Interview

Christian LAX, L’Aigle sans Orteils

Interview réalisée par Aub.

L’album de Christian Lax, L’Aigle sans Orteils à reçu LE PRIX 2005 DES REDACTEURS DE SCENEARIO.COM

Sceneario.com : Lax, bonjour. Je suis vraiment heureux de vous rencontrer aujourd’hui tout d’abord car j’apprécie particulièrement votre travail, mais aussi car je suis fière de vous annoncer que l’équipe de Sceneario.com, constituée de 15 rédacteurs, a désigné votre album « L’Aigle sans Orteils » meilleure Bande Dessinée 2005. Nous vous avons donc attribué le « PRIX des rédacteurs de Sceneario.com ».
LAX :
Mais c’est très bien, je vous remercie. C’est très plaisant. Cet album a une belle vie, il est apprécié par beaucoup de monde, il a eu pas mal de prix, merci encore à vous et votre équipe.

Sceneario.com : Hier vous avez reçu le prix Oecuménique de la Bande Dessinée, qu’est ce qu’il représente pour vous ?
Lax :
Un prix de plus (rires). Non, ce prix ne représente rien de plus, rien de plus particulier par rapport aux autres prix, je ne le mets ni au dessus ni en dessous, ni à part. C’est un coup de projecteur supplémentaire à mon album. Comme le Prix de Sceneario que vous venez de m’attribuer. Le prix œcuménique, va toucher des gens, va être mentionné sur des médias un peu particuliers. C’est la possibilité de toucher des gens qui ne vont pas forcément spontanément vers la Bande Dessinée. Ce sont des possibilité de rencontre avec de nouveaux lecteurs. Et c’est en cela que c’est intéressant, même si le prix le plus intéressant que j’ai reçu cette année, qui est le plus gros, c’est le Prix RTL car c’est celui qui aura des retombées fabuleuses. Il y a eu juste avant noël, 7 messages par jour, pendant 15 jours, pour cet album.On a dû réimprimer, remettre l’album en place. Je n’aurais jamais imaginé que ça ait un tel impact. Ce grand prix RTL est le bâton de maréchal, et les autres prix ont tout autant leur importance, car c’est une vitrine supplémentaire pour toucher de nouveaux lecteurs. 

Sceneario.com : c’est une fierté pour l’Auteur ?
Lax :
Une fierté non, c’est agréable, c’est une reconnaissance, un signe d’amitié. C’est la preuve que le bouquin n’est pas passé inaperçu.

Sceneario.com : D’où vient cette histoire d’Amédé ?
Lax :
Je tournais autour de l’envie de faire quelque chose autour du vélo, car moi-même je suis cyclotouriste, je fais du vélo depuis toujours, quelques milliers de kilomètres tous les ans, uniquement en cyclotouriste, jamais de course. Je vais en Chartreuse, dans le Jura, les Pyrénées, je vais partout. Je suis un vrai passionné du vélo, un vieil amateur du Tour de France, même si j’ai aujourd’hui un peu de recul par rapport à tout ce qu’il s’y passe. J’ai un peu la nostalgie des Poulidors, Bernard Hinault et autres grands coureurs.
Je me suis retrouvé en été 2002, en vacances dans les Pyrénées à visiter le Pic du Midi, à quelques pas du Tourmalet, (le Tourmalet étant le premier col de 2000 mètres d’altitude ayant été exploré par les coureurs d’un tour de France, c’était en 1910. c’est le grand père des grands cols). Je vais donc au Pic du Midi, belle promenade touristique, il y a même une salle d’exposition et de projection. Je regarde la vidéo et, dans ce film je découvre, avec grand stupéfaction, qu’en 1906-1907 , peu de temps avant la première guerre mondiale, que l’on fait appel à des soldats pour monter des éléments qui allaient constituer la coupole du télescope de Benjamin Baillaud. On demande donc à des artilleurs une mission totalement pacifique, celle de monter des éléments au Pic du Midi pour pourvoir observer des étoiles. Quoi de plus beau, quoi de plus poétique ? 


J’ai été fasciné par ce truc-là, et je me suis quasiment instantanément dit qu’il fallait que je fasse une histoire autour de ça. L’histoire d’un artilleur, et la fin de l’histoire déboucherait sur 14-18.

