Interview

Jean-Louis THOUARD

(LES VISUELS SONT DES EXTRAITS. CLIQUEZ DESSUS POUR LES REMETTRE DANS LEUR CONTEXTE)

Sceneario.com : Bonjour, Jean-Louis Thouard. Pouvez-vous vous présenter pour nos amis scenearionautes ? Comment en êtes-vous arrivé à faire de la BD ?

Jean-Louis THOUARD : J’ai fait l’école des Arts Décos de Strasbourg ainsi qu’une licence en Arts Plastiques. Je suis illustrateur depuis déjà quelques années et j’ai travaillé pour pas mal d’éditeurs (en albums jeunesses, couvertures…). J’ai même écrit certaines de mes histoires (chez Gallimard, Gründ…). Développer mon univers en bande- dessinée était un désir que j’avais depuis longtemps. C’est ma rencontre avec Roger Seiter qui m’a mis le pied à l’étrier puisque nous avons monté le projet Edgar Poe ensemble.

Sceneario.com : Quelles ont été vos influences graphiques, vos inspirations ?

Jean-Louis THOUARD : En règle générale, c’est assez éclectique. Ca peut aller des peintres « classiques » à l’art contemporain. Beaucoup de peintres comme Goya, Soutine, Delacroix, Otto Dix, Rembrandt, Cy Twombly, Le Greco ou encore Egon Schiele (et oui,rien que ça!). Et bien entendu, dans ma jeunesse, beaucoup de dessinateurs m’ont énormément marqué tels Liberatore, Bilal, Moebius, Druillet et plein d’autres ! Plus récemment, des illustrateurs comme Yoji Shinkawa, Craig Mullins, De Crecy, Samura, Yoshitaka Amano, Jeffrey Jones…

Sceneario.com : Vous êtes l’illustrateur d’une nouvelle série écrite par le scénariste de Fog et de Wild River, Roger Seiter. Chez Casterman. Elle se nomme Histoires Extraordinaires d’Edgar Poe. Le premier tome est d’ailleurs une libre adaptation de la nouvelle Le scarabée d’or. Pouvez-vous nous parler de la naissance de ce projet ?

Jean-Louis THOUARD : Tout a débuté par un coup de téléphone que j’ai passé à Roger. J’aimais les ambiances qu’il avait créées dans Fog et j’ai commencé par lui proposer de bosser sur une histoire qui se passerait en Amérique dans les années 1920. Mais cette époque ne lui parlait guère. J’ai alors évoqué l’univers de Poe. Et là, ça a fait tilt. J’avais en tête les nouvelles de style gothique de Poe (genre Metzengerstein, Usher…) mais nous sommes tombés d’accord sur « Le scarabée d’or » qui dose un subtil mélange d’aventure et de fantastique. Tout est dans l’ambiance à la fois psychologique d’Edgar Legrand (qui semble fou, obsédé par ces codes secrets abscons) et dans le background de cette île mystérieuse, autrefois fréquentée par les pirates du terrible Capitaine Kidd.

Sceneario.com : Comment travaillez-vous avec Seiter ? Avez-vous votre mot à dire sur le scénario ? Y amenez-vous aussi vos idées ?

Jean-Louis THOUARD : Dans l’élaboration du premier tome « Le scarabée d’or », l’adaptation est très fidèle à la nouvelle de Poe. C’était donc un tour de force pour Roger de respecter l’intrigue tout en introduisant quelques éléments qui puissent prolonger l’aventure des héros. De mon côté, j’ai suggéré quelques apparitions plus fréquentes du pirate Kidd (en flashback). Notre travail est fait d’échanges d’idées. C’est très important pour moi de pouvoir m’approprier l’histoire graphiquement et de lui donner ma vision.

Sceneario.com : Pourquoi avoir choisi cette adaptation du Scarabée d’or pour lancer la série ?

