Interview
Interview de Sylvain Savoia
– Sceneario.com : Hello Sylvain et bienvenue sur Sceneario.com !! C’est un plaisir de recueillir pour la première fois tes propos, à l’occasion de la sortie du tome 2 de « Marzi » à paraître en avril 2006 chez Dupuis, en collaboration avec Marzena Sowa. Je te laisse te présenter, toi et ton parcours, tu le feras certainement beaucoup mieux que moi. (Rires)
Sylvain Savoia : D’accord, mais je ne suis pas sûr de rester très objectif…Alors voilà, pour faire simple, je suis l’auteur de onze albums en tant que dessinateur (et parfois co-scénariste) depuis 1993. Avec un western un peu décalé : « Reflets perdus », cinq albums de science-fiction : « Nomad », trois albums de polar européen : « Al’Togo » et deux albums de chroniques sociales (comment appeler ça ??) avec « Marzi ».
J’ai aussi participé à un « chroniques de Sillage » avec mes frères d’armes de l’atelier 510TTC dont j’ai fait partie depuis la création jusqu’à il y a deux ans environ et puis des trucs ici et là… A part ça j’ai fait des tonnes de pages et de dessins pour diverses entreprises de communication (parfois même des albums complets, mais on ne les trouve pas dans le commerce !). En ce moment, je travaille sur le tome trois de Marzi et le quatrième Al’Togo et un collectif pour le festival de Blois et un projet pour un petit album pour les tout petits… Sinon, je suis né en 1969, je suis français et je partage mon temps depuis peu entre la France et la Belgique. – Sceneario.com : « Marzi » raconte les aventures d’une jeune fille polonaise de 7 ans, qui voit au travers de ses yeux d’enfant, l’évolution de son pays qui se débat tant bien que mal en pleine guerre froide. Comment s’est déroulée la rencontre entre Marzena Sowa (la scénariste de cette série) et toi, puisqu’il me semble que vous n’êtes pas que collaborateurs… Qui a eu l’idée de mettre en scène ces récits autobiographiques ? Donc, on peut dire que j’ai lancé l’idée. Le fait est que Marzena n’avait jamais lu de BD. Au début, elle me regardait même un peu bizarrement avec mes livres tout pleins d’images… Ca ne faisait pas sérieux pour elle qui venait en France par amour (entre autre) de la littérature . Mais bon, je l’ai assuré que c’était un vrai métier et que ce qu’elle avait à raconter avait un réel intérêt. Elle a donc commencé à écrire sans vraiment savoir comment construire un scénario, les souvenirs de sa petite enfance (elle a une mémoire fabuleuse) et je me suis vite retrouvé avec un énorme paquet de feuilles rempli d’histoires qui me passionnaient. Depuis, elle a lu beaucoup de BD. – Sceneario.com : Comment se déroule votre collaboration professionnelle au jour le jour ? Marzena te conseille t- elle pour le dessin de certaines scènes ou de certains personnages ? La complicité qui vous unit facilite t- elle le travail réalisé et permet-elle d’aboutir à un meilleur résultat et donc un meilleur album ? Au début, je devais recomposer et regrouper des parties de ses textes pour qu’on puisse les exploiter sous forme d’histoires courtes. Une fois cette étape achevée, je réalise un découpage rapide mais précis, notamment au niveau du texte très présent dans cette série et on le relit. Elle y apporte ses remarques éventuelles et m’explique un peu plus en détail les lieux et les personnages. Parfois, j’ai la chance d’avoir une photo mais c’est assez rare. Heureusement, nous sommes allés en Pologne et les lieux de son enfance n’ont pas vraiment changés, à commencer par l’appartement de ses parents. L’avantage de vivre avec sa scénariste (est-ce un avantage finalement ?) c’est qu’elle peut suivre au fur et à mesure l’évolution du travail. Mais bon, généralement, elle relit vraiment très précisément l’histoire une fois qu’elle est terminée. Elle se rend compte qu’il y a un truc qui ne va pas et c’est l’angoisse. On se prend un peu la tête et je me rends compte qu’elle a raison … Alors, je corrige. Mais c’est énervant… Malgré tout, cette exigence sert l’album et de ce point de vue là, effectivement, je pense qu’il est meilleur ! Le problème de cette situation, c’est qu’on a toujours l’impression de travailler. La discussion retombe toujours sur ce que l’on fait ou ce qu’on pourrait faire dans les histoires prochaines. Quand elle me parle de sa famille, rien n’est anodin et parfois, elle court s’enfermer dans son bureau en plein milieu de la conversation car un souvenir ou une idée a jailli ! – Sceneario.com : « Marzi » nous dévoile un autre aspect de ton talent. En effet, le trait ne ressemble en rien à ce que l’on a pu apercevoir dans Nomad ou Al’ Togo sur lesquels nous reviendront un peu plus tard… Est ce difficile de passer du tout au tout ? D’adapter son dessin afin de « coller » un peu plus à un style « jeunesse » ? – Sceneario.com : Un sujet sur la guerre froide traité dans un album « jeunesse », le pari était osé mais vous l’avez réalisé avec