Interview
Interview du Cavalier numéro 9 : Jacques Terpant
SCENEARIO.COM : Bonjour Jacques. Ce premier septembre 2010 voit la sortie du troisième (et dernier tome) de la série Sept Cavaliers. Avant d’aborder ce sujet, peux-tu nous présenter Jacques Terpant ? Qui est donc cet auteur ?
Jacques Terpant : Un auteur Tardif, je dirai, car j’arrive sur le tard avec le statut d’auteur complet ,pendant des années ,j’ai fait soit, une carrière de dessinateur (avec Bonifay) où d’illustrateur dans la pub ,cette activité m’a pris beaucoup de temps,Je pouvais parfois rester 4 ou 5 ans sans faire un album, il y a un moment ou j’ai dû faire un choix, j’ai pensé qu’il valait mieux laisser derrière moi des livres, plutôt que des plaquettes publicitaires, et je m’y suis mis, c’est sept cavaliers. Ce qui est amusant c’est que Jean Raspail a connu le même processus en écrivant son premier Roman à 45 ans. Lorsque l’on me fait remarquer ce côté « dents-de-scie » dans ma carrière, je cite volontiers Albert Cohen (Belle du seigneur) à qui l’on disait, il avait 80 ans, ,vous avez fait de grands livres mais pourquoi si peu ? il répondait : « parce que j’ai gagné ma vie ».
SCENEARIO.COM : D’ailleurs, quelles ont été tes influences graphiques ? Qu’est ce qui t’a donné envie de faire de la BD ?
Jacques Terpant : Graphiquement ma génération a vu l’explosion de la BD, je suis un lecteur du Journal Spirou (une vraie influence) de Pif Gadget , à Pilote et Métal Hurlant, comme influence majeure je dirai Moebius, sûrement., J’étais au Lycée quand Métal est sorti et le Arzach de Moebius fut une claque.
SCENEARIO.COM : Sept Cavaliers est l’adaptation d’un livre de Jean Raspail. Qu’est ce qui t’a séduit dans les œuvres de cet auteur ? Et pourquoi le choix de ces Sept Cavaliers ?
Jacques Terpant : Difficile de dire pourquoi on se retrouve dans un auteur, maintenant que je connais Jean Raspail, je sais mieux ce qui nous rassemble. Un pessimisme de fond , mais qui n’atteint pas l ‘élan vital, nous faisons partie des désespérés enthousiastes. Il y a plusieurs entrées chez Raspail, pour moi c’est plutôt la place de l’homme dans l’histoire, les peuples perdus, avant l’écriture, il a parcouru le monde pendant 20 ans sur les traces des peuples et civilisations qui disparaissaient, parfois il ne trouvait plus que les cendres encore chaudes d’un monde à jamais disparu, comme les ALAKALUFFS de Patagonie, je conseille à ce sujet un de ses plus beaux livres « qui se souvient des hommes » Chez Raspail le rêve est un refuge, pour qui lira sept cavaliers Tome 3, c’est une évidence.
SCENEARIO.COM : Comment as-tu travaillé sur Sept Cavaliers ? Jean Raspail a-t-il participé de près ? A-t-il suivi et commenté tes travaux ?
Jacques Terpant : Il a accepté le principe et m’a donné Carte blanche, il ne lit le livre que lorsqu’il est fini, c’est une formidable preuve de confiance, d’autant plus qu’il revendique totalement le résultat, comme une extension de son œuvre, cette rencontre a été un vrai plaisir.
SCENEARIO.COM : Tiens, peux-tu nous parler de ta technique de travail ?
Jacques Terpant : Je travaille à la couleur directe, influence de Moebius dont je parlais plus haut. J’encre tout de même à l’encre de chine comme une planche noir et blanc, ensuite je pose ma couleur à l’encre, l’aquarelle, un peu de gouache. J’aime maintenir le cerné noir qui me paraît faire partie vraiment du graphisme BD (ce n’est pas pour rien si c’est l’élément que maintiennent tous les peintres qui puisent leur inspiration dans la BD). Il n’y a rien avec Photoshop.
SCENEARIO.COM : As-tu eu rapidement les traits des personnages en tête ? Ou as-tu faire diverses recherches pour trouver qui serait qui ? As-tu un personnage au quelle tu es le plus attaché dans cette série ?
Jacques Terpant : Le casting n’était pas simple, sept hommes habillés dans le même uniforme, pour le Margrave, je lui ai donné le physique de Jean Raspail, je me suis donné le rôle de l’évêque, Bazin du Bourg je pensais un peu à Harry carrey junior, qui joue les personnages secondaires chez John Ford, pour Tancrède, j’en ai fait un brun ténébreux, il a le rôle de l’amoureux.Pour le cadet Vénier , qui est décrit comme un maître des arts martiaux, mon fils joue le rôle (c’est un spécialiste du katana japonais, et du bokator cambodgien ,un genre de boxe thaï pour les profanes comme nous), Vassili était plus âgé donc barbe grise, l’oumiate c’est un sibérien ,je pensais au petit personnage de Dersou ouzala. Pikkendorff, il le fallait un peu aristocratique et en même temps , accessible. J’ai vraiment traité le groupe , sans m’attacher plus à l’un d’eux.
