Interview

Rencontre avec l’espion de l’Empereur, Bruno Falba

Sceneario.com : Bonjour Bruno. Ton actualité est un peu chargée pour cet automne avec la sortie du dernier tome de « Cathares » et du premier tome de « L’espion de l’Empereur ». Qu’est ce que cela te fait de clôturer Cathares ? De terminer cette saga et d’en entamer une autre ?

Bruno Falba : Bonjour… Oh, c’est toujours un sentiment étrange de clôturer une série… Un mélange d’excitation, de joie et de peine. De l’excitation, lorsque j’attends l’instant magique de tenir ENFIN l’album imprimé dans mes mains. De la joie, quand je peux toucher, sentir et redécouvrir les planches qui ont partagé ma vie durant des mois… De la peine à l’idée que cette aventure s’achève et qu’il faut tourner la page. Bien heureusement, de nouveaux projets voient le jour, tel que « L’espion de l’Empereur » (…ainsi que d’autres prochainement). Un nouvel enthousiasme m’envahi alors, plus fort encore que le précédent. C’est à chaque fois une immersion dans un nouvel univers, des rendez-vous avec de nouveaux personnages… Un voyage immobile que j’ai hâte de partager avec les lecteurs !

Révérend Carnet de croquis

Sceneario.com : Comment as-tu vécu l’épopée Cathares ?

Bruno Falba : …Sur des chardons ardents ! ^_^ Professionnellement, la trilogie « Cathares » a été une épopée en elle-même… Et ce, de la constitution du projet à la signature du contrat… Puis, de la première à la dernière case, comme une folle course poursuite dans les Pyrénées. J’ai eu le bonheur de travailler avec Fabio Bono, Dimitri Fogolin et toute l’équipe des éditions Glénat. Tous ont fait preuve d’un grand professionnalisme et d’une grande écoute. Ce qui m’a vivement encourager à donner le meilleur de moi-même. Travailler sur les cathares m’a permis de retrouver le pays de mes ancêtres et de traiter une page de notre histoire : la croisade contre les Albigeois.

Révérend Carnet de croquis

Sceneario.com : Qu’est ce qu’elle a représenté pour toi ?

Bruno Falba : Cette croisade est avant tout un choc entre deux mondes, celui de la Langue d’Oc. et de la Langue d’Oil. Notre famille a été fort marquée par ces évènements tragiques. Mon nom est Occitan (Falba comme Alba puise ses origines dans l’Empire Romain, c’est la couleur fauve clair). Ma grand-mère est une Marty. Elle portait le même nom que l’évêque cathare mort sur le prat dels cremats, au pied de Montségur. Mon second prénom est Raymond en mémoire des comtes de Toulouse. Et nous portons tous sur nous la croix Bosonides (nommé à tort « croix cathares »), celle que l’on trouve dans la ville rose sur la place du Capitole…

Sceneario.com : Si tu avais vécu à cette époque, comment aurais-tu réagi ?

Bruno Falba : C’est toujours plus facile d’avoir une opinion après que pendant. Prendre position au cours de tels évènements est une tout autre affaire. Je pense que j’aurai suivi les choix de ma famille. Nous savons qu’en 1209 ap. J-C, à l’approche des armées du nord, mes ancêtres ont conduis les femmes, les enfants et les personnes âgées à l’abris, au royaume d’Aragon. Les hommes en âge de combattre sont revenus au pays servir leur seigneur, Raymond IV comte de Toulouse. En 1229 ap. J-C, suite au traité de Maux mettant fin pour un temps au conflit, les survivants sont allés chercher le reste de la famille pour revenir sur la terre de nos ancêtres. Pour des raisons de sécurité, ils se sont établis à La Ville-Dieu-du-Temple, une commanderie Templière pour travailler comme tisserand. Les Templiers étaient restés neutres tout au long du conflit, pour deux raisons. La première, de nombreux cadets des seigneurs Occitans étaient entrés dans l’ordre du Temple. La seconde, les cathares étaient chrétiens. Les moines guerriers avaient pour règle de ne jamais tirer l’épée du fourreau contre un autre chrétien. Ce qu’ils ont fait.

Sceneario.com : En écrivant ton histoire, as-tu ressenti de la colère ou de la haine envers cette injustice qu’ont vécu les cathares ?

Bruno Falba : Je n’ai ressenti ni colère, ni haine. En revanche, je me demande régulièrement comment aurait évolué notre société, si les cathares avaient perduré ? Le catharisme serait-il devenu la principale religion de notre pays ? Ou bien aurait-il disparu sans pour autant avoir été traqué, comme ça a été le cas dans le reste de l’Europe ? Les cathares étaient largement minoritaires. Que serait-il passé, s’ils étaient devenus majoritaires ? Auraient-ils imposés leurs croyances comme le fond toutes les religions ? Ils ne mangeaient pas de viande et ne buvaient pas d’alcool… Que seraient devenues les spécialités culinaires du sud-ouest ? Les saucisses de Foix, le Cassoulet de Castelnaudary, le foie gras… Et les vins de Bordeaux, Cahors, Jurançon, etc. ?… Brrr… J’en ai froid dans l’dos et l’estomac tout noué. Finalement, je n’aurai pas fait un bon cathare ! (rire) Plus sérieusement, chaque époque à son lot de malheurs. Tout ceci appartient aujourd’hui à l’histoire. S’arrêter à tous ces drames et crier vengeance serait invivable et ne servirait à rien. Il est plus sage d’accepter notre passé.

