’était là qu’un élément fondateur mais secondaire du perso. Dès le tome 3, nous plongerons ce Lancelot(e) dans l’épopée Arthurienne et cette fois, son problème identitaire occupera beaucoup plus de place car il bouleversera le triangle amoureux Lancelot / Genièvre / Arthur.

Sceneario.com : Ne craignez-vous pas une quelconque désorientation des plus fervents amateurs des légendes Merlinesques ou autres « traditionalistes celtiques » !?! (Imaginez les réactions de certains catholiques si on leur disait que le Christ était en réalité une femme !…)

Jean-Luc Istin : Bin justement, je tiens à préciser que Jésus était une femme. C’est d’ailleurs le sujet révélé du tome 3 du "Cinquième évangile" ! En fait, non, je plaisante. Concernant Lancelot, je n’ai pas du tout pensé à l’impact qu’aurait cette idée sur les lecteurs. De tous temps, ces légendes évoluent et sont remaniées par les écrivains. Lancelot Femme est le résultat logique de l’influence de notre époque sur cette légende. Je pense que les vrais fans de ces légendes sont capables d’admettre, de comprendre et même d’apprécier.

Olivier Péru : Entre les premières chroniques du Graal datant du moyen-âge et les œuvres qu’elles ont inspirées de siècle en siècle, il y a déjà pas mal de divergences alors une de plus ou de moins ne devrait pas faire la différence ! Par contre, une chose est sûre : trouver un nouvel axe d’entrée original dans le monde de la table ronde et de ses chevaliers est le meilleur moyen de rendre tout ça de nouveau excitant !

Sceneario.com : Avez-vous fait attention, en qualité de scénariste, à ce que cette nouvelle donne n’aille pas ébranler le bien-fondé d’autres récits qui ont par le passé déjà mis en scène Lancelot adulte ?

Jean-Luc Istin : On surfe sur les anciens récits. C’est justement ça le jeu…

Sceneario.com : Le tome 3 est d’ores et déjà en préparation, mais j’allais dire que Lancelot aurait pu être un diptyque si le but avait simplement été d’amener Galaad à savoir qui il est vraiment. Alors, avez-vous fixé un objectif précis à votre personnage, ou bien sa condition et la richesse des situations qui peuvent en découler, combinées au succès que l’on souhaite à la série, pourraient-elles vous motiver à le relancer tant et plus dans de nouvelles aventures ?

Jean-Luc Istin : Personnellement, lorsque j’ai commencé l’aventure, je n’avais pas une idée très précise de la quantité d’albums à développer. Alexe m’avait parlé de 6 alors je voulais bien partir là-dessus. Mais dorénavant, c’est Olivier qui prend les commandes dès le tome 3. Et je le laisse gérer tout ça…

Olivier Péru : L’idée de ces 2 premiers tomes est de révéler le personnage à lui-même, ils accompagnent sa seconde naissance en quelque sorte. Et pour la suite du tome 3 à 5, on sait déjà où on va. Maintenant qu’il(elle) est grand(e), il(elle) va pouvoir écrire sa légende en tant que Lancelot du Lac, et cela passe par la conquête du cœur de Genièvre, l’amitié d’Arthur et une trahison. Les deux premiers tomes racontaient comment un enfant devenait un homme, les suivants parleront d’un homme qui accepte d’être une femme. Et cette transformation suivra une route pavée d’amour, de devoir et de douleur.

Sceneario.com : Olivier Péru a été « invité » à co-signer le scénario de ce tome 2… Cette collaboration pourrait justement mettre la puce à l’oreille quant à la reprise en main par lui de futures aventures du Lancelot de la série qui nous intéresse. Comment son arrivée dans l’équipe s’est-elle décidée ?

Alexe : En faite, Olive va reprendre « officiellement » et seul la suite du scénario même si Jean-Luc gardera toujours un œil dessus (c’est qu’il ne lâche pas son bébé comme ça !). C’est au fur et à mesure de l’avancée du Tome 2 qu’on s’est rendu compte à quel point Olive et moi fonctionnions bien. Du coup, je crois que Jean-Luc nous fait pleinement confiance, et lui, de son côté, a énormément de travail aussi. Nous sommes tous assez complémentaires.

