Interview

La rencontre de Mister Hyde avec Frankenstein vue par DOBBS

Bonjour Dobbs,

Sceneario.com : Au mois de mars dernier, est sorti ton nouvel ouvrage Mister Hyde contre Frankenstein consacré à deux illustres personnages de romans chers à Robert Louis Stevenson et Mary Shelley. Qui est à l’origine de ce mixage pour le moins intrigant et pourquoi, au travers de ta fiction, avoir choisi de les remettre au goût du jour en mêlant les deux ambiances fantastiques qu’ils véhiculent?

 

Dobbs : Alors, pour cet ouvrage c’est une idée commune que nous avons eue avec Jean-Luc Istin, le directeur de collection de 1800. On se disait quel type de cross-over psychologique et physique pourrions-nous mettre en avant dans une ambiance assez glauque…

L’intérêt s’est très vite porté sur ces deux créations/créatures qui sont un peu le fer de lance d’un premier mouvement de la science fiction et du gothique. Les deux romans portant aussi en eux des éléments classiques liés au romantisme et à la fatalité, ainsi que de grands questionnements sur l’humanité, la morale et la science.

Sceneario.com : N’est-il pas un peu osé d’arriver à un tel brassage scénaristique. Ne crains-tu pas de dénigrer, un temps soit peu, les œuvres originales et de subir la foudre des puristes ?

 

Dobbs : Pour moi, c’est plus qu’un hommage…

C’est aussi une humble contribution à ce double univers qui pourrait d’ailleurs servir de pont entre les œuvres. De plus, ce type de « brassage » n’est pas nouveau puisqu’il a déjà été effectué depuis longtemps au cinéma américain et anglais – il n’y a qu’à (re)voir les films désormais historiques de la Universal et de la Hammer. J’ai travaillé, en ce qui me concerne, dans le plus grand respect des ouvrages de Shelley et de Stevenson (même si forcément j’ai pris des libertés, notamment sur le personnage de Walton). C’est peut être aussi une occasion nouvelle de faire découvrir ces écrits à ceux qui ne les connaissaient pas…

Sceneario.com :Pour les besoins de ta fiction, qu’elle a été ta méthode de travail, aussi complexe soit-elle, pour arriver à concilier Hyde et Frankenstein ?

 

Hyde

Dobbs :J’ai commencé par une grosse relecture des livres, avec une prise de notes volontairement chaotique. Un peu de recul m’a permis ensuite d’effectuer un travail de pistes et d’hypothèses entre les personnages existants, et aussi d’insérer nombre de références réelles et historiques pour assimiler ce terrain et le faire mien. Le point de départ était le refus personnel de la fin du roman de Shelley, comme on peut le voir d’ailleurs dans certains films fantastiques…

Le pont entre les deux ne pouvait se faire que dans la création d’un personnage à part, et ce fût la naissance de Faustine Clerval, une descendante du confident de Victor Frankenstein (qui porte un prénom évidemment connoté, accessoirement aussi celui de ma propre fille).

Sceneario.com : Si je te demande de choisir entre les deux personnages, pour qui opterais-tu ? Et pourquoi ?

 

Dobbs :Ni Hyde, ni le monstre de Frankenstein mais plutôt l’un des deux docteurs, qui sont à mon sens de vrais chercheurs de vérité et les scientifiques fous d’une époque puritaine… Donc en me positionnant, je dirai Jekyll en fait… J’ai botté en touche là, non ?

 

Faustine

Sceneario.com : Cette saga détonante vient intégrer la toute nouvelle collection 1800 de chez Soleil dont le responsable est Jean-Luc Istin. Peux-tu nous en dire quelques mots et expliquer comment tu as été associé à celle-ci ?

 

Dobbs : Après mes expériences en one-shot dans la collection Serial Killer (Ed Gein et Ted Bundy), Jean-Luc voulait me donner de vraies opportunités de construire des récits plus complexes, et comme j’avais pas mal d’idées sur le 19eme siècle (que j’adore comme contexte), je n’ai bien sûr pas raté cette opportunité d’intégrer cette toute nouvelle collection. Nous avons eu pendant l’écriture du tome 1 de longues discussions sur des pistes littéraires ou non, des hypothèses improbables et des cross-overs très fun, ce qui a permis de prévoir des projets parallèles à Mister Hyde contre Frankenstein.

Sceneario.com : Au regard des derniers albums Ed Gein, Ted Bundy et Mister Hyde contre Frankenstein auxquels ont participé des dessinateurs italiens chevronnés, on a l’impression que tu es sensible au style graphique des auteurs sortis de « l’école italienne ». Comment s’est réalisée ta rencontre avec Antonio Marinetti ? Quels ont été les critères de sélection ? Dans quelles mesures vous êtes-vous répartis le travail ?

