Sceneario.com: Comment avez-vous rencontré Marie-Charlotte Delmas?
Max Cabanes: La ville de Bezons avait monté une expo sur mon travail, en 97, si j’ai bonne mémoire, sous l’égide de Jean-Luc Lantenois, journaliste et commissaire de l’expo. Marie-charlotte y était venue et j’ai immédiatement
été séduit par son mauvais caractère, et son humour froid qui aurait pu éteindre n’importe quel incendie.
Sceneario.com:Vous avez illustré quelques un de ses romans. Est-ce vous qui l’avez attiré vers la bande dessinée?
Max Cabanes: Comme tout s’est fait sans témoin, je dirais que oui. Marie-Charlotte m’a écrit un premier scénario pour l’hommage à Roba, chez Dargaud, ensuite 4 pages pour l’album collectif « 2000 » chez Albin. Puis, rencontre avec Didier Convard, et donc, la grande Porte lui fut ouverte…
Sceneario.com:Depuis plusieurs années, vous avez un rythme de parution d’environ un album tous les 2 ou 3 ans, voire parfois plus. Est-ce votre rythme de travail naturel ou on ne vous soumet pas assez de projets bd qui vous intéressent?
Max Cabanes: Je n’ai jamais su comment faire pour avoir un abattage et une régularité sans faille. L’écriture et le dessin sont des outils d’expression qui sont mêlés étroitement à ma vie. Je ne peux pas les dissocier, ils subissent les mêmes lois, les mêmes fluctuations du désir, de la relation avec les autres, ce qui aboutit à un système de travail qui ne peut être régi par des normes préétablies. J’attends de mon mode d’expression qu’il m’apporte non seulement l’intensité d’un moment de vie, mais aussi ne serait-ce que quelques fragments de réponse. Comment concilier cela avec une notion de régularité?
Sceneario.com:Connaissiez-vous l’histoire de la vraie maison Winchester avant l’album?
Max Cabanes: Non, je n’en avais jamais entendu parler, ce qui est étonnant, vu le nombre de fois où j’ai pu voir les carabines de son mari entre les mains de la moitié des macho du cinéma hollywoodien. Et le nombre d’indiens diminuer de films en films, jusqu’à ce qu’on ne voie plus un seul film sur les indiens, forcément. Mais, comme on dit, les carabines ont trouvé d’autres sujets de détente! Quand je pense, à posteriori, qu’il y avait aussi une toute petite dame d’un mètre trente-deux, derrière tout ça…
Sceneario.com:Comme votre héroïne, avez-vous visité la maison Winchester?
Max Cabanes: C’était à l’occasion de la visite d’un ami, directeur artistique dans le cinéma 3D, et qui habite tout près de la maison Winchester, à San José. J’ai eu l’impression bizarre, comment dire, de visiter une attraction d’EuroDisney, mais avec un authentique frisson!
Sceneario.com:La maison Winchester existe vraiment. Est-il plus contraignant de travailler sur des choses réelles laissant moins de place à la création visuelle?
Max Cabanes: Avec le temps, le réel devient rêve, surtout lorsque l’attention ne peut se fixer, ce qui était le cas pour la Maison Winchester. Qui peut se rappeler de quelques 160 pièces, y compris le jour même de la visite ? J’ai donc pu travailler avec mes repères habituels qui sont ceux de l’imaginaire.
Sceneario.com:Comment travaillez-vous avez Marie-Charlotte Delmas? Etes-vous intervenu dans l’histoire?
Max Cabanes: Je lui ai donné une seule indication, à la première lecture du scénario. Mais je ne peux absolument rien dévoiler, ici. Et puis, ce que j’aime, à partir du moment où je fais confiance à l’autre, à son savoir-faire, à sa sensibilité, c’est l’idée de l’imbrication de deux imaginaires, sans arrangements « voulus » au départ. Il est impératif, pour moi, d’avoir une marge d’incertitude, lorsque je travaille sur ma partie.
Sceneario.com:Marie-Charlotte Delmas est encore jeune dans le milieu de la bd et vous avez déjà été consacré, notamment par le grand prix d’Angoulême. Est-ce que cela affecte votre façon de travailler? Etes-vous une sorte de parrain pour elle?
Max Cabanes: Lorsque je crois savoir une chose, et qu’on me demande de l’exprimer, je suis très heureux de le faire. Sinon, je n’ai pas l’âme d’un Pygmalion. Ce que j’apprécie, c’est l’échange sans le Pouvoir. Ce qui n’empêche pas l’échange de convictions, bien sûr.
Sceneario.com:Etiez-vous également intéressé par les mythes tels que la maison Winchester avant ce projet?
Max Cabanes: Particulièrement le Mythe Américain, justement, d’une façon générale. Il y a une écrivaine Américaine, Flannery O’Connor, qui a commis des nouvelles impressionnantes, de force et de mystère sur la vie de l’Amérique profonde. Depuis sa lecture, j’ai cette atmosphère, lourde de sur-réalité, qui m’attire. Certainement, le genre qui me convient le mieux est celui de la fiction, du Mythe, car, paradoxalement, c’est là que la vérité se dévoile, sans la contrainte du « vouloir dire le vrai » inhérente à l’autobiographie par exemple. D’ailleurs, ce qui est intéressant, dans l’autobiographie, à moins d’être un maniaque du point de repère, ce sont toujours les digressions.
Sceneario.com:Marie-Charlotte Delmas se dit prête à retravailler avec vous quand vous voulez. A quand le prochain album ensemble?
Max Cabanes: Je travaille en ce moment sur la suite de ma série “Les Villages”, avec un plaisir d’écriture plus fort qu’au début des quatre épisodes. Marie-Charlotte a des arguments suffisamment convaincants dans sa plume pour ne pas attendre après moi!
Sceneario.com:Quels sont vos autres projets?
Max Cabanes: Une série basée sur des histoires très courtes pour “l’Echo”. De une à trois pages chacune. Comme des petites gourmandises.
Sceneario.com:Merci pour tout.
Interview réalisée par mail entre le 18/01/2004 et le 29/01/2004.