Interview

Pascal Bresson, scénariste de Ushuaïa T1

Sceneario.com : Le Trésor des Moaï est ta deuxième sortie BD en tant que scénariste (avec L’affaire Dominici)… 2 sorties BD en un mois : tu es un bourreau de travail !

Pascal Bresson : Ces deux histoires ont été écrites quasiment en même temps ! Le métier de scénariste est plus facile que celui de dessinateur, il faut le reconnaître ! Attention, scénariste c’est aussi un métier ! Mais durant le temps que met un dessinateur à réaliser son album, un scénariste quant à lui, peut travailler sur plusieurs histoires… Peut-être beaucoup plus lucratif aussi ! Mais attention, toujours privilégier la qualité à la quantité.

Sceneario.com : Le Trésor des Moaï est un projet qui mûrissait depuis longtemps dans tes cartons. Comment s’est-il finalement concrétisé ?

Pascal Bresson : Il m’a fallu attendre 5 ans ! Il y a quelques années (2005), lors d’un repas chez Nicolas Hulot, je lui avais proposé l’adaptation de ses aventures en BD. Nicolas, est un féru de bandes dessinées, il en possède pas mal chez lui. Nous avons les mêmes goûts, très classiques : Tintin, Spirou, Ric Hochet, Gil Jourdan, etc… Sur le moment, il n’a pas été emballé par le projet, en me disant : "Il faut laisser le temps au temps. Si ça doit se faire, ça se fera !"… Puis quelques temps plus tard, je lui ai soumis de nouveau l’idée. Et là, il me dit : "Banco ! Mais, attention, avant de me lancer dans cette aventure, je veux lire avant les scénarios"… J’en ai parlé aussitôt à mon éditeur Glénat, et la machine s’est mise très vite en route. J’ai fait se rencontrer les dirigeants Glénat avec Nicolas Hulot. J’ai exposé mon projet d’adaptation d’Ushuaïa, du moins, comment je voyais les choses. J’ai écrit plusieurs synopsis, dont "Le Trésor des Moaï". Après la validation de tout le monde, je me suis mis au travail…

Sceneario.com : Comment as-tu connu Nicolas Hulot ?

Pascal Bresson : J’ai la chance d’être ami avec Nicolas Hulot depuis plusieurs années. Je suis un admirateur de ses émissions, mais avant tout de l’homme. C’est un peu mon grand frère. J’ai deux idoles : Nicolas Hulot et le Commandant Cousteau. Deux personnages totalement différents et opposés. Au départ, pour ma série enfants "Les aventures de Poulpia, la petite pieuvre écolo", pour le premier tome, j’avais eu la chance d’obtenir une préface du Commandant Cousteau. Pour le second, mon souhait a été d’avoir celle de Nicolas Hulot ! J’y suis allé au culot ! Déjà par courrier, puis par son assistant, ensuite c’est Nicolas lui-même qui m’appela un jour ! Une rencontre, puis plusieurs par la suite… Une confiance s’est installée entre nous, puis une amitié. Plus de 10 ans maintenant ! Et nous sommes voisins, car nous habitons seulement à 30 km de distance, c’est très utile pour travailler !

Sceneario.com : Quelle fut la réaction de TF1 ?

Pascal Bresson : Au départ, pas toujours simple ! A préciser que la marque Ushuaïa leur appartient. Les Editions Glénat on acheté les droits, et versent un pourcentage. TF1 a un droit de regard, ce qui est normal, mais heureusement que Nicolas fut là aussi pour nous épauler parfois. Maintenant, tout est en ordre, tout est dans les règles, ils sont comme nous tous, ils attendent le résultat !

Sceneario.com : Comment transforme-t-on une série de reportages sur la nature en histoire d’aventures ?

