Interview
Je suis Cathare, par Alessandro CALORE
Sceneario.com : Bonjour Alessandro, peux-tu te présenter à nous et nous expliquer ton parcours d’auteur ?
Alessandro Calore : Mon parcours de dessinateur débute en Italie, pays où j’habite. J’ai commencé à dessiner à l’âge de 26 ans pour l’hebdo BD ‘IL GIORNALINO’ avec lequel j’ai réalisé, sur pratiquement deux années, douze histoires brèves. ‘IL GIORNALINO’, en Italie, c’est une revue de bandes dessinées pour ados au passé historique éloquent (publiant depuis les années 60). Par conséquent, mon travail sur ces pages a été pour moi très formateur. Une fois interrompue cette collaboration, après quelques difficultés dues aussi à la situation du marché editorial italien, je suis entré dans l’équipe qui travaillait sur "Kylion", une série mensuelle de DISNEY ITALIE – inventée par Francesco Artibani et Giulio DeVita, dont j’ai dessiné deux épisodes de 60 planches chacun. En outre, parallelèment à l’activité de dessinateur, depuis les temps de IL GIORNALINO, je travaille aussi comme enseignant à l’École de Bande dessinée de Pescara.
Sceneario.com : "Je suis Cathare" est, semble-t-il, ton premier ouvrage de bandes dessinées tiré à grande échelle. Qu’as-tu ressenti en voyant ton album à la vente chez les libraires ?
Alessandro Calore : Ce n’est pas facile de décrire cette sensation. Je suis encore ému puisque la sortie du livre est relativement récente. J’ai fait un petit tour dans les librairies parisiennes à l’occasion de cette splendide expérience qu’a été mon premier voyage au Festival d’Angoulême. J’ai éprouvé des émotions contrastées : j’ai ressenti évidemment beaucoup d’enthousiasme et de satisfaction pour ce rêve réalisé, et bien sûr un peu de peur et d’anxiété. Ces sentiments sont, je crois, utiles pour me pousser à m’améliorer dans mes prochains travaux.
Sceneario.com : Comment as-tu été contacté par Makyo ?
Alessandro Calore : Je concluais ma collaboration avec Disney Italie lorsque j’ai fait la connaissance du dessinateur Sicomoro, collaborateur de Makyo depuis de nombreuses années, lequel, après avoir vu mes dessins, les a montrés à Makyo. Ce dernier a bien aimé mon travail, et m’a proposé son projet en me demandant de realiser des essais. Stimulé par le travail, l’atmosphère, la profondeur et l’humanité des personnages et les thématiques traitées, je réalisai ces essais avec passion. Et c’est comme ça que notre association a débuté.
Sceneario.com : Connaissais-tu déjà le scénariste par ses différentes œuvres ou pour l’avoir croisé ?
Alessandro Calore : Je ne le connaissais pas personnellement. J’avais lu quelques écrits, mais malgré la richesse éditoriale du marché français, peu de livres arrivent vraiment en Italie, (et vu aussi que je n’ai pas eu l’opportunité de voyager souvent et de suivre de près la splendide réalité éditoriale française), je ne le connaissais pas bien. Je savais toutefois qu’en France il était un auteur beaucoup plus connu et même pour les séries écrites et dessinées par lui-même. J’ai eu l’occasion, seulement après le début de notre collaboration, de découvrir et d’apprécier des oeuvres telle "Le coeur en Islande" que j’aime beaucoup.
Sceneario.com : Compte tenu de la différence de langue et de la distance qui vous sépare, comment s’est passée votre association ?
Alessandro Calore : Je dirais très bien parce que, même si le scénario m’est envoyé traduit en italien, je dois dire que l’écriture de Makyo est très claire. Dans la description d’une scène, il arrive toujours à définir son objectif, principalement quant à la perception des sensations et émotions. Avec lui, ce n’est jamais difficile pour ma part, de trouver les idées pour les cadrages. Naturellement, préalablement au travail d’une histoire, on s’échange toujours quelques idées en communiquant via internet. Successivement, je lui permets de suivre mon travail en lui envoyant au fur et à mesure les planches que je réalise.
Sceneario.com : Qui a choisi l’apparence physique de Guilhem ? Le scénariste ou toi-même ? et pourquoi lui avoir donné cette mine nostalgique ?
