Interview
Interview du dessinateur Sandro Masin, marin voyageant au bout de son crayon.
Sceneario.com :Bonjour Sandro. Ton actualité récente est la sortie de Jusqu’au bout de la Terre, le premier tome de la collection Histoires de Bretagne. Mais avant de partir vers cette belle région qu’est la Bretagne : revenons sur ton parcours. Qui est donc Sandro Masin ?
Sandro Masin : Après avoir obtenu un BT dessinateur maquettiste, au lycée Auguste Renoir, j’ai commencé comme stagiaire dans une agence de com BD. J’ai fait de l’illustration BD pour de la pub, et divers éditeurs avant de signer mon premier album sorti en 2003 "ECTIS" chez Nucléa 2. Malheureusement l’éditeur a fermé. C’est Jean-Luc Istin qui m’a proposé ensuite de participer au collectif "Les contes du Korrigan" T.7. L’essai fut concluant et l’aventure a ensuite continué chez Soleil avec des albums dans la collection celtic : "Le Sang de la Sirène" (one shot), "Le Gardien du feu" (diptyque) et "Jusqu’au bout de la Terre" (one shot). C’est avec cet album que je conclus pour l’instant ma collaboration avec cette collection. Apparemment il n’y avait rien de nouveau sous le soleil pour moi et ce que j’ai proposé n’a pas eu l’air de plaire. Peut-être plus tard qui sait… En attendant, j’ai terminé depuis un one shot : "Colomba" chez DCL qui devrait sortir cet été et je commence actuellement une série avec Jacques Pavot chez Cléopas intitulée "Julien Ducasse".
Sceneario.com :Qu’est ce qui t’a donné envie de te lancer dans la bande dessinée ? Quelles ont été tes influences ?
Sandro Masin : Comme beaucoup d’auteurs j’ai lu des BD étant enfant et j’ai aimé ça. Plus tard j’ai pris un crayon et j’ai reproduit mes héros de BD préférés. Avec le temps j’ai commencé à faire mes minis BD, à participer à des concours dans des magazines ou au festival d’Angoulême. Le déclic je pense ce fut lorsque ma mère m’a emmené pour la première fois à Angoulême pour le Festival de la BD. À l’époque j’y ai rencontré des auteurs que je lisais dans les albums. Je leur avais montré mes dessins, je les avais vus dédicacer et dessiner avec une telle facilité pour moi… Je crois que c’est là que je me suis vraiment dit que c’est ce métier que je voudrais faire plus tard… Concernant mes influences, il y en a eu beaucoup et elles ont changé au fil du temps. Lorsque j’ai pris mes crayons au tout début je copiais les héros des BD que je lisais lorsque j’étais enfant : Astérix, Tintin, Gaston, Lucky Luke, des personnages Disney… Au lycée j’ai découvert d’autres auteurs comme Maëster dans fluide glacial, mais la révélation fut lorsque j’ai découvert Frazzeta ! Il y a tellement de force, de dynamisme et de vie dans ses dessins. J’ai beaucoup été influencé par des auteurs comme Vatine, Varanda, Loisel, Crisse, Loisel, Jim Lee, J. Scott Campbell, Travis Charest, Adam Hugues. J’ai longtemps été influencé par le comics et les auteurs américains… Après il m’a fallu m’en détacher. Longtemps lorsque je présentais des projets chez les éditeurs on me disait qu’on sentait trop mes influences… Le paradoxe c’est qu’une fois auteur on m’a aussi demandé de me rapprocher de certains styles (ça vend mieux)… J’essaie de me nourrir de tout ce que je vois et c’est comme si je faisais un cocktail de tout ce que j’ai aimé, de tout ce qui m’a influencé, et j’essaie de digérer tout ça pour trouver mon propre style. Mais forcément si on regarde bien on trouvera toujours de-ci de-là un dessin où on retrouve quelque chose de mes influences passées.
Sceneario.com : En ce mois d’avril 2012, est sorti « Jusqu’au bout de la Terre ». Une nouvelle adaptation d’une œuvre d’Anatole le Braz. Tu avais déjà adapté d’autres œuvres de cet auteur en compagnie de François Debois. Qu’est ce qui te séduit dans ce type d’aventure ?