Puis je me suis dit, le Tourmalet n’est pas loin, je pourrais essayer de jumeler cette histoire d’artilleur avec le vélo. Le premier tour de France étant de 1903, les deux époques n’étant pas très loin, je me suis dit que je pourrais faire fusionner les deux histoire, et voilà comment est née l’histoire de Amédée. C’est le pur hasard d’une visite au pic du midi. Je n’en avais jamais entendu parler avant. Et je n’en aurais jamais entendu parler si je n’étais pas allé là-bas. 

Le personnage d’Amédée est entièrement fictif, il n’a jamais existé. En revanche, les autres personnages, les coureurs, sont bien réels. En effet très vite je me suis rendu compte que j’allais plaquer la petite histoire sur la grande histoire. J’étais prisonnier, mais prisonnier ravi, de cette période 1906-1907, ça je voulais absolument que l’album débute avec la vérité historique, donc je me devais de traîner cette vérité historique avec moi tout au long de l’album, c’est pourquoi les vainqueurs d’étapes, tous les éléments de l’histoire du tour, sont d’une authenticité absolue. Je me suis énormément documenté sur ce sujet. Seul Amédée a été totalement créé.

Sceneario.com : Et pour les paysages ?
Lax :
Ils correspondent à la réalité. Je suis allé en repérage en été et en hiver sur place. Je suis monté plusieurs fois au Pic du Midi. En hivers j’ai même fait le parcours que les porteurs réalisaient à l’époque. J’ai loué des raquettes, et avec ma femme nous avons fait tout une partie du sentier des Muletiers et, nous sommes montés au Pic. Depuis la vallée Campan, le village de Gripp, là ou il avait le dépôt, là où Amédée vient chercher du travail pour la première fois. Cet endroit existe toujours, j’y ai d’ailleurs passé une semaine sans savoir qu’il s’agissait de l’ancien dépôt. C’est d’ailleurs une anecdote assez marrante. Je voulais louer un appartement dans la région. Je cherche donc sur Internet, et je tombe sur une auberge du nom du Choucas à Bagneres, et il n’y avait plus de place. Du coup on m’a envoyé à l’hôtel de Gripp (actuellement fermé) et j’y réserve donc une chambre pour la semaine. Et le lendemain de notre arrivée, je vois une carte postale affichée sur un mur «dépôt des porteurs du Pic du Midi»., je fais un petit croquis, et la dame qui tenait l’hôtel me dit que l’ancien dépôt c’est cette maison dans laquelle j’avais dormi. 

Ensuite, je voulais trouver le sentier par lequel les porteurs passaient, et en cherchant un peu j’ai trouvé le sentier, sous la neige. Et nous sommes allés jusqu’à la cabane où se réfugie Amédée dans l’histoire. Et cette cabane est exactement comme je l’ai dessinée, elle existait déjà à l’époque. Nous ne sommes pas allés plus haut car il y avait trop de risques d’avalanche, et c’était quand même un peu dangereux.

Je me suis vraiment inspiré des lieux et de la géographie pour réaliser l’album. La grande image en page 5, qui représente le pic, je l’ai faite d’après des plans et des photos. J’ai essayé de faire en sorte d’être totalement inattaquable sur le plan historique et géographique.

Sceneario.com : Quelles émotions avez-vous ressenti en vivant cette préparation au livre ?
Lax :
C’est assez jubilatoire. J’avais l’impression de ressentir les émotions du porteur dans la neige, avec le froid, les difficultés… Je me suis vraiment senti dans la peau d’Amédée.

Seneario .com : Aujourd’hui que l’album est sorti, vous avez envi de retourner là-bas ?

Lax : Oui, j’y retourne cet été. J’ai envi de refaire en vélo le Tourmalet. Et puis après le plaisir et le succès de « l’Aigle sans Orteils », j’ai envie de refaire une histoire dans le même esprit, mais cette fois elle se déroulerait entre les deux guerres. Le parcours d’Amédée s’arrête de façon tragique pendant 14-18, je me suis arrêté en 14, j’aimerais reprendre en 19, et le Tour ayant repris en 19, j’ai envie d’explorer la période 1919-1939.

En essayant de refaire une fresque historico sportive, avec le Tour en arrière-plan. Je tourne autour, je cogite, je prends des notes, je laisse mûrir tout ça. 