Alessandro Calore : C’est moi qui ai choisi l’aspect du protagoniste. Après avoir lu le scénario et avoir refléchi sur les sentiments de Guilhem, je ne sais pas pourquoi, dans ma tete s’est configurée un visage près de celui de l’acteur Adrien Brody. Peut-être pour la charge émotive de ses expressions. Même si sûrement Guilhem n’est pas sa photocopie, j’ai essayé de travailler principalement sur les yeux de l’acteur. Je n’ai pas fait aucun rough du personnage. J’ai dessiné directement dans les cases avec cette idée en tête. Ma tentative de donner à Guilhem un aspect nostalgique est liée aux implications émotives de son passé, qui pendant l’histoire, à cause de l’amnésie qui le frappe, l’afflige énormément. Il était utile que ce personnage soit en totale corrélation avec les textes de Makyo, qui faisaient apparaître Guilhem un peu désorienté tout en lui faisant subir le sens des responsabilités et de son adaptation. Pour moi, son effigie devait refléter la condition d’une culture et d’une religion dont le destin est désormais marqué.
Sceneario.com : As-tu été obligé de te documenter sur cette époque médiévale et sur les mœurs des Cathares ?
Alessandro Calore : La phase de documentation a été très significative en termes de temps. Au sujet de cette période du Moyen-Âge, j’ai consulté beaucoup de livres et de revues, j’ai étudié les quelques films qui me semblaient les plus intéressants. J’ai aussi demandé de l’aide à des experts d’histoire médiévale pour tout ce qui concerne les vêtements, les milieux, les châteaux, les monastères et tous les détails que j’ai insérés. Quelques monastères et châteaux, dans la série, n’ont pas de références précises. Toutefois, alors que j’étais en train de "les construire", j’ai cherché à suivre les critères architecturaux relatifs à ceux réellement existant dans ces lieux. En ce qui concerne plus précisément les coutumes des cathares, n’ayant pas trouvé, pendant mes recherches, une documentation iconographique significative, j’ai travaillé sur le sens de la précarité dans laquelle on imagine plongés les derniers cathares clandestins.
Sceneario.com : Est-ce que Makyo a eu des exigences particulières pour le dessin de façon à t’obliger à modifier ton style graphique habituel ?
Alessandro Calore : Absolument pas, Pierre m’a laissé complètement libre. C’est moi qui ai cherché à me mettre au service de l’histoire, en changeant radicalement ma façon de dessiner d’avant cette association. Cette remise en question du dessin n’a pas fait l’objet d’une étude préparatoire préalable à l’aventure mais a été directement expérimentée, d’abord sur les essais, et ensuite sur les planches.
Sceneario.com : Ton coup de crayon est très réaliste. Quelle est ta façon de travailler ?
Alessandro Calore : Le plus traditionnellement possible. Je prends toujours soin de la réalité. En ce qui concerne les personnages, je copie quelques vrais visages, et je retranscrits les expressions et attitudes en évitant de toute façon de travailler d’après photos. J’utilise beaucoup le miroir et, lorsque je peux, je m’inspire de tous les objets et tissus que j’ai chez moi, et qui peuvent m’être utiles : sacs de lin, tissus laineux, cuir, bois etc…
Sceneario.com : Avec un peu de recul, que penses-tu de l’idéologie Cathare et de ceux qui la combattaient ?
Alessandro Calore : Évidemment, je me suis passionné pour cette histoire des Cathares. L’ouvrage que Makyo et moi-même avons réalisé est une bande dessinée d’aventures qui narre les événements de personnages naturellement inventés (comme aussi, bien sûr, l’ordre chevaleresque qui entre en scène dans la dernière partie de l’histoire), mais qui s’inspire d’une idée parfaitement plausible d’un point de vue historiographique: c’est-à-dire l’existence, même après les croisades et la répression de la part de l’Église, des derniers cathares clandestins qui vaguaient en continuant à professer leur foi et leur spiritualité en fuyant de l’inquisition.
Sceneario.com : Où en es-tu de la suite des aventures de Guilhem ?
Alessandro Calore : En cet instant, je suis pratiquement à la moitié du travail du deuxième épisode. J’espère finir rapidement pour pouvoir partager avec les lecteurs ce nouveau récit inscrit dans la continuité graphique du précédent. Toutefois, j’ai cherché à améliorer le dessin et à conférer encore plus d’humanité et réalisme aux personnages.
Sceneario.com : Travailles-tu sur d’autres projets, d’autres partenariats en même temps que "Je suis Cathare" ou es-tu de ceux qui finalisent la série en cours avant d’en entamer une autre ?
Alessandro Calore : En ce moment, il n’y a que JE SUIS CATHARE. Je préfère conclure la série avant de penser à un autre projet.
Sceneario.com : Merci d’avoir répondu à ces questions en te souhaitant pour cette série tout le succès que tu espères !
Alessandro Calore : Merci à toi pour les questions et tes souhaits! A très bientôt, ciao !
Sceneario.com remercie également Luca Blengino pour sa grande aide à la traduction des réponses de l’auteur interrogé.
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