Sandro Masin : Il y a plusieurs choses. La première, c’est le thème : LA MER (ou l’Océan c’est comme on préfère). J’aime cet univers et c’est une passion pour moi. J’ai d’ailleurs quitté la région parisienne pour me rapprocher de l’Océan. C’est un lieu qui m’apaise et me ressource… C’est presque vital pour moi. C’est un autre moyen d’évasion en plus de mes planches BD. La seconde, c’est l’œuvre d’Anatole Le Braz que j’ai découverte en l’adaptant. Il a une écriture formidable. Ses œuvres sont une invitation au voyage et à la découverte de la Bretagne. C’est une sorte d’immersion dans cette culture et ce mode de vie de la fin du 19ème siècle dans cette superbe région, une plongée dans la mémoire bretonne. La troisième, c’est la collaboration avec François. C’est un réel plaisir que de travailler avec lui. Au fil des albums une sorte d’osmose c’est créée entre nous. On travaillait comme un orchestre. On accordait nos instruments en quelque sorte sur les premières planches puis la mélodie coulait toute seule. Les pages de découpage se simplifiaient. Parfois, je n’avais que le nombre de cases et les dialogues, ce que j’ai pris comme une marque de grande confiance de sa part. Cela voulait dire pour moi : "Fais la mise en scène, choisis les cadrages, j’ai une entière confiance en toi". Ce qui me rassure c’est qu’il était content du résultat. Et enfin, c’est le challenge. Ce n’est pas si simple que de dessiner ce genre d’ "aventure". Ce n’est pas le genre d’histoire où ça pète partout, où il y a de l’action toutes les deux planches… Pas de filles sexy à forte poitrine… Quoique… Bref c’est tout un travail pour tenir le lecteur en haleine et qu’il ne s’ennuie pas. Il faut trouver des plans, des cadrages, une narration qui emportent le lecteur dans l’aventure et dans le voyage. Les personnages sont importants mais les décors le sont tout autant voire plus parfois sur certaines planches.
Sceneario.com : Comment travailles-tu pour cette adaptation ? Fais-tu des recherches sur les costumes, les décors d’époque ???
Sandro Masin : Sur ce genre d’album et d’adaptation, il y a pour moi un gros travail d’investigation. Les lieux cités existent, même si les personnages sont fictifs pour la plupart, il y a des costumes à respecter. En effet, je ne suis pas breton (c’est aussi pour répondre à la question quasi systématique en dédicace : )) ) et comme beaucoup lorsque l’on m’a proposé d’adapter j’avais la vision de la bigoudène de la pub TV en tête. En fait il n’en n’est rien. Quasiment chaque village a son costume traditionnel et sa coiffe. Pour beaucoup c’est régional ensuite ce sont des variantes. Mais là aussi il y a des recherches à faire car ils ont évolué au fil des époques. J’essaie d’être le plus proche possible de la réalité. La plupart des recherches se font sur l’internet. J’ai quelques ouvrages aussi sur la Bertagne de cette époque et certaines personnes comme André Miniou, John Ushant Keller, ou Jean-Michel Bergougniou qui m’ont fournit de la documentation précieuse.
Sceneario.com : Comment travailles-tu avec Debois ?
Sandro Masin : François m’envoie le découpage par scène, je fais un story-board assez poussé qui me sert quasiment de crayonné que je lui soumets. Il me le valide ou me demande quelques petites modifications et je passe à l’encrage. Pendant ce temps il travaille sur la suite. Et cela s’enchaîne normalement comme ça jusqu’à la fin de l’album.
Sceneario.com :Qu’est ce qui t’a plu chez ce scénariste ?
Sandro Masin : Nous avons fait connaissance par téléphone et nous ne nous sommes rencontrés en chair et en os qu’à la première séance de dédicaces de notre premier album "Le sang de la sirène". Mais le contact est tout de suite passé entre nous. Nous avons des passions en commun. Ensuite c’est un vrai plaisir que de collaborer avec lui. Il a une énorme capacité créative et de production scénaristique. J’aime sa façon de raconter les histoires, de jouer sur la psychologie et les sentiments des personnages.
Sceneario.com : Comment organises-tu ta journée de travail ?
