Interview
Remember Alamo !
Sceneario.com : Bonjour Dobbs. Ton actualité récente est donc la sortie du premier tome d’Alamo dans la collection 1800 de chez Soleil. 1800 est d’ailleurs une collection où tu as déjà écrit quelques titres et dont le fantastique faisait partie. Mais quand on lit Alamo, nous sommes plus dans un ton « historique » sans fantastique autour. Ici, tu t’intéresses à ce qui s’est passé ce jour de mars 1836. Pourquoi ce choix ? Pourquoi le drame d’Alamo ?
Dobbs :En fait, depuis très longtemps, j’avais envie de raconter cette histoire qui reste très chère au cœur des Américains. Mais je voulais en faire le récit à ma façon, bien sûr avec l’aval du directeur de la collection Jean-Luc Istin, que je remercie encore pour son soutien sur ce projet. Ce qui m’a attiré, c’est cette histoire des terribles jours de mars 1836 où nous sommes en plein tournant de la guerre d’indépendance du Texas contre le Mexique… là où ce satané fort Alamo devient un symbole de résistance, et quelque part le déclencheur du retournement de situation militaire et politique qui suivra, à cause des martyrs qu’il aura créés…
Sceneario.com : Quels sont donc été tes influences pour ce sujet?
Dobbs : Tout d’abord mes souvenirs du film de John Wayne, puis ceux de mes lectures de différents livres du temps où je m’étais perdu à la fac en diplôme d’histoire militaire… Ensuite mon goût douteux pour les maquettes et les forts de type western en playmobil… Et surtout (et donc sérieusement) les ouvrages Osprey, qui sont des sources incroyables, avec l’influence complémentaire de plus de 30 ans de visionnage de westerns plus ou moins déviants…
Sceneario.com : Pourquoi t’es tu focalisé sur le personnage de Louis Rose et non pas avoir mis en avant Davy Crockett ou Jim Bowie, deux légendes de l’histoire des Etats-Unis ?
Dobbs : Louis Moses Rose, celui qu’on surnomma le « lâche d’Alamo », était à mon sens plus intriguant que les autres héros très connus du conflit. Je l’ai choisi lui et j’en ai fait quelque chose qui diffère méchamment de la réalité, pour fictionnaliser l’histoire de ce personnage français perdu dans la tourmente texane.
Sceneario.com : Tu as fait de Jim Bowie un salopard. On est loin du rôle interprété par Wydmarck dans le film de John Wayne. Ici, on le voit tenter d’abuser d’une jeune femme. Pourquoi ce choix ?
Dobbs : Le seul personnage que j’ai traité objectivement est Davy Crockett… Les autres ont « dérivé » vers une version qui me semblait plus intéressante narrativement. D’après les données historiques, Bowie était un individu incontrôlable, calculateur et brutal bien avant 1836. Alors pourquoi pas ne pousser les choses jusqu’au bout avec lui ?
Sceneario.com : Quels ont été tes sources pour approcher de près la vérité historique ?
Dobbs : Des recherches assez poussées concernant les personnages texans et mexicains, la topographie des lieux, les uniformes, les faits chronologiques, les données militaires et une certaine flexibilité avec le tout… Tout ceci afin d’avoir la possibilité de jouer et d’agir personnellement sur le récit (quitte à se faire évidemment critiquer par les historiens radicaux)… Les faits liées au conflit, à la chute d’Alamo et au contexte global sont justes, mais ce sont les raisons de la présence de tous ces individus au fort qui changent pour moi : avec une hypothèse toute politique…
Sceneario.com : Petit quizz Alamo : – Alamo de John Wayne (1960) avec Richard Wydmarck, Laurence Harvey et John Wayne ?
Dobbs : Des plans inoubliables, du posing de personnages et des détails par centaine, même si le film demeure trop manichéen, trop héroïque, trop conservateur…
Sceneario.com – Alamo de John Lee Hancock (2004) avec Dennis Quaid et Billy Bob Thornton?
Dobbs : Une très belle lumière, des cadrages superbes, avec un grand souci esthétique… Des acteurs qui font parfois oublier le film de 1960, et un budget important qui n’a pas empêché le film de faire un flop aux USA et de sortir en catimini chez nous. Certains diront « trop réaliste »… Pour ma part, j’ai justement aimé cette prise de risques.
