Interview

Nicolas RYSER & Igor SZALEWA

Sceneario.com: Nicolas Ryser, Igor Szalewa, bonjour et merci de vous prêter au jeu de mes questions pour sceneario.com. Tout d’abord, et pour qu’on vous connaisse mieux, pouvez-vous nous tracer un portrait ?

Nicolas:

Igor:

Sceneario.com: Nicolas : Tu es dessinateur, quel est ton parcours avant de créer Hariti avec Igor ?

Je suis passé par Estienne… Puis, j’ai réalisé plusieurs petites choses pour Casus Belli, et diverses publications diverses et variées…

Sceneario.com: Par quelle magie vous êtes vous rencontrés tous les deux ? Et comment est né ce projet commun : Hariti ?


Par un heureux (?) concours de circonstances, portés l’un et l’autre plutôt que par une volonté forcenée de rencontres par un de ces impérieux hasards de l’existence, dont le temps qui passe et le recul confèrent peut-être un sens, une signification…
En tout cas pour l’un et l’autre, une rencontre déterminante… Quant au projet « Hariti », il était en passe de prendre corps et c’est assez naturellement que je le proposai à Nicolas…

Sceneario.com: Hariti est une bande dessinée qui raconte une histoire fantastique se passant en Afrique. Ce sujet qui pourrait être attaché à la collection « Contes et Légendes » en livre jeunesse est pourtant très original et innovant en bande dessinée ; D’où vient cette idée et pourquoi avoir choisi l’Afrique ?

L’intention initiale était effectivement de procurer un récit pour enfants, un conte, mais assez vite il m’est apparu plus motivant de glaner dans le matériau des contes ce qui procède du mythe, de la sève des archétypes… Cette sève commune à toutes cultures… Et de la sorte, ce cadre africain s’est imposé peut-être de lui-même… Mais qui sait les raisons et les ficelles ?…

Sceneario.com: Les personnages sont sans doute fictifs, pourtant ils semblent tellement authentiques que je me demande s’ils sont des souvenirs ? Vous avez voyagé en Afrique ? Et quelle est la part de réalité dans cette histoire ?

Ni Nicolas, ni moi-même, ne connaissons l’Afrique… Et en définitive qui connaît l’Afrique, dont chacun sait qu’elle est fantôme ? Et si l’histoire roule autant que faire se peut vers quelque vraisemblance, c’est par les échos qu’elle peut trouver en chacun de ses lecteurs… C’est là seulement qu’on peut dire que réside la réalité d’une histoire…

Sceneario.com: A propos de votre façon de travailler ensemble comment vous organisez-vous ?


La structure du récit dans ces plus grossières intentions est posée d’emblée, dès les prémisses du projet (lequel remonte à l’été 1997)… Ensuite, emplissant maints et moult cahiers et carnets, je déballe, j’expose, j’éviscère, je teste, j’exprime les jus et les sucs, j’explore, m’égare, me désespère, doute… Puis puisqu’il faut bien finir un jour ce qu’impulsé, je propose à Nicolas un principe de découpage. Lequel est rediscuté, précisé, et arrêté. Ainsi, nous échangeons tout au long de l’album, et il n’est pas rare que je reprenne ma copie jusqu’au dernier moment…

Sceneario.com: L’histoire est-elle déjà terminée dans vos esprits ?

Oui, l’histoire est terminée depuis longtemps déjà… Dans ces principes et le ton… Reste à trouver l’incarnation du dernier pan du triptyque, ce à quoi nous nous ingénions en ce moment…

Sceneario.com: Igor, comment as-tu reçu le dessin de Nicolas, est-ce qu’il ressemblait à ce que tu avais imaginé ?

J’apprends à imaginer avec le dessin d’autrui, Nicolas ou d’autres, et plus qu’avec le dessin, avec les possibilités graphiques d’autrui, ce que je pourrai faire venir au jour… C’est peut-être le plus sollicitant de ma démarche…

Sceneario.com: Dans cette bande dessinée, on sent un besoin d’explosion graphique, comment sont réalisées les couleurs, et combien de temps faut-il pour aller au bout d’un tome de cette façon ?