SCENEARIO.COM: pour créer la ville et les décors que nous croisons dans cette série, t’es-tu inspiré de certaines régions existantes ou as-tu fait un mixe de plusieurs endroits du monde ?
Jacques Terpant : C’est un mixe, ce monde est un concentré d’Europe , c’est vrai dans les noms des personnages , on y trouve du Flamand :van Beck, de l’allemand Pikkendorff, du Français Bazin du Bourg, de l’Italien ,( Vénier est un nom vénitien) il y avait dans le livre un gouverneur Morano que je n’ai pas utilisé, du slave Vassili, pour l’architecture, j’ai opté pour une architecture à colombages, ou pans de bois qui va de la Normandie à la Baltique, mais aussi parfois de l’architecture du sud , c’est le cas de l’abbaye de Zurfenberg, Ou de la cathédrale de la ville qui ressemble à Conques en Aveyron.l’église de Saint-Pédraton dans le tome 2 est celle de Saint Martin d’Hostun dans la Drôme,les montagnes ressemblent au Vercors,la maison qui reste debout dans le tome 3 est la mienne etc.
SCENEARIO.COM: Dans le premier tome (édition Delcourt), nous avons droit à un cahier graphique qui nous propose de découvrir l’histoire des Pinkkerdorff, de faire connaissance avec les Oumiâtes, avec les Margraves héréditaires. Tout cela existaient-ils déjà avant l’adaptation ou bien, est ce que cela fut crée pour la BD ?
Jacques Terpant : Ce sont des éléments ,des informations que l’on trouve dans le livre mais que je ne pouvais utiliser ,par exemple Raspail dans le livre donnait des explication sur Abaî ,moi j’ai dû me contenter de « prenez Abaî c’est un oumiate,il connaît d’autres chemins »,j’ai donc compléter l’album avec ces informations que je ne pouvais mettre dans le récit..La famille Pikkendorff traverse l’œuvre de Jean Raspail,c’est une famille fictive ,de simples silhouettes qui traversent certains romans ,dans d’autres cas c’est le personnage principal comme dans sept cavaliers, Jean Raspail en a dressé un dictionnaire et mon ambition (il est d’accord )est d’en faire un dictionnaire illustré.Ce cahier reste dans toutes les éditions on en est à la troisième édition chez Delcourt (4 avec celle de Laffont) mais le cahier fera partie de chaque livre.
SCENEARIO.COM: Prévois-tu une nouvelle collaboration avec Jean Raspail après l’aventure des Sept Cavaliers ? As-tu d’autres projets ?
Jacques Terpant : Oui j’ai commencé un nouvel épisode de cette saga Pikkendorff ,qui sera en 4 volumes ,le titre :Royaume de Borée (Delcourt)
SCENEARIO.COM: Jacques, tu as été aussi un « terrible » gentilhomme de fortune, un pirate ! Où plutôt tu as illustré les 5 tomes de la série Pirates sur un scénario de Bonifay. Peux- tu nous parler de cette collaboration ? De cette saga ?
Jacques Terpant : Là c’est différent ,je suis arrivé comme dessinateur sur un projet ,déjà ficelé chez Casterman,L’investissement affectif n’est pas le même.Philippe Bonifay est un ami, mais nos imaginaires sont très différents .Je n’ai pas souhaité faire une série très longue.j’avais envie de passer aussi coté scénario ,comme je le disais avant. La série a de plus souffert d’un manque de suivi de l’éditeur qui a changé trois fois de collection en 5 titres ,L’intégrale en revanche a fait un carton.
SCENEARIO.COM: Petit questionnaire autour du Sept. Si je te dis Les Sept samouraïs ?
Jacques Terpant : Je le préfère au suivant…
SCENEARIO.COM: Les Sept mercenaires ?
Jacques Terpant : Le western est dans ma culture de base, mais celui-ci n’est pas mon préféré.
SCENEARIO.COM: La collection Sept de chez Delcourt ?
Jacques Terpant : Rien lu.
SCENEARIO.COM: Sept jours pour une éternité de Marc Lévy ?
Jacques Terpant : Pas lu.
SCENEARIO.COM: Les Sept vies de l’épervier ?
Jacques Terpant : Oui, Julliard bien sûr, la fin de la série : Plume au vent est un chef d’œuvre.
SCENEARIO.COM: Blanche-Neige et les sept nains ?
Jacques Terpant : Je suis marqué par l’univers Disney ,dans sept cavaliers c’est finalement le même univers architectural non ?
SCENEARIO.COM: Merci, Jacques, pour ce temps passé avec nous.
Interview du Cavalier numéro 9 : Jacques Terpant
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