Sceneario.com : n’avez-vous pas peur de faire un « copié – collé » ?
Lax :
Si justement, et c’est là toute la difficulté. En plus j’ai conscience d’avoir pas trop mal réussi mon coup en réalisant « L’aigle sans orteils », ce qui est difficile pour moi c’est de faire au moins aussi bien et, mieux si possible. 

Sceneario.com : La barre est haute.
Lax :
Oui la barre est haute. « L’aigle sans orteils » est sans aucun doute ce que j’ai fait de mieux jusqu’à aujourd’hui, j’en ai eu l’impression en le faisant. J’en ai encore plus l’impression, grâce à vous et aux autres prix. Je me rends compte que j’ai fait un truc pas mal, restons modestes. Il va falloir faire mieux, toute la difficulté est là maintenant. Ou au moins aussi bien. Il ne faut pas faire un truc artificiel, ça ne sera pas une suite.

Sceneario.com : Vous avez déjà rencontré votre public, comment a-il accueilli l’album, aussi bien que les journalistes ?
Lax :
Oui j’ai déjà réalisé des séances de dédicaces. Le public a vraiment accroché. Il y a une rencontre entre le public et les médias.

Sceneario.com : Après un album de cette trempe, ce n’est pas trop dur de reprendre le travail, n’avez-vous pas eu tendance à dormir sur vos lauriers ?
Lax :
On ne peut pas se dire ça. Mais c’est vrai que je n’ai pas fait grand chose depuis un certain temps. 

J’ai été très sollicité, j’ai rencontré mes lecteurs, je me suis déplacé dans des librairies, et c’est vrai qu’on a du mal à retomber sur terre. J’ai accumulé un peu de retard. Mais là je bosse beaucoup. 

Sceneario.com : Sur le nouvel album ?
Lax :
Non, sur le Choucas. Il y en a un qui vient de sortir. Et je bosse sur un autre qui sortira en 2007. Mais avec l’idée de revenir dans la collection Air Libre.

Sceneario.com : cette collection Aire Libre représente quoi pour vous ?
Lax :
Elle représente énormément pour moi . je suis un des premiers à être arrivé dans Aire Libre, et je me suis construit autour de cette collection. C’est une collection qui m’a vraiment beaucoup apporté. Cette collection fait envie à de nombreux auteurs, tous les auteurs aimeraient être publiés dans Aire Libre et tous les éditeurs sont jaloux de cette collection. J’ai l’impression d’appartenir à un club assez prestigieux.

Sceneario.com : Avez -vous du temps pour lire de la BD ?
Lax :
Oui, du temps on en trouve tout le temps. Je lis de la BD, mais aussi d’autres livres. Beaucoup de livres pour mon travail.

Sceneario.com : Que représente Angoulême pour vous ?
Lax :
C’est un plaisir d’y revenir. Voilà 4 ou 5 ans que je n’étais pas venu. La dernière fois s’était avec les éditions Paquet, pour les petits bouquins sur le voyage. Cette espèce de grande messe annuelle de la BD, cette communion. Tous ces gens qui sont là par amour de la BD, c’est un peu le voyage à La Mecque pour tous les passionnés de BD, ça c’est plaisant. En revanche, il y a le revers de la médaille, il y a le fait que ce soit fatigant, on croise beaucoup de gens, on se court après, c’est aussi ça le charme d’Angoulême.

Sceneario.com : Quand vous retrouve-t-on ?
Lax :
Avec le Choucas en 2007, mais aussi en tant que scénariste dans Aire Libre avec Jean-Claude Fournier au dessin, qui a complètement changé son style graphique. Il avait envie de se remettre en question, il m’a demandé de lui écrire une histoire, ce que j’ai fait, et il travaille pour moi. Il y a aussi une autre histoire qui est entrain d’être faite par un jeune dessinateur, mais qui ne dessine pas très vite, du coup je ne sais pas quand est-ce qu’elle sortira. Mais, au dessin, je n’aurai qu’un album, ce sera un Choucas.

Sceneario.com : Lax, merci beaucoup pour cet entretien.
Lax :
C’est moi qui vous remercie encore pour votre vote et votre concours au succès de mon album. Ça me fait vraiment plaisir.

Sceneario.com : un Prix modeste à l’image de notre site.
Lax :
Oui mais quand même. 

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