Interview
Interview du scenariste Bruno Falba pour Antichristus
Sceneario.com : Bonjour, Bruno Falba.
Bruno Falba : Salut David ! :O)
Sceneario.com : Nous t’avions remarqué, il y a un an sur Le chant des Elfes Où en est cette série ? Le tome 2 approche ?
Bruno Falba : Il approche même à grand pas ! Et malgré la distance qui nous sépare, la cadence va bon train. Le centurion Mike Ratera avance en marche forcée sans dormir, ni manger, ni boire ! Aux dernières nouvelles, il dessinait Orléans, assiégée par Attila. Jean-Luc Istin & Jacques Lamontagne (Les Druides & Yuna – Soleil Productions, collection Soleil Celtic), nous dirigent avec toujours autant de passion.
Sceneario.com : Votre dernière parution est la sortie du premier tome de la série Antichristus dans la collection Secrets du Vatican. Après Soleil Celtic, une autre collection. Qui vous a proposé de la rejoindre ?
Bruno Falba : On ne change pas une équipe qui gagne ! :O)
Notre collaboration sur Le chant des elfes étant fructueuse, lorsque Jean-Luc Istin m’a appris qu’il lançait une collection ésotérique, je lui ai proposé le projet sur lequel je travaillais. Le scénario demandait quelques petits réglages, mais il répondait à ses attentes et à sa ligne éditoriale. Une fois les modifications réalisées, Antichristus a rejoint son nouveau catalogue.
Sceneario.com : Quel a été le point de départ pour écrire la série Antichristus ?
Bruno Falba : En fait, il n’y en a pas eu un, mais trois !
Le premier point de départ date de mon plus jeune âge. Depuis toujours, je me passionne pour l’ère Napoléonienne. Il me fallait concrétiser un rêve d’enfant… écrire un récit se déroulant durant cette période. Le cadre était choisi, la campagne d’Egypte. Cette expédition offre tous les éléments nécessaires pour constituer un grand récit d’aventure : batailles maritimes et terrestres, espionnage, complot, secret oublié, chasse au trésor, temples abandonnés, djihad, découvertes scientifiques, désert, peste… le tout sur fond d’histoire.
Mais avant d’en commencer la rédaction, il me fallait réunir toute la documentation nécessaire. Dur et long labeur que cette collecte d’informations. Nos ancêtres républicains écrivaient beaucoup à cette époque. Quoique nos voisins n’étaient pas de reste. Certains d’entre eux dessinaient aussi. Ils avaient la main facile pour caricaturer notre héros national. C’est le cas de James Girtin avec son fameux « Buonaparte, the monstrous beast ». L’auteur y démontre par un savant calcul (certes, tiré par les cheveux… et ma calvitie sait de quoi je parle) que « Buonaparte Napolean » n’était autre que la bête de l’Apocalypse citée dans l’Evangile de l’apôtre Jean.
Cette caricature est le second point de départ de Antichristus. Le lecteur attentif pourra la deviner dans la première scène d’action du tome 1 en page 11, case 7.
Ce genre de gravure peut paraître désuète de nos jours. Cependant, elle souligne les craintes que représentait l’ascension de Bonaparte aux yeux des monarques européens. Pour mémoire, l’enfant de la Révolution, le bras armé du Directoire a renversé le Vatican, mis fin à l’ordre de Malte, vaincu le Saint Empire Romain Germanique, supprimé l’ordre Teutonique et la Sainte Inquisition espagnole. On comprend mieux, à l’aube du XIXème siècle, qu’il fut considéré comme étant l’ennemi de l’Eglise et de ses croyants… en un mot, l’Antéchrist.
Le troisième point de départ provient d’une citation de Napoléon, qui disait « Une puissance supérieure me pousse à un but que j’ignore ; tant qu’il ne sera pas atteint je serai invulnérable, inébranlable ; dès que je ne lui serai plus nécessaire, une mouche suffira pour me renverser. »
Ce fut l’étincelle qui déclencha la rédaction de cette nouvelle série.
Sceneario.com : Est-ce que l’ésotérisme est un sujet qui vous plait ? Ou est-ce que c’est de parler de Napoléon qui vous a donné envie de vous plonger dedans ?