Grosso merdo, en comptant les siestes et les grèves, les foirades et les tortures de la création, une année…
Pour ce qui concerne, la couleur, Nicolas touille et tritouille en alchimiste encres, craies qu’il pilonne, pastels gras qu’il mâchonne, composant des mixtures d’arc-en-ciel… Qu’il passe au préalable au micro-onde ou recuit au rice cooker, et dilue à l’eau des songes… À chacun sa tambouille…

Sceneario.com: Hariti semble vous laisser beaucoup de liberté à tous les deux, autant dans l’imagination pour le scénario que dans l’explosion graphique pour le dessin, finalement c’est aussi ça l’Afrique, une grande liberté ?

Liberté d’apparence… On est nos pires contremaîtres…

Sceneario.com: Nicolas, quand tu travailles, est-ce que tu écoutes de la musique ? Si oui, qu’est-ce qui peut-te booster ? Connaissez-vous Myriam Makeba ? (chanteuse africaine que m’a fait découvrir Kris le scénariste de Toussaint 66)

Je bosse en atelier le plus souvent, et j’écoute ce que les autres écoutent… Radio, découvertes de l’un et de l’autre… L’époque est prolixe musicalement… Dernière bonne surprise : Dyonisos…

Sceneario.com: Hariti est passé un peu discrètement à sa sortie, est-ce que le monde des médias est important en ce qui concerne la durée de vie d’une bande dessinée ?

Les médias le plus souvent se bornent à n’être qu’une vitrine… Et il n’est certes pas négligeable de figurer en vitrine… Et ce qui nous fait exister, voire durer, c’est plutôt sans démagogie aucune la capacité de chacun à demeurer curieux, et de ne pas se satisfaire de la soupe que les médias servent avec complaisance…

Sceneario.com: Est-ce que des sites, comme Sceneario, sur la bande dessinée jouent un rôle dans ce système de médiatisation ? Internet est-il important et pourquoi ?

Internet, c’est un Radio Bois-Patate démultiplié, optimisé… Un grand machin qui bruisse… C’est en cela que réside son intérêt, un performant bouche à oreille…

Sceneario.com: La bande dessinée est dans les bacs, il faut rencontrer le public, comment serait la rencontre idéale pour vous ?

La rencontre improbable où chacun ressort grandi, enrichi de l’échange…

Sceneario.com: Lisez-vous des bandes dessinées ? Lesquelles ? Et quelles sont vos autres préférences ?

On s’efforce de voir, de suivre ce qui paraît… Paraît, à tous les sens du terme… On ouvre grands nos esgourdes et nos mirettes… On s’efforce, sans fatigue et sans lassitude, de se nourrir de tout… ainsi, ceusses de ma génération : Pif Gadget qui foisonna en toutes directions, les publications Lug (Marvel), puis Fluide, Hara Kiri, l’Echo des Savanes 1ère et 2ème série, Métal Hurlant, A Suivre et quelques figures tutélaires qui dominent dans cet océan d’images, en vrac : Pratt, Cheret, Gotlib, Franquin, Masse, Fmurr, Reiser, Manara pour Guiseppe Bergman, Buscema, Kirby.. et tant d’autres. …Puis via la SF et le Vian de l’Arrache Coeur, j’ai filé vers la prose et le vers, et le théâtre et le reste… C’est Thierry Ségur qui me rattrapa par l’épaule et me donna l’occasion de me replonger dans la bd où j’essaye de creuser mon sillon modestement de ce que je suis constitué…

Sceneario.com: Y’a t-il des dessinateurs ou des scénaristes qui sont des références à vos yeux ?


Certes oui, des références, et beaucoup d’autres des repoussoirs…

Sceneario.com: Avez vous déjà des projets pour après Hariti ?

Oui, j’escompte bien appâter et épater encore Nicolas… Je mijote pour lui un projet oedipien et vaudouesque , également un machin poético-onirique pour tous et encore une japonaiserie pour une jeune dessinatrice magique, et tellement d’autres bidules dont heureusement beaucoup ne doivent pas être viables, sans compter les vieilles tentations prosaïques, mirlitonnesques, tout un vieux fond de paperasses qui m’embarrasse lors des déménagements et qu’il me faudra bien résoudre définitivement un jour…

Sceneario.com: Y’a t-il des messages importants que vous avez envie de passer ?

Rien d’important… L’important, c’est la rose, non ?

Sceneario.com: Merci beaucoup à tous les deux et à très bientôt.

Merci zà toi…

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