Interview

Marc Védrines, le petit scarabée qui sent les ailes qui lui poussent dans le dos

Sceneario.com: Bonjour et merci de te prêter au jeu de l’interview de Sceneario. Comme tu es un nouveau venu pour nous, peux-tu te présenter ?

Marc Védrines: Vous connaissez au moins mon nom. c’est un bon début. Sinon, pour me définir je dirais que je suis un cocktail issu des années 70 à base de rock, de tennis, d’Islande, de ciné, de piscine, de moto, un doigt de travail dans la pub et une forte dose de BD bien sûr. Les ingrédients ne sont pas forcément dans l’ordre, mais cela ne change pas la saveur. Le tout est de déguster frappé.

Sceneario.com: Tu es dessinateur de bandes dessinées, est-ce que c’est le métier dont tu rêvais en étant enfant ? Et-ce que ton parcours scolaire t’y a préparé ?


Marc Védrines: Je pense que comme la plupart des dessinateurs de BD, c’est un rêve de gosse. L’envie de faire de la BD est bien entendu venu de premiers émois en tant que lecteur. Mais ce n’est pas tout. Mes parents m’ont toujours laissé libre de faire ce que je voulais. Ils ne m’ont jamais dit que dessinateur n’ était pas un métier sérieux. Ma famille m’a toujours encouragé et ça c’est une vraie chance. Après, la vie est faite de rencontres et quelques unes sont essentielles pour persévérer, se construire, et se dire « ouais, c’est vraiment ça que je veux faire ». Petit, j’avais un copain à la campagne qui avait 5 ans de plus que moi et qui dessinait et j’étais impressionné par son talent. Je le voyais gribouiller tous les personnages de Hanna et barbera, les super héros Marvel, et puis Goldorak et Albator sont arrivés. Plus tard, avec ce même copain et mon frère, on s’est mis à faire des courts-métrages vidéo. Echanger des idées pour construire les scénarios et les mettre en scène m’a beaucoup instruit, bien plus que l’école. Je n’ y ai jamais appris à dessiner ou alors en caricaturant les profs. J’ai surtout beaucoup pratiqué pendant les vacances scolaires. Chaque année était propice à la création d’une nouvelle BD.

Mon parcours scolaire ne m’a pas préparé à devenir dessinateur de BD . J’ ai quand même intégré une fac d’art plastique et d’art appliqué et là non plus on n’apprend pas à dessiner. Par contre c’est quelque chose d’essentiel pour se forger une culture graphique et rencontrer les gens qui ont les mêmes envies. Avec cette complicité on est plus fort car on échange ses points de vues, on compare ses différentes influences. Montrer aux autres et ne pas juste rester enfermé chez soi à dessiner, voilà un vrai moyen de progresser en attendant le jugement suprême de l’éditeur.

Sceneario.com: Tu viens de dessiner un album très étrange et très impressionnant : « Phenomenum » ! Comment est né ce projet ? Et comment s’est fait la rencontre avec le scénariste ?


Marc Védrines: Etrange .pourquoi étrange, étrange parce que impressionnant ou impressionnant parce que étrange ? Je dois être moi-même un peu étrange alors…
La rencontre avec Kaminka s’est faite par hasard. On s’est vu à multiples reprises dans des soirées et la conversation s’est vite dirigée vers la BD. Il travaillait pour une boîte de dessin animé et l’expérience sur papier le tentait. On s’est revu ensuite dans cette optique. Il m’a proposé une quinzaine d’idées qui traînaient dans ses carnets. Phenomenum était vraiment le concept qui m’intéressait. Ensuite on a pas mal discuté pour trouver la direction et la manière de traiter l’histoire. Rendre l’effet du temps arrêté en BD était un problème cornélien.

Sceneario.com: L’histoire est très intéressante et laisse rêveur, un pouvoir pareil ça peut être utile :-)) est-ce que es intervenu dans le scénario et est-ce que cette série est déjà arrêtée sur le nombre de tomes ?


Marc Védrines: Le pouvoir laisse rêveur car on peut se permettre tout et n’importe quoi, laisser libre cours à ses fantasmes, mais en même temps c’est assez invivable pour le héros. Je ne suis pas sûr qu’au bout du compte on ait envie d’être à sa place.
C’est un vrai travail de collaboration. Je n’hésite pas à le critiquer et à lui donner des idées au même titre que lui à propos du dessin.
Pour le moment, il y a un premier cycle de trois qui est prévu.

Sceneario.com: Le domaine de la science fiction et les super héros sont ce que tu
préfères ?


Marc Védrines: Pas vraiment, tous les genres d’histoires peuvent être intéressants. Tout dépend de l’angle d’attaque que l’on choisit . Aujourd’hui tout a été dit, ou presque, l’originalité vient de la vision que l’on peut apporter à un thème. D’ailleurs, je ne pense pas que Phenomenum soit une BD de super héros. Yann est plutôt un personnage ordinaire avec un super pouvoir, il n’a pas pour vocation de sauver la planète.

Sceneario.com: Quels sont tes autres influences culturelles en général ? J’ai eu l’impression que le film « Taxi » t’a plu !


Marc Védrines: Pas du tout, c’est plutôt le genre de film qui m’ennuie. L’aspect visuel n’ est pas le plus important, je suis plus attaché aux histoires avec du contenu. Qu’il y ait une part ludique me paraît essentielle, mais ça ne doit pas être le seul intérêt. Il faut qu’il puisse exister une lecture à plusieurs niveaux, à double ou triple sens. Le côté cinématographique de Phenomenum vient sûrement de la culture manga. Dans les années 80, j’en lisais déjà, enfin je les regardais car ils n’étaient pas traduits.
Comme autres influences, je citerais à la louche quelques films de chevet commeBlade runner, Fight club, 2001 l’odyssée, Abyss, Mulholland drive, Festen, beaking the waves, princesse Mononoke, Akira.