Sandro Masin : Ces derniers temps elle commence très tôt le matin sur les coups de 5h00 et se termine plutôt vers 23h30 ou minuit, voire plus tard si j’ai décidé de terminer l’encrage d’une planche. La première chose c’est vérifier les mails et les dernières news sur FB et y répondre. Ensuite je commence la journée proprement dite et c’est parti sur les pages en mode super production. Il y a quelques pauses café et une pause pour le déjeuner (préparé avec amour par ma charmante épouse) histoire de tenir le coup. Ensuite le travail varie selon ce que je fais … Du story-board, des crayonnés, de l’encrage… J’ai pu faire comme ça un album en 6 mois…
Sceneario.com : Quels sont tes projets à venir ?
Sandro Masin : Depuis "Jusqu’au bout de la Terre" j’ai terminé un autre album (celui fait en 6 mois) qui est l’adaptation de "Colomba" de Mérimée qui paraîtra fin juin normalement chez DCL. Et je commence une série chez Cléopas intitulée "Julien Ducasse" qui est normalement prévue en trois tomes. Ensuite il y a des projets mais pour le moment rien d’officiel ou de vraiment concret pour en dire d’avantage. Parmi ceux-ci, j’ai un projet qu’on avait commencé avec François qui me tient ou plutôt qui nous tient vraiment à cœur et que j’aimerais que l’on puisse aboutir un jour. Maintenant, la balle est dans son camp car il est très occupé et il faudrait remonter le dossier…
Sceneario.com : Peux tu nous dire deux mots sur ton projet avec Jacques Pavot et sur ton travail sur « Colomba » ? D’ailleurs, c’est encore une adaptation.
Sandro Masin : "Colomba" est un album que j’ai terminé quasiment à la sortie de mon album "Jusqu’au bout de la Terre". Il s’agit d’une adaptation de l’œuvre de Prosper Mérimée. Et oui encore une adaptation… Cela dit "Jusqu’au bout de la Terre" n’est pas une adaptation d’œuvre littéraire. J’aime la mer et les albums que j’ai faits dans la collection Celtic. Mais je souhaitais faire aussi autre chose et ne pas m’enfermer uniquement dans une case avec l’étiquette "Sandro, l’auteur BD spécialisé Bretagne fin 1800". J’ai fait 4 albums sur ce thème, je voulais voir d’autres horizons pour peut-être y revenir plus tard sait-on jamais… Apparemment, mon directeur de collection ne me pense bon que dans cet univers et du coup ça a dû tranquillement mettre fin à notre collaboration vu qu’il ne m’a rien proposé de nouveau et n’a pas dû apprécier le projet que je lui avais soumis. Du coup, le projet "Julien Ducasse" avec Jacques Pavot a été signé chez un plus petit éditeur "Cléopas". Pour ne pas trop en dévoiler sur cette série : Julien Ducasse est le fils d’un anarchiste mort au cours de la révolution de 1848 à Paris. Des années plus tard, lors d’une tentative d’attentat sur Napoléon III, il est pris dans les évènements et est arrêté. Un décret le fait envoyer au bagne de cayenne sous les yeux de sa belle qu’il jure de retrouver. Il s’évadera du bagne pour arriver au Mexique durant la guerre contre Maximilien. Il remontera par les Etats-unis ravagés par la guerre de secession, travaillera sur les docks de New-York avant de pouvoir se payer son billet retour pour la France. C’est sur les Barricades de Paris pendant la commune que se terminera l’histoire…
Sceneario.com : Quel est ton dernier coup de cœur pour une bande dessinée ?
Sandro Masin : Un des derniers albums que j’ai lu… Le Roi des singes T.1 – Bonifay, Meddour, Paitreau – Ed. Vents d’Ouest.
Sceneario.com : Quel est ton dernier coup de cœur pour un livre ?
Sandro Masin : Je lis très peu (par manque de temps). Les derniers ouvrages que j’ai lus sont ceux que j’ai adaptés en BD… Parmi ces derniers ma préférence va quand même au "Gardien du Feu" d’Anatole Le Braz.
Sceneario.com : Quel est ton dernier coup de cœur pour un film ?
Sandro Masin : Si c’est un film : "True Grit" des frères Coen. Si c’est une série : La mini série "Into the West" de Spielberg.
Sceneario.com : quel a été ton dernier coup de cœur pour une musique ?
Sandro Masin : The Elder Scrolls V : Skyrim (la BO du jeu).
Sceneario.com : Merci, Sandro, pour ce temps passé avec nous.
Sandro Masin : De nada. Gracias.
Interview du dessinateur Sandro Masin, marin voyageant au bout de son crayon.
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