Jean-Luc Istin : Il ne faut pas oublier que j’ai choisi Olivier pour ses qualités mais aussi parce qu’il était proche d’Alexe. Alexe est comme ça, elle aime travailler en famille et comme mes autres activités sont prenantes, il était préférable que quelqu’un d’autre puisse s’occuper de cette série. Olivier Péru était donc l’auteur de la situation.

Olivier Péru : Je crois que ça s’est passé comme ça : un coup de fil de Jean-Luc (politesses d’usage + arguments + blagues : durée 5 minutes) suivi d’un coup de fil d’Alexe (cris de joie + discussion passionnée + nouveaux cris de joie : durée 50 minutes). En moins d’une heure je suis devenu co-scénariste de ce tome 2 et mes petits amis m’ont ensuite demandé de reprendre entièrement la série dès le Tome 3.

Sceneario.com : Quel a été son véritable rôle sur le tome 2, et y a-t-il eu des modifications entre le projet initial et la BD telle que le public l’a découverte ?

Alexe : Il a réellement co-scénarisé avec Jean-Luc ce tome 2 et m’a servi de coach. Il m’a permis de m’améliorer, de passer « enfin » à la réalisation du story-board et de prendre plus confiance en moi, en mon dessin, qui commence seulement à ressembler un peu à ce que j’aime.

Jean-Luc Istin : Scénaristiquement, le travail est le prolongement logique du tome 1, basé sur le même univers. C’est effectivement plus sur l’aspect dessin que les choses ont évolué. Notamment, par le fait que contrairement au tome 1, je n’ai pas story-boardé. Cet album, grâce au concours d’Olivier, c’est l’album de la maturité. On dit à Papa Istin, "Euh, laisse-nous respirer un peu !" et on prouve qu’on est capable. C’est une chose importante que de se réaliser en tant qu’artiste, mon temps à moi était terminé et Olivier Peru était la juste transition qu’il fallait à Alexe.

Olivier Péru : Quand j’ai embarqué sur le projet, seules les premières pages étaient dessinées et après discussion avec Jean-Luc on a prévu de conclure le tome 2 sur une fin qui me permette de repartir ensuite tambours battants dans les chroniques arthuriennes. On n’a pas modifié la trajectoire fondamentale de la série et je pense même qu’au contraire, au fil de nos discussions, on a déjà bien préparé la suite.

Sceneario.com : Olivier Péru a également dessiné une double page dans ce tome 2. Est-ce qu’Alexe a du soucis à se faire pour sa place dans la suite de la série ? ^_^

Alexe : Bah, en fait, le truc, c’est que moi je ne fais rien : je suis un prête-nom 😉 Bon les gars, j’ai du souci à me faire ?! ^^ La double page est une idée d’Olive, pour me faire gagner du temps aussi, vu tout le retard que j’avais (apprendre à faire du story et progresser en dessin et en narration, ça prend du temps…). Et j’ai bien apprécié, car ça me faisait plaisir de le revoir dessiner, d’autant plus dans mon bouquin. Et je la trouve très chouette, cette double !

Jean-Luc Istin : Ah bin voilà ! Au tome 3, c’est Olivier qui dessine l’album et Alexe fait 2 pages… Ha ! Ha ! Ha !

Olivier Péru : J’espère juste que les fans puristes d’Alexe ne vont pas m’en vouloir d’avoir pollué l’album et… non, Alexe n’a aucun de souci à se faire ! Elle a fait un super boulot et le meilleur est encore à venir ! Cette double, c’était juste pour qu’on se fasse plaisir ensemble et qu’on puisse dédicacer côte à côte à l’occasion.

Sceneario.com : Lequel des deux dessinateurs a un regard sur le travail de l’autre ? Resterez-vous complémentaires dans ce travail ?