Bruno Falba : Les deux, mon général ! Bien avant que Le Pendule de Foucault d’Umberto Ecco m’hypnotise, mon frère aîné m’initiait aux sens cachés des choses. C’était au milieu des années 70. Outre son art consumé pour transmuter les tartes aux pommes de notre adorable mère en tas de miettes, Frédéric Falba à l’âge de l’adolescence était un fervent lecteur des éditions J’ai lu et plus particulièrement de sa collection ésotérique. Vous souvenez-vous de ces ouvrages à la couverture bordeaux ? Son accroche se résumait ainsi : « L’aventure mystérieuse du cosmos et des civilisations disparues ». Et à notre âge, ces quelques mots nous changeaient en mystiques convaincus. Nous dévorions des titres évocateurs, tel que Mu, le continent perdu de James Churchward, Les sociétés secrètes d’Arkon Daraul, ou La lance du destin, de Trevor Ravenscroft.
En revanche, aucun ouvrage sur Napoléon n’a vu le jour dans cette collection, pas même un petit mot sur ses liens avec la franc-maçonnerie…
Sceneario.com : Vous êtes-vous basé sur des faits historiques ? Comment colle-t’on la fiction et l’Histoire ?
Bruno Falba : Pour rendre un récit crédible aux yeux des lecteurs, il est nécessaire de coller au plus près de l’Histoire. Il faut aussi rendre le quotidien réaliste. Il se trouve que nous disposons d’une quantité incroyable de journaux, de mémoires, de témoignages sur l’aire napoléonienne. La traque de publications de cette époque, la visite de nombreux musées et de bibliothèques furent mon quotidien pendant des mois. J’ai ainsi réuni une masse conséquente de documents et recoupé mes informations.
Une fois cette étape du travail réalisée, j’ai construit le scénario et fait vivre les protagonistes en exploitant les zones d’ombre de l’histoire.
Sceneario.com : Comment s’est fait le choix du dessinateur ?
Bruno Falba : Pour cette série, il nous fallait un dessinateur familiarisé avec le Petit Caporal et ayant un style réaliste. Les auteurs francophones réunissant ces qualités étaient occupés sur d’autres projets. Jean-Luc a trouvé la perle rare et m’a proposé de collaborer avec Vladimir Aleksic. Très rapidement, il s’est imposé comme étant LE dessinateur de la série.
Sceneario.com : Pourquoi avoir demandé à Mikaël Bourgoin, l’illustrateur de la série intitulée Le Codex Angélique de faire la couverture ?
Bruno Falba : Pour deux raisons. La première est que nous sommes des fans absolus de son magnifique travail. La seconde, c’est que nous avions une idée précise du rendu de la couverture que seul Mikaël pouvait obtenir. Nous souhaitions nous inspirer d’un tableau d’Arnald George. On y voit l’Orient, le navire amiral de l’escadre française, exploser lors de la bataille d’Aboukir. La couverture devait être traitée comme une toile de maître. Elle devait évoquer tous les aspects du récit, sans pour autant en déflorer le sujet. Après lui avoir envoyé le scénario et répondu à toutes ses questions, Mikaël s’est mis immédiatement à l’ouvrage. Il nous a soumis ses propositions et nous en avons retenu une, celle que vous connaissez et qui illustre si bien le tome 1.
Sceneario.com : Avez-vous travaillé de la même façon avec Mike Ratera et Vladimir Aleksic ?
Bruno Falba : Outre leurs styles graphiques différents, Mike Ratera et Vladimir Aleksic se différencient par un point, leur nationalité. Mike est catalan et Vladimir, serbe. Un détail est à noter. Le premier parle couramment le français, contrairement au second. Quant à moi malheureusement, je ne suis pas familiarisé avec le serbe. Aussi, le doute s’est installé au tout début de notre collaboration. J’ai eu un peu peur de cette satanée barrière de la langue. Mais face aux problèmes, notre directeur de collection n’a que des solutions. Cet obstacle a été supprimé en deux coups de cuillère à pot grâce à Csaba Kopeczky, notre traducteur hongrois et agent de Vladimir.