Pascal Bresson : Ushuaïa est une aventure en soi. C’est aussi l’histoire d’une équipe soudée, une histoire d’amitié… Les tournages sont assez cocasses ! Certains équipiers en témoignent d’ailleurs ! Chaque personnage à sa propre personnalité dans la vie comme dans la BD. Lorsque que tu discutes avec eux, la plupart te disent "nos tournages sont de vraies aventures à raconter un jour en BD !"… Voilà, c’est fait ! Dès que je me suis mis au travail, j’allais tous les jeudi pendant 2 mois chez Nicolas pour lui présenter l’évolution de l’histoire… Par la suite, il m’a mis en contact avec les principaux acteurs de son équipe : Les techniciens, médecin, plongeurs, photographes, biologistes, réalisateurs, producteurs, etc… J’ai rencontré tout le monde et pu ainsi récolter un maximum d’anecdotes sur Ushuaïa et Nicolas Hulot. Ça prend du temps, mais Ô combien enrichissant ! Ils ont tous un vécu professionnel, une riche expérience dans leur propre domaine… Je suis devenu ami avec certains, comme Petit Chou (il sait tout faire dans l’équipe), Bruno Chaumont (le médecin), Cyril Tricot (plongeur et caméraman sous-marine), Guillaume Ledoux (assistant de Nicolas)… Petit Chou et Bruno habitent près de chez moi, en Bretagne… On se voit très souvent, on se marre bien, notamment lorsque l’on regarde les bêtises de Bruno, car c’est le Gaston Lagaffe de l’équipe !

Sceneario.com : Quel a été ton fil rouge ?

Pascal Bresson : Pour le T.1, l’histoire se déroule sur l’île de Pâques. Lieu, à la fois magique et mystérieux. Tout est créé de toutes pièces ! La BD Ushuaïa décrit la vie, l’équipe et les coulisses lors des tournages. Les histoires revêtent un aspect beaucoup plus fictif que les séries Ushuaïa télévisées et permet donc aux lecteurs de parcourir de nombreuses situations dignes des grands classiques BD : Gaston Lagaffe, Spirou, Gil Jourdan ou Tintin… Pour les prochaines histoires, je m’appuie sur une émission comme sujet de fond, et je viens coller une histoire fictive pour y amener de l’action, du mystère, du suspens… quelques ingrédients supplémentaires pour divertir encore plus !

Sceneario.com : Une saga Tintin version moderne en somme ?

Pascal Bresson : Tout le monde s’accorde à dire que Nicolas Hulot, est le "Tintin moderne"… Et effectivement, c’est un peu une saga Tintin moderne…

Sceneario.com : L’accent sera-t-il mis sur l’aspect écologique ? Y aura-t-il une sensibilisation à la protection de la planète ?

Pascal Bresson : Les histoires seront davantage basées sur l’aventure et les coulisses d’Ushuaïa. Evidemment, je mettrai en avant l’écologie, la biodiversité, mais sans être moralisateur, car ce n’est pas le but ! Je veux toucher le jeune lectorat, qu’il s’amuse et qu’il apprenne aussi ! Voici notre texte de présentation de l’album, tout y est mentionné : "De nos jours sur l’île de Pâques, rien ne va plus ! Un mal bien plus terrible que ces hordes de visiteurs perturbe l’écosystème. On raconte partout que des "monstres Moaï Kava Kava" seraient de retour ! On parle même de l’île de l’épouvante… C’est dans cet étrange contexte que Nicolas Hulot et son équipe, tournent leur prochaine émission Ushuaïa. Ils vont vivre une série d’aventures extraordinaires ou la réalité dépasse la fiction… Trésor disparu, retour de spectres Moaï, reportage sur les tortues, exploration d’épaves, attaque de requins blancs, découverte d’anciennes civilisations englouties, etc… L’aventure Ushuaïa, plus spectaculaire que jamais, commence"…

Sceneario.com : Tu n’as pas souhaité réaliser l’illustration, pourquoi ?

Pascal Bresson : Je ne pouvais pas assurer le dessin, déjà par manque de temps, car trop de travail entre mes scénarios et illustrations jeunesse pour divers éditeurs… Puis, soyons aussi franc, je n’ai plus la patience de passer autant de temps case par case… Pour faire cet album, j’aurais mis plus de 5 ans facilement ! Donc, inutile de se lancer dans ce défi, je laisse la place à ceux qui savent le faire vite et bien…

Sceneario.com : Comment s’est fait le choix du dessinateur ?