 

Dobbs : J’aime travailler avec des dessinateurs aux styles différents, c’est une énorme coïncidence de n’avoir pour le moment collaboré qu’avec des Italiens (cela est en train de changer avec DimD avec qui je travaille pour les Mines du Roi Salomon). En ce qui concerne Antonio Marinetti, il s’agit d’un de ces mariages arrangés qui marche remarquablement bien (Antonio avait déjà dessiné pour Soleil pour les Carnet secrets du Vatican et se trouvait libre lorsque mon scénario est arrivé dans les mains de Jean-Luc. Antonio travaille rapidement et comprend parfaitement le style cinématographique que j’affectionne à l’écriture et au découpage : ça ne pouvait que coller. Antonio a été très bon dans sa partie, il voyait parfaitement les pistes que j’avais lancées et le rendu final est très fidèle à ce que j’avais en tête : glauque, classique, rehaussé par la sobriété des couleurs de Virginie qui a fait un travail génial.

Sceneario.com : Le travail de colorisation est également remarquable dans cet album. Comment Virginie Blancher a été associée à cette aventure ténébreuse ? Qui a eu le dernier mot dans le choix des couleurs ?

 

Dobbs : Je cherchais un coloriste pour ce style graphique et au détour d’une conversation avec l’un de mes ennemis d’écriture (Thierry Gloris), ce dernier m’a orienté vers Virginie qui finissait son Waterloo 1911. Finalement les choses sont allées très rapidement ensuite…

J’ai travaillé avec elle au fur et mesure pour caler le rendu couleurs sur une lecture très classique, et atténuée sur les tons, ce qui permettait de plonger les lecteurs dans un vrai récit à ambiance. Elle travaille actuellement sur le tome 2 et elle n’a pas perdu la main, croyez-moi !

 

Hyde2

Sceneario.com : Comment s’est fait le choix des personnages, de leur physionomie, de leurs secrets, de leurs agissements ?

 

Dobbs : Pour le monstre ça a été simple, plusieurs essais très référentiels (cinéma, jeu vidéo) ont été faits, et un compromis a été trouvé : la dernière page a déjà fait couler pas mal d’encre hehehehe… Jekyll a été plus difficile à saisir, mais le côté chauve fut une piste finalement conservée du fait des expériences qu’il conduisait (il a une dermite, pourquoi pas une chute massive de cheveux comme effet secondaire ce qui lui donne un air très Lex Luthor).

Le personnage le plus long à mettre en place a été celui de Faustine Clerval (qui se devait d’éviter le rapprochement simpliste avec Mary Reilly). Mais au final le charme discret opère avec cette belle jeune femme brune qui doit rester dans l’ombre de son maître. Un nombre incroyable de commentaires et de retours des lecteurs ont été faits sur elle, ce qui tendrait à prouver qu’on ne s’est pas trop plantés la concernant et qu’elle a marqué les esprits. C’est très agréable pour un auteur.

Sceneario.com : Le 2ème tome est déjà prévu pour le mois d’aout. Pourquoi une telle précipitation ? Est-ce à dire que Marinetti est déjà bien avancé dans son travail ou est-il homme à travailler plus vite que son ombre ?

 

Dobbs : Il n’y a aucune précipitation, juste une volonté d’être réactif pour les lecteurs en retardant la sortie du tome 1 et éviter ainsi d’avoir trop d’attente entre les deux tomes. Virginie a commencé son travail de couleur en avril sur le livre 2, car Antonio a déjà fini sa tâche sur l’album. Je suis le premier à pester pour avoir rapidement les suites d’albums que j’achète pour ne pas perdre le fil et l’intérêt, c’est logique. J’avais déjà fini d’écrire le tome 2 avant la fin de l’encrage du tome 1, Antonio a juste embrayé sur la suite…

Sceneario.com : La collection 1800 semble t’inspirer puisque tu prévois d’autres participations en son sein (Allan Quatermain et les mines du roi Salomon, Alamo). Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Dobbs : J’ai eu un gros travail d’adaptation à faire sur l’œuvre de Sir Henry Rider Haggard (Les mines du roi Salomon) que dessine et colorise en ce moment DimD. Nous avons eu tous les deux envie de traiter ce matériel le plus respectueusement possible, tout en « remastérisant » la narration de ce monument d’aventure de type « Lost world » pour l’alléger quelque peu. Le tome 1 sortira à la rentrée prochaine.

Quant à Alamo, il s’agira d’une version très personnelle de la chute du fort du même nom et de ses défenseurs face à l’armée mexicaine : un événement majeur et tragique de la guerre d’indépendance du Texas, que l’on connait surtout par le film trop héroïsant de John Wayne. Fabio Pezzi, un autre Italien de Bonelli, y travaille actuellement et c’est juste un bonheur incroyable de fabriquer de nos petites mimines un western de cette nature là…

Sceneario.com : En parallèle de cette collection, as-tu d’autres projets en pleine gestation dont tu pourrais évoquer ici quelques bribes ?

 

Dobbs : Plusieurs séries sont en cours d’élaboration pour les collections Celtic et Secrets du Vatican chez Soleil, mais chuttttttt. Et je prépare aussi une série très personnelle (et beaucoup plus développée que les diptyques de Hyde, Alamo et Quatermain) pour la deuxième saison de 1800…

Sceneario.com : Merci du temps passé à répondre à nos questions et à très bientôt !

 

Dobbs : C’est moi qui te remercie.

A très bientôt, pour de nouvelles aventures…

 

 

Publicité