Alexe : Olive a un regard de scénariste sur Lancelot. Maintenant, le fait qu’il soit également dessinateur lui permet de mieux me conseiller et de me corriger, tout comme le fait Jean-Luc, qui est également et avant tout dessinateur. Nous avons tous les trois un regard sur le travail des autres, idem avec Elodie. Je mets mon nez aussi dans le scénar’ et les couleurs, enfin concernant le scénario, je fais remonter les bricoles que j’aimerais bien avoir, et ce que ne je souhaite surtout pas, ça se limite à ça. On en parle, on voit où tout le monde veut aller, c’est une manière très agréable de travailler… Tout le monde se critique et c’est une super dynamique pour progresser.

Jean-Luc Istin : Ceci étant, je me sers souvent de mes deux mains pour applaudir car c’est enthousiasmant de voir le boulot d’Alexe dans son évolution.

Olivier Péru : Le fait qu’on ait tous un peu de dessin au bout des doigts nous permet évidemment de nous immiscer dans le graphisme de l’album mais cela reste de l’ordre du conseil ou de la supervision. Avec Alexe, on a beaucoup travaillé sur son dessin durant l’année passée et ça a payé, son talent a véritablement éclos sur ce tome 2. Je suis sûr que le tome 3 sera plus relax.

Sceneario.com : Comment travaillez-vous ensemble ?

Alexe : A chaque début de tome, je reçois le séquentiel entier de l’album. Ensuite, Olive m’envoie le script au fur et à mesure et je fais les story par groupes de 4/5 pages. Je leur envoie à tous les deux et on voit si ça marche ou non, si ça leur plait ou s’il y a besoin d’apporter des modifications. Ensuite, comme les story sont assez détaillés, je passe désormais directement au N&B, ça m’évite de faire 2 fois les pages, comme ce fut le cas pour le tome 1. Mes crayonnés étaient bien trop poussés : je n’arrive pas à mesurer, à faire « light ». Enfin, une fois le N&B bouclé, je leur montre et là aussi, si jamais il y a besoin, on retouche certaines choses, que ça soit au niveau du dessin, ou eux après, dans la relecture des textes. Et pareil pour Elodie, je lui envoie les pages en N&B, le script et quelques indications essentielles du type : jour/nuit, forêt glauque, etc… Et elle s’éclate de son côté ! Là encore, s’il y a besoin de modifier certaines choses, on en parle tous et elle corrige ou propose autre chose.

Olivier Péru : Alexe a tout dit ! J’écris, elle dessine et Élodie rend le tout digeste et lisible. Ensuite notre éditeur se fait de l’argent en vendant des palettes entières de bouquins et il nous envoie en vacances au bord d’un océan (différent à chaque tome !). Puis on danse, on boit quelques cocktails et on prend des coups de soleil avant de se remettre au boulot.

Elodie Jacquemoire : Pour ma part, je me cale dès le départ avec tout le monde. Avant même de débuter l’album, il est intéressant de savoir quel ton sera donné sur ce tome et quelles sont les choses à appuyer ou à améliorer. Ensuite, dès que les N&B d’Alexe sont validés par Jean-Luc et Olivier, j’attaque mon boulot. En suivant bien sûr les indications du scénar et d’Alexe. Cela reste pour l’essentiel juste des pistes à suivre, j’ai beaucoup de liberté. On s’accorde tous une grande confiance, ce qui me permet de m’éclater dans ce que je fais sur ces planches. Je propose ensuite à tout le monde ma colo, planche par planche ou parfois par scènes entières. Si tout est ok, je passe à la suite. Dans le cas contraire, comme le dit Alexe, nous en discutons pour voir ce qui est à améliorer ou à modifier !

Sceneario.com : L’opération se renouvellera-t-elle ?

Alexe : Oh que oui…. Même après Lancelot, et avec les 3 autres, tant qu’à faire !

Elodie Jacquemoire : Ah, je ne demande que ça, moi ! C’est quand même super de travailler avec une équipe comme ca, et de s’entendre si bien ! Et surtout… notre alliance, je pense, donne de bonnes choses, donc voilà !