brio! Comment avez-vous amené le projet chez les éditeurs ? Dupuis a t-il été tout de suite emballé, ou vous a t-il fallu revoir quelques détails afin de rendre les récits plus accessibles ? Mais il est vrai qu’un contexte social difficile isole les enfants en accaparant les adultes et en les faisant évoluer dans un stress quasi-permanent. Le personnage de Marzi est finalement assez universel. Bien que le quotidien soit souvent effrayant et fait de privations, elle rigole avec ses amies, elle se pose des questions sur la vie, elle rêve de ce dont rêvent la plupart des enfants. Dupuis a reçu ce projet de manière très enthousiaste. On a démarré très vite, portés par l’énergie positive que dégageaient les personnes avec qui nous travaillons. Et ça n’a pas changé maintenant que nous attaquons le troisième tome. La collection Expresso se prête à merveille à ce que nous avions envie de faire et nous nous retrouvons avec des auteurs qui nous motivent et que nous apprécions. – Sceneario.com : Y’a t-il un nombre d’albums fixé d’ores et déjà ? Le fait que les récits racontés soient autobiographiques ne permettra pas forcément à la série de s’étirer indéfiniment… Sais-tu si la série remporte un franc-succès ? Nous ne manquons pas de matériel pour remplir ces albums. Je pense qu’il y aura même des laissés pour compte… Après, on verra comment on fera évoluer ce personnage. L’idée est de la suivre quelques années plus tard, en temps qu’étudiante en Pologne puis en tant qu’étrangère confrontée à un pays qui l’attire : la France. Ce devrait être assez drôle… Mais nous n’en sommes pas encore là ! Pour ce qui est du succès, je pense pouvoir affirmer sans trop me tromper que nous sommes juste derrière Zep et son petit bonhomme à houppette ! – Sceneario.com : Nous allons aborder un sujet plus général, ta façon de travailler que certains aurons pu admirer dans le reportage « Les artisans de l’imaginaire », à l’époque où tu travaillais encore dans l’atelier « 510 TTC » avec entre autres, Philippe Buchet et Jean-David Morvan (Sillage). Comment se passait la collaboration avec tout ces auteurs, vous étiez 6 lorsque tu as décidé de partir il me semble, c’est exact ? Pourquoi as-tu décidé de partir finalement après des années de collaboration ? Bref, ça faisait déjà bien longtemps que j’y étais. C’est un endroit formidable un atelier, j’ai appris énormément et rencontré des personnes qui me sont chères, mais c’est aussi un endroit où il faut aller avec envie. Je n’avais plus envie. On a commencé à peu près tous ensemble Jean-David, Philippe, Christian et moi et nous avons tous beaucoup évolué depuis. On a parfois travaillé tous ensemble sur les mêmes projets, c’était très motivant et instructif, à tous les niveaux. Je pense qu’à présent, le côté professionnel a effacé considérablement le côté humain de nos relations. Et puis ce changement m’a permis de découvrir d’autres personnes et de provoquer d’autres envies. Marzi résulte de ça. – Sceneario.com : Aujourd’hui, tu habites à Bruxelles, capitale de la Bd s’il en est, tu es désormais plus proche de tes éditeurs que sont Dupuis et Dargaud, ca facilite ta relation avec eux ? De plus, je connais un peu mieux les équipes éditoriales et pas seulement les personnes avec qui je travaille directement. Rencontrer d’autres auteurs aussi que je ne connaissais que de noms et d’être en contact direct avec des libraires sont des sources de motivations nouvelles. – Sceneario.com : Tu utilises beaucoup la photo comme base de travail ? Si oui, que t’apporte cette documentation au niveau de ton trait ? – Sceneario.com : « Nomad » était ta première bd si je ne me trompe pas. C’était plutôt tourné vers la forme manga non ? Bien loin de ce que tu fais aujourd’hui par exemple avec « Al’ Togo » ? Sylvain Savoia : C’était la deuxième. Au départ, il s’agissait d’une BD classique, mais Glénat souhaitait développer une collection qui serait une sorte de passerelle entre Manga et BD européenne. D’où un format d’album réduit mais avec un nombre de page trois fois supérieur à un album classique, et surtout un rythme de parution élevé. Ce qui nous a conduit à travailler à deux dessinateurs. Du moins pour les premiers tomes. N’étant pas un grand lecteur de mangas, je ne crois pas avoir été vraiment fortement influencé, mais c’est clair que Akira m’avait foutu une claque !… Mais bon, Nomad est toujours rangé au rayon manga dans les Fnac…Je ne sais pas si c’est bien loin de Al’ Togo, je pense que c’est la suite de mon évolution. A chaque fois j’apprends… – Sceneario.com : As-tu des projets en vue dont tu aimerais nous parler ? – Sceneario.com : Quels conseils donnerais-tu à un jeune dessinateur qui voudrais percer dans le milieu ? – Sceneario.com : Sylvain, merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions, ce fut un réel plaisir ! Nous te souhaitons bonne chance pour la suite de ta carrière ! | ||||