Jean-Louis THOUARD : D’un commun accord avec Roger il nous a semblé intéressant de débuter par une nouvelle très connue de Poe (puisque c’est celle qui l’a rendu célèbre). De plus, son format se prête bien à une adaptation en 46 planches et tous les ingrédients forts s’y trouvent réunis parmi lesquels un message secret découvert par hasard dans des circonstances étranges… Intrigant, non ?!? Je crois d’ailleurs que c’est la première fois que cette nouvelle est adaptée en BD.

Sceneario.com : Etes-vous un admirateur de l’œuvre de Poe ?

Jean-Louis THOUARD : Oui, depuis l’adolescence je relis régulièrement ses nouvelles fantastiques. C’est en fait un des rares auteurs (si ce n’est le seul) que j’ai relu plusieurs fois, à différents moments de ma vie.

Sceneario.com : Quelle est votre méthode de travail ?

Jean-Louis THOUARD : Extrèmement simple: je me documente pas mal sur l’époque, les costumes, les lieux, les objets afin de m’immerger dans l’histoire et d’y poser mes « repères ». Ensuite je crayonne mes recherches, détermine mon découpage et mes cadrages. Je n’encre mes planches qu’une fois que je suis sûr et satisfait de mon dessin. Puis, enfin, ma mise en couleur se fait avec des encres acryliques en « couleur directe ». Là encore j’essaie de créer des ambiances denses, avec des textures, des matières… Je cherche à faire en sorte que ma couleur apporte ce que le dessin narratif ne peux pas vraiment faire à lui seul : donner de la profondeur et un supplément d’âme à l’histoire.

Sceneario.com : Comment avez-vous choisi vos personnages principaux ? Leurs apparences ? Car je trouve que Wilson et Legrand ont un fort potentiel et du charisme.

Jean-Louis THOUARD : Vous savez, je crois que dans le travail de longue haleine que représente l’élaboration d’une BD, il faut aimer ses personnages. Mais les aimer vraiment. C’est à dire avoir envie de faire du chemin avec eux et de découvrir leur potentiel. Ils doivent être capables de vous surprendre ! Pour Wilson et Legrand, je voulais des personnages énigmatiques, presque ambigus, dont l’aspect physique puisse laisser deviner des démons enfouis. Peut-être est-ce pour ça qu’ils ne laissent pas indifférent et que l’on a envie de voir ce qu’ils ont en eux !

Sceneario.com : Que nous préparez-vous pour les tomes à venir ? Avez-vous d’autres projets dans vos cartons ?

Jean-Louis THOUARD : Je bosse sur le tome 2 des Histoires Extraordinaires. Il devrait pas mal surprendre ceux qui s’attendraient à une adaptation « fidèle » de Poe. Avec Roger, nous avons joué de différents éléments de son univers dont « La chute de la maison Usher ». Mais complètement revisitée ! C’est très excitant en terme de création ! En même temps, je réalise des illustrations de contes et des couvertures pour différents éditeurs (je suis notamment l’illustrateur de « La Quête d’Ewilan » et du « Pacte des Marchombres » de Pierre Bottero).

Sceneario.com : Lisez-vous d’autres bandes dessinées ? Quel a été votre dernier coup de cœur pour une BD ?

Jean-Louis THOUARD : Je lis des BD et beaucoup d’autres choses. Je trouve les livres (en tant qu’objets) tellement séduisants, intrigants. J’adore le travail de David Sala et Jorge Zentner sur la série Nicolas Eymerich inquisiteur.

Sceneario.com : Votre dernier coup de cœur pour un roman ?

Jean-Louis THOUARD : « Le Duel » de Joseph Conrad.

Sceneario.com : Votre dernier coup de cœur pour un film ?

Jean-Louis THOUARD : « L’assassinat de Jesse James » de Andrew Dominik et « There will be blood » de Paul Thomas Anderson. (ça reste assez dans l’époque de Poe, en fait).

Sceneario.com : Et pour une musique ?

Jean-Louis THOUARD : Le dernier album des The Kills mais aussi celui de PJ Harvey et de Thee, Stranded horse.

Sceneario.com : Nous vous remercions beaucoup pour ce temps passé avec nous.

Jean-Louis THOUARD : C’est moi qui vous remercie.

Publicité