Olivier Péru : Ben, il semblerait que oui ! Ca a l’air bien parti quand je lis les réponses des copines. Coool !

Sceneario.com : Lorsque l’on démarre une fresque telle que celle engagée avec Lancelot, on doit certainement avoir des rêves si ce n’est des ambitions. Qu’en est-il pour vous ?

Alexe : Lancelot étant ma toute première série, mon objectif est de progresser un maximum au travers d’une histoire que j’aime et que j’ai choisi de faire. C’est d’ailleurs la condition idéale pour débuter dans le métier, je trouve. Pour cette série, j’ai eu le luxe de pouvoir la choisir parmi d’autres, et de ce fait, je m’épanouis tranquillement au fur et à mesure des pages. Ce que l’on veut, c’est faire passer un bon moment aux lecteurs. C’est de la BD grand public (genre qui n’est pas du tout à renier à mon sens) mais on essaye et on espère faire du grand public avec un scénario qui tient la route et un univers qui fasse voyager et rêver (ou cauchemarder, cela dépend ^^ ) Il n’y a pas d’autres prétentions que celle-ci, ni de désir de révolutionner quoique ce soit. Déjà faire de bons bouquins, sincèrement avec ses tripes, c’est loin d’être simple… et toute l’équipe se donne à fond pour essayer avec nos moyens et nos capacités respectifs d’y arriver, et je trouve ça génial !

Olivier Péru : Justement, notre ambition est de faire rêver et voyager les lecteurs qui se lanceront dans l’aventure. Prendre un peu de place sur leur étagère et les emmener ailleurs, si on réussit ça, on aurait fait le plus gros du travail ! La série a déjà du succès, alors souhaitons-lui en encore plus !

Jean-Luc Istin : Moi, je n’ai pas de rêves ! Hé! Hé ! Hé !

Elodie Jacquemoire : Aller chourer le Graal devant le nez de tous ces chevaliers ! Héhé !!! Plus sérieusement, continuer de bien évoluer en tant que coloriste, travailler sur des séries qui me plaisent et avec des auteurs que j’aime (bon, ça, c’est déjà le cas). Ensuite, pour plus tard ça, pousser mon travail vers l’illustration…Un jour, peut être, pourquoi pas ?!

Sceneario.com : Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Alexe : Mon objectif de l’année est de réussir à « payer des impôts » et donc de faire un album en une année, enfin ! ^^ Et surtout de bosser pour m’améliorer, encore et toujours. Ca, ça m’obsède, afin de mieux raconter ce que j’ai à dire. Et j’espère, bien plus tard (genre dans quelques séries), pouvoir scénariser également, mais là, on va attendre… On en reparle dans 10 ans !!!

Olivier Péru : Travailler sur le tome 3 de Lancelot avec mes deux Oliv’s Angels ! Continuer à écrire les autres séries BD en chantier, et sortir deux romans (dans les bacs en octobre) ! Et payer une bière aux messieurs qui nous posent les questions de cette interview !

Elodie Jacquemoire : Plusieurs albums à venir… En ce moment, par exemple, avec Jean-Luc et Nicolas Jarry pour le dernier tome des Brumes d’Asceltis…

Sceneario.com : Merci d’avoir répondu à ces quelques questions. Eh ! C’est qu’il ne s’agit pas pour nous de retenir plus longtemps les lecteurs afin qu’ils aillent de ce pas découvrir la série Lancelot si ce n’est pas déjà fait ! Bonne chance donc à votre équipe et bon vent à vos personnages !

Alexe : Merci à vous et à Sceneario.com pour cette super interview à 4 !

Jean-Luc Istin : Tout pareil, héhéhé !!!

Olivier Péru : Merci à mes camarades de Lancelot et à Sceneario. Je tiens aussi à remercier l’académie des Oscars sans qui tout cela n’aurait pas été possible. Je veux aussi adresser mes sincères amitiés à mon producteur. Je lui dédie ce film et cet oscar… Euh… Me serais-je trompé d’interview ?!?

Elodie Jacquemoire : Merci ! Très sympa, cette interview de toute la Lancelot Team !

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