Sceneario.com – Davy Crockett, la série TV avec Fess Parker ?
Dobbs : Un rôle qui a collé à la peau de son acteur, dans une production Disney somme toute très conservatrice aussi.
Sceneario.com : Comment as-tu choisi les dessinateurs Fabio Pezzi et Darko Perovic ?
Dobbs : Je connaissais leurs travaux respectifs, et Jean-Luc m’a proposé de collaborer avec leurs agents (Camilla et Csaba) qui, eux, ont œuvré de leur côté pour que tout se passe le mieux possible.
Sceneario.com : Comment s’est passée cette collaboration ?
Dobbs : Il y a eu beaucoup de traductions en fait, à faire en italien mais aussi en serbe… Il fallait prévoir un temps de latence pour cela, ou alors tenter un mode direct par mail en anglais afin de donner mon avis sur les roughs et l’encrage (même si j’ai collaboré avec plusieurs Italiens depuis ces dernières années, je ne parle hélas toujours pas la langue). Je suis vraiment très heureux du rendu final du tome, car tous les deux ont joué le jeu sur un découpage de planches que j’avais vraiment en tête depuis le début. Simon Quemener, le coloriste d’Alamo, a fini de donner corps aux dessins avec un remarquable supplément d’âme. Merci à lui pour cela, ainsi qu’à Gérald (Parel) pour la couverture.
Sceneario.com : Quels sont tes projets pour 2011 et pour après ?
Dobbs : Avec DimD, nous sommes en train de finir le tome 2 d’Alan Quatermain et les Mines du roi Salomon qui devrait sortir fin d’année-début 2012. Par ailleurs, j’intègre la collection Celtic de Soleil avec le premier tome d’une série à venir qui se nomme Loki (avec Benjamin Loirat au dessin) et qui devrait sortir à peu près à la même date que Quatermain. Pour la suite… deux nouvelles séries de la collection 1800 sont actuellement en travail, dont une avec le talentueux Stéphane Perger au dessin et à la couleur (Sir Arthur Benton et Sequana). L’autre sera aussi un western, mais très différent car axé sur un certain fantastique dont tu parlais tout à l’heure et qui reste cher à mes yeux. J’entame aussi le travail sur un gros projet de sword & sorcery urbaine proche de l’ambiance du Cycle des Epées de Leiber, pour lequel je suis en ce moment à la recherche d’un dessinateur…
Sceneario.com : Quel a été ton dernier coup de cœur pour une bande dessinée ?
Dobbs : J’ai beaucoup aimé le dernier Blacksad même si je préfère comme beaucoup de lecteurs le premier tome, Quelque part entre les Ombres. Le Dernier des Mohicans de Cromwell et Yaxin m’avaient bien plu aussi, et idem pour le Corbeau noir de la collection Wakfu Heroes. Je suis très éclectique comme tu peux le constater…
Sceneario.com : Quel a été ton dernier coup de cœur pour un livre ?
Dobbs : Ces temps-ci, je relis plutôt que je ne lis. Donc c’est un peu du « vieux » Stephen King et du « encore plus vieux » Ray Bradbury avec la Foire des ténèbres par exemple.
Sceneario.com : quel a été ton dernier coup de coeur pour un film ?
Dobbs : Damned ! Mes étudiants vont m’attendre au tournant sur ce genre de réponse (Dobbs est aussi formateur en histoire du cinéma à ArtFX, une école d’effets spéciaux de Montpellier). Dernièrement, j’ai revu Rayponce et Inception, et ça m’a fait du bien… Megamind et True Grit n’ont pas été les films que j’attendais en fait. Et j’ai eu dernièrement une excellente surprise en regardant un téléfilm HBO portant sur la biographie de Temple Grandin, avec Claire Danes dans le rôle principal.
Sceneario.com : quel a été ton dernier coup de coeur pour une musique ?
Dobbs : Quelques morceaux du groupe pop Persephone’s Bees, et la redécouverte des musiques de films composées par Rachel Portman.
Sceneario.com : Merci Dobbs pour ce temps passé avec nous.
Dobbs : Merci à toi, au plaisir…