Sceneario.com: A propos du dessin véritablement, comment s’est passé cette première expérience ? Est-ce que tu as eu des consignes pour le look des personnages ou bien, au contraire, Kaminka t’as laissé dessiner comme tu l’entendais?


Marc Védrines: Il n’y a pas de recette générale qui puisse être appliquée pour tous les personnages. En ce qui concerne les skins au début de l’histoire, Kaminka voulait qu’il y ait un rapprochement avec les protagonistes de « des souris et des hommes ». La ressemblance physique avec des personnages politiques ayant pu exister est purement intentionnelle. Quant à la création des autres personnages, il y a eu une sorte de magie, je les ai dessiné et on est tout de suite tombé d’accord.

Sceneario.com: Cet album est dense, rempli, il t’a fallut combien de temps pour le dessiner ? et de quelle manière dessines- tu ?


Marc Védrines: La BD c’est un vrai travail de fou, il faut une discipline de fer et un dévouement profond pour avancer. On entre en BD comme on entre en religion.
C’est un vrai sacerdoce. Je prie donc le dieu du dessin tous les jours pour qu’il me donne la force de me mettre au travail. Mais c’est un rituel très compliqué qui m’épuise donc je ne le pratique qu’un jour sur deux.

Sceneario.com: La couleur est très réussie, est-ce que tu as eu un droit de regard ? Et pourquoi ne l’as tu pas faite ?


Marc Védrines: Merci pour Claire Champion, effectivement, elle a beaucoup de talent. Je la briefes sur les ambiances et à chaque fois elle fait mouche. Elle comprend très vite quelles sont les intentions et il n’y a pas à lui expliquer à multiples reprises. C’est très agréable, d’ailleurs beaucoup de gens nous la convoite.
Je n’ai pas fait la couleur non pas que je m’en sentais incapable mais comme tu l’as dis c’est une BD très dense alors je voulais dans un premier temps me concentrer sur le trait et le dessin. De plus, je ne me sens pas de multiplier les rituels celui de la couleur est plus salissant.

Sceneario.com: Maintenant l’album est sorti ! il fait plutôt parti des albums qui plaisent et dont on parle, est-ce que la rencontre avec le public est importante, difficile, agréable….?


Marc Védrines: Que ce soit un album qui se soit fait remarquer est vraiment une bonne surprise. C’est vrai que la rencontre avec le publique est un moment privilégié. C’est la cerise sur le gâteau. Quand je bosse dans la publicité, le travail fourni ne sera qu’ entre aperçu par quelques dizaines de personnes. Il n’y a pas vraiment de retour. Un travail dans la pub est tout de suite oublié tandis qu’un album vous suit à vie. Cela pose les enjeux.

Sceneario.com: Est-ce que cette série pourrait voir une adaptation cinématographique?


Marc Védrines: Effectivement, plusieurs sociétés de production ont été intéressées mais rien de vraiment sûr pour le moment : on aimerait bien en faire un film mais je crois que pour le moment une adaptation en série pour la télé est en pour parler. Vid verdum bara ad sja til hvad gerist, ce qui veut dire en islandais, wait and see. Peut-être que rien ne verra le jour. De toute façon, je crois que ce genre de négociation prend du temps et je pense qu’il vaudrait mieux qu’il y ait plusieurs tomes.

Sceneario.com: Quels sont tes projets actuels ?


Marc Védrines: Petit scarabée sent les ailes qui lui poussent dans le dos . Je travaille actuellement sur d’autres projets parallèles. Il y en a un que je réalise avec Jean-paul Krassinsky, le dessinateur de Kaarib chez Dargaud. Nous rédigeons ensemble l’histoire et l’on se partagera la tâche pour le dessin.
C’est une collaboration totale à tous les niveaux. Deux dessinateurs pour un même projet. Je vous rassure ce ne sera pas une histoire de dessinateurs pour dessinateurs. Quoi que l’on aurait des choses à raconter car on collabore déjà dans le domaine publicitaire. Je ne sais pas si je peux vous en dire d’avantage sur ce projet. Une chose est sûre on devrait le présenter aux éditeurs à la rentrée prochaine, alors patience.
J’ai aussi un autre projet fantastique que j’ai écrit entre le tome 1 de Phenomenum et le démarrage de la réalisation du deuxième.

Sceneario.com: Cette interview va être diffusée sur le net, est-ce que tu utilises beaucoup ce moyen de communication ? Et, dans le domaine de la bd, est-ce que tu connaissais sceneario.com ?


Marc Védrines: C’est un nouveau media que j’utilise régulièrement, Internet est sans conteste un progrès fondamental pour la BD. Les gens peuvent échanger leurs points de vue et se laisser guider par une critique. Le lecteur peut trouver son chemin dans la jungle des publications. De plus, cela donne une chance aux jeunes auteurs qui bénéficient ici d’un bouche à oreille, ce qui me paraît essentiel . C’est la meilleure publicité et elle va très vite.
Je ne connaissais pas scenario.com mais c’est une adresse que je retiens.

Sceneario.com: Que penses tu du site ?


Marc Védrines: Bravo pour votre travail, continuez comme ça. De plus il me semble que c’est un site qui a bon goût. En tous cas je suis très flatté que vous vous intéressiez à notre travail. Bless, bless, merci beaucoup.

Sceneario.com: Merci beaucoup et encore bravo pour cette superbe bd qui a fait l’unanimité dans l’équipe !

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