Notre méthode de travail est donc restée sensiblement la même que pour Le chant des elfes :
1) j’envoie par e-mail le scénario à Jean-Luc. Une fois validé, il est envoyé à…
2) Csaba, qui le traduit scrupuleusement et le fait suivre à…
3) Vladimir. Ce dernier réalise un story-board, avant de passer à l’encrage de la planche. Autre différence avec Mike, qui saute cette étape en brunissant le trait à l’aide de Photoshop. Ensuite, les planches sont livrées par tranche de 5 à…
4) Antoine Quaresma, le coloriste (La légende de la mort ; Le testament des siècles – Soleil Productions, collection Secrets du Vatican). La réactivité et le talent de notre ami de Brive-la-Gaillarde apportent à la série la qualité dont on rêvait.
5) Enfin, notez que dans cette équipe masculine, la petite touche féminine a été confiée à Violaine Le Mer de Soleil Production, pour le lettrage.
6) Le tout est récupéré par une autre fille de Soleil, l’assistante d’édition, Audrey Dauphin.
Sceneario.com : Qu’est ce qui nous attend par la suite ?
Bruno Falba : Un tome 2. Cool, non ? :O)
Plus sérieusement, la même équipe est au rendez-vous pour ce nouvel opus. Les premières planches ont été livrées. Donc patience, la suite est pour l’année prochaine et l’aventure se déroulera en Egypte.
Sceneario.com : As-tu d’autres projets à venir cette année ?
Bruno Falba : Si tout se déroule comme nous le souhaitons, une nouvelle série devrait voir le jour. Les planches sont coloriées en ce moment. Parallèlement, nous travaillons sur l’habillage de l’album (couverture, 4ème de couverture, pages de gardes, page titre, etc.) avec Laurent Arnaud, le responsable du studio graphiste de Soleil. Le titre est Confessions d’un Templier. Le dessinateur est l’excellent Fabio Bono. Pour le reste, je vous donne rendez-vous au mois d’octobre 2009 !
Sceneario.com : Au fait, un réalisateur danois, Lars Von Trier, a sorti un film intitulé Antichrist quasiment en même temps que votre Antichristus. Etrange coïncidence. Etes-vous allés voir son film ?
Bruno Falba : C’est exact, le film de Lars Von Trier est quasiment sorti en même temps que notre Antichristus. Etrange certes, voyez ici le pur fruit du hasard. Nous n’étions absolument pas au courant de l’existence de son film, lorsque nous avons signé le contrat du tome 1. Je suis allé le voir bien sûr, et j’ai eu l’heureuse surprise de constater qu’ils étaient très loin l’un de l’autre tant par le fond et la forme. Si Antichrist est une histoire bâtie sur un long voyage dans l’horreur, Antichristus est une aventure de genre ésotérique construite sur l’Histoire, sans le moindre fantastique.
Sceneario.com : Vous avez aussi participé à une expérience, à une manifestation de dédicaces à bord d’un navire. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
Bruno Falba : Cette excellente initiative provient du commandant du TCD Foudre, Emmanuel Gué, qui a organisé une séance de dédicaces à bord de son bâtiment. L’espace de trois jours, un navire de guerre de la Marine Nationale s’est transformé en passerelle reliant les militaires et les civils au travers d’une même passion, la Bande Dessinée. C’est la seconde année consécutive que se produit ce festival. Et il faut absolument tirer une salve d’honneur à cet officier de la Royale qui, par vent et marées, a réussi à obtenir les autorisations, faire coïncider le calendrier des sorties en mer et occuper le quai d’honneur de l’arsenal de Toulon. Ce qui n’est pas une mince affaire. Jusseaume (Tramp– Dargaud), Pellerin (L’épervier – Soleil), Cailleaux (R97, les hommes à terre – Casterman) et Juszezak (Dantes – Dargaud) sont venus vivre sur le Foudre et dédicacer leurs albums. Des expositions attendaient les visiteurs. La première était dédiée à la série Tramp et Les aventuriers de l’Aber. A ce propos, le scénariste de ce dernier n’est autre que le commandant Emmanuel Gué. La seconde concernait la philatélie et la BD avec des prêts-à-poster. Et la troisième permettait d’admirer les magnifiques cadres d’Agnés K7.
Une autre originalité attendait les amateurs de BD. Elle concernait l’accession au bateau par voie maritime à bord d’un chaland, depuis le quai Cronstadt sur le port de Toulon.