Pascal Bresson : Au tout début, c’est mon ami Brice Goepfert (dessinateur des Chemins de Malfosse), dessinateur réaliste très talentueux, très doué, qui s’y est collé… Nous étions partis pour un style graphique réaliste ! Brice travaillant déjà sur sa série à succès, s’est vite rendu compte de la somme de travail qu’il y avait sur Ushuaïa. Il a préféré se consacrer exclusivement sur sa série phare pour y apporter le meilleur de lui-même et continuer toujours en qualité. Nous nous sommes tournés avec l’équipe Glénat vers un graphisme plus souple, plus "école Belge", et là, j’ai immédiatement pensé à mon ami Curd Ridel. Ce dernier a fait un essai qui a beaucoup plu à tout le monde, nous avons signé les contrats, et nous voici dans l’aventure Ushuaïa…

Sceneario.com : Le dessin a des côtés caricatural et humoristique. Dans quel esprit aborde-t-on une illustration BD avec des personnages réels ?

Pascal Bresson : Le dessin de Curd, n’a fait qu’évoluer tout au long de l’aventure. Ce qui est normal ! Mais, il a fait un bond ! Pour moi, c’est ce qu’il a fait de mieux depuis, c’est incroyable ! Un vrai défi pour lui, et j’imagine que ce ne fut pas simple ! Il a dû se remettre en question. Si tu regardes les premières pages, il y a un côté humoristique, et plus on avance, plus son dessin change, évolue vers un style semi- réaliste. J’aime vraiment beaucoup ! Et je ne te dis pas pour le second album quasiment terminé ! Il a fait encore plus de prouesses. Le plus difficile pour lui c’est d’éviter la caricature ! Il était inutile de restituer trait pour trait le visage de Nicolas ! C’est avant tout un héros de BD, il fallait qu’il lui fasse une gueule « d’aventurier BD », le stéréotyper avec les codes BD… Dès le départ, il fallait éviter toutes caricatures… Ses lecteurs, vont découvrir une autre facette de son talent…

Sceneario.com : Quel est le droit de regard de TF1 sur l’illustration des personnages ? Avez-vous des contraintes à respecter ?

Pascal Bresson : TF1 regarde tout ! Ce qui est normal encore une fois. Le synopsis, les dialogues et évidemment les dessins ! Tout passe entre leurs mains. Ils contrôlent l’image de Nicolas. Alors que ce dernier m’a donné carte blanche ! Il me fait entièrement confiance. Je ne suis pas en contact avec eux, seulement en contact direct avec Nicolas Hulot ou son équipe. Au départ, TF1 pensait que notre BD serait du même acabit que les albums traitant de la télé "Bigard, Palmade, Elie Semoun, Mimie Mathy, etc…", ils ont eu peur ! Mais, en voyant nos premières pages, ils ont vite été rassurés !

Sceneario.com : Quel est le processus de validation des pages ?

Pascal Bresson : La validation se passe en priorité avec Nicolas et son équipe, puis chez notre éditeur Glénat et on termine par TF1… Il y a pas mal d’échanges.

Sceneario.com : Les sources de documentations doivent être relativement importantes ? Tu avais prévu de te déplacer sur les lieux, je crois ?

Pascal Bresson : La documentation pour notre BD Ushuaïa est très précieuse. C’est la clef de voûte de cette réalisation. Etant en contact permanent avec les membres de l’équipe, la plupart me fournissent leur propre documentation, leurs propres photos. Et quelles photos ! Elles sont magnifiques… des photos de tournages, des pays, des civilisation, de leur matériel, de plongées sous-marine avec baleines, requins, etc… On voyage, on rêve… J’ai une banque d’images de plus de 8000 photos ! Oui, on sera amenés Curd et moi-même à voyager avec eux sur des destinations pas trop compliquées. Le plus difficile c’est de nous amener sur plusieurs tournages sur différents lieux. Le plus simple est de tourner sur un même endroit…

Sceneario.com : Quelle est la part de réel et de fiction prévue ?

Pascal Bresson : Dans le premier tome, 30% de réel et 70% de fiction… Pour les autres aventures, ce sera du 50/50…

Sceneario.com : A quel type de public s’adresse la série ?

Pascal Bresson : Comme pour Tintin ! De 7 à 77 ans…

Sceneario.com : Vous partez sur combien d’albums ?

Pascal Bresson : On va essayer d’installer la série en réalisant pour l’instant 1 album par an. Nous signons des contrats renouvelables de 3 ans avec TF1… On espère que la série va plaire, car comme de tous temps, rien n’est acquis. Mais nous travaillons sur la série Ushuaïa dans une merveilleuse ambiance, avec passion, car nous avons conscience de l’opportunité, de la chance de vivre cette belle aventure…

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