Ma maigre contribution à cette superbe manifestation a juste consisté à m’occuper de la logistique BD, avec la librairie spécialisée, Bédule.
Sceneario.com : Y aura-t’il une nouvelle manifestation de ce genre ?
Bruno Falba : Bonne nouvelle pour ceux qui n’ont pas eu la chance de se joindre à la fête. Le commandant Emmanuel Gué m’a confirmé que le nouveau Pacha souhaitait renouveler la manifestation l’année prochaine. Je vous tiendrai au courant dès que j’en saurai plus. Promis !
Sceneario.com : Quel a été ton dernier coup de cœur pour une BD ?
Bruno Falba : A bord de l’étoile Matutine, de Pierre Mac Orlan, adapté par Riff Reb’s… un chef d’œuvre. Tout y est bon. L’adaptation en elle-même, la narration, le dessin, la couleur, la couverture (en papier mat !), le papier… TOUT J’VOUS DIS ! Et si vous ne l’avez pas lu… Mille sabords ! Voguez vite chez votre libraire spécialisé. Vous ne le regretterez pas. ;O)
Sceneario.com : Votre dernier coup de cœur pour un film ?
Bruno Falba : Plutôt que de parler de mon coup de cœur, je tiens à parler de mon « coup au cœur ». Je viens juste de voir Demain dès l’aube et je l’ai trouvé affligeant. Mathieu (Vincent Pérez) est un pianiste. A la demande de sa mère souffrante, il va veiller sur Paul (Jérémie Renier), son frère cadet atteint de schizophrénie. Ce dernier est passionné de reconstitution historique, ayant pour thème le 1er Empire Français. Très vite, il va prendre son loisir pour la réalité. Mathieu va tout faire pour l’extraire de son jeu de rôle.
Tout comme l’avait fait Mireille Dumas avec son émission Bas les masques par le passé, le réalisateur Denis Dercourt fait du sensationnalisme avec les « rôlistes » (qui jouent autour d’une table de jeu) et les « reconstituteurs » ou « reconstitueurs » (qui participent à des reconstitutions historiques en costume) en mélangeant ces deux activités qui n’ont aucun lien. Il est regrettable qu’il fasse passer ces amateurs de simulations pour des fanatiques et autres grands malades. Surtout lorsque l’on sait que tous les figurants ont aimablement apporté leur aide au tournage et de manière bénévole ! L’univers et la psychologie de ceux qui pratiquent ces hobbies n’ont strictement rien avoir avec le portrait que nous tire le réalisateur. De nombreux historiens travaillent sur leur période de prédilection en mettant en pratique leur théorie historique. Cette démarche permet de mieux appréhender chaque aspect d’une époque. C’est ce que l’on appelle de l’archéologie expérimentale. Certes, tous les participants ne sont pas historiens, mais tous pratiquent cette activité avec un bon esprit.
Monsieur Dercourt, s’il vous plaît, retournez plutôt à la musique et faites-nous un bel album de musique.
Sceneario.com : Tiens, la transition est toute faite… parlez-nous de votre dernier coup de cœur pour une musique !
Bruno Falba : Mmmh… La fanfare Tambours & Fifres, avec leur album Entre Sambre et Meuse. Non, Denis Dercourt ne la dirige pas. Elle permet de s’immerger dans l’ambiance des campagnes napoléoniennes. Les amateurs de reconstitutions historiques la reconnaîtront. ;O)
Sceneario.com : Pour un livre ?
Bruno Falba : Ah ! Une vieillerie poussiéreuse, mais très intéressante au demeurant, surtout pour les rats de bibliothèques. Pour me changer les idées, j’ai renoué avec une petite occupation que j’avais au lycée… la traduction de texte en vieux français. Les chroniques de Templier de Tyr datent du XIIIème siècle. Son auteur n’était autre que le secrétaire particulier de Guillaume de Beaujeu, le grand maître de l’ordre du Temple, mort au combat lors du siège de Saint-Jean d’Âcre en 1291. Il a été témoin des dernières heures des Etats Latins d’Orient. C’est fascinant !
Sceneario.com : Merci pour ce temps passé avec nous et souhaitons un bon succès à Antichristus.
Bruno Falba : Merci pour votre invitation sur sceneario.com . C’est toujours un plaisir de vous retrouver.
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