Sceneario.com : Fabio Bono a fait des planches remarquables sur Cathares. Que penses-tu de son travail ? Retravailleras-tu avec cet artiste ?

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Bruno Falba : L’ami Fabio est un grand artiste bourré de talent. Je ne remercierai jamais assez Luca Erbetta de me l’avoir présenté. A cette époque, il n’avait pas encore le trait qu’on lui connaît. Je me souviens des premiers messages que nous nous échangions. Fabio ne maîtrisait pas encore la langue Française ni le type de narration que je lui demandais. Aussi, je devais lui expliquer chaque plan et autres vues du descriptif de mon découpage case par case, tel que la « vue panoramique » ! Grâce à l’aide précieuse de son épouse Marzia, il ne lui a pas fallu longtemps pour saisir ce que j’attendais. Il suffit de voir le résultat dans « Confessions d’un Templier » et « Cathares ». Pas une planche ne se ressemble. Le rythme est respecté. La composition est parfaite. L’immersion est totale. Le tout avec un raffinement, une sensibilité artistique typiquement Italienne. Fabio a magnifié mes scénarios tout au long de ces années. Comment pourrai-je ne pas souhaiter travailler de nouveau avec lui ? …Tout comme avec Dimitri Fogolin, notre coloriste. Sur le troisième tome, il n’était plus utile d’apporter la moindre explication. La symbiose était au rendez-vous. J’espère que nous aurons l’occasion de collaborer tous ensemble. Pour l’heure, nous avons besoin de multiplier les expériences sur de beaux projets !

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Sceneario.com : Tu sors aussi chez Joker « L’espion de l’Empereur ». Tu reviens à la période Napoléonienne avec cette série. Qu’est ce que cela représente pour toi ?

Bruno Falba : « L’espion de l’Empereur » est l’occasion de parler d’une période clef de notre histoire où « citoyen » et « citoyenne » n’étaient pas de vains mots. La méritocratie était une réalité et non pas un leurre comme c’est le cas aujourd’hui. La vieille Europe était bousculée par un vent de liberté porté par les enfants de la révolution Française. Les dirigeants Européens actuels ne l’ont pas oublié. Ils étaient présents à chaque commémoration du bicentenaire, contrairement à nos hommes politiques de droite comme de gauche. Pire encore, nos élus ont gommé le nom de l’Empereur dans les manuels scolaires. C’est à croire qu’ils craignent que le petit Corse leur fasse de l’ombre ! Enfin… Quoi qu’il en soit l’ère Napoléonienne est d’une grande richesse sur le plan politique, économique, sociale, qui laisse une réelle place à des récits riches à tout point de vue.

Sceneario.com : Et quel est le pitch de cette nouvelle série ?

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Bruno Falba :  1805, La IIIème coalition déclare la guerre à l’Empire. Napoléon part en marche forcéeaffronter les Autrichiens et les Russes à la tête de la Grande armée. A raison de 60 km par jour, les troupes Françaises vont rejoindre Strasbourg. Schulmeister, l’espion de l’Empereur, est envoyé de l’autre côté du Rhin pour des missions de reconnaissance et de renseignement. Puis, il devra gagner la confiance de l’état-major Autrichien avant de le plonger dans la confusion la plus totale. Schulmeister est un James bond à la Française aux services de l’Empereur, sans les gadgets de l’espion de sa majesté. Le plus fameux agent secret Français a participé aux campagnes de Napoléon 1er en séduisant et en intoxiquant les états-majors adversaires. Célèbre pour ses multiples déguisements, il a développé tout un réseau d’informateurs dans les camps ennemis et parmi la population Juive, libérée de ses ghettos par l’Empereur des Français. « L’espion de l’Empereur » raconte les missions impossibles du plus redouté agent secret du 1er Empire, Charles Louis Schulmeister.

Sceneario.com : As-tu fait de nombreuses recherches avant de te lancer dans cette nouvelle aventure ?

Bruno Falba : Comme pour chacune de mes séries de genre historique, j’ai rassemblé et étudié de nombreux ouvrages sur la société, les évènements et les uniformes de cette époque. J’ai lu les correspondances de l’Empereur, ainsi que plusieurs biographies de Schulmeister. Le tout m’a pris plusieurs années avant de démarrer la rédaction du scénario.

Sceneario.com : La période de Napoléon t’inspire t’elle d’autres projets ?

Bruno Falba : Oh oui, toujours ! La période est tellement riche et passionnante. J’espère pouvoir mener à bien d’autres projets. Tous sont différents. L’un d’eux me tient particulièrement à cœur. Il repose sur l’état des services d’un officier issu d’une souche familiale commune à la mienne. Je me suis pris d’affection pour lui, au point de remporter un lot de souvenirs lui appartenant, à l’occasion d’une vente aux enchères à l’Hôtel Drouot. J’ai travaillé avec un groupe de recherche composé d’historiens, afin de ne rien laisser au hasard. L’équipe est en place. Il ne reste plus qu’à séduire un éditeur avec cette nouvelle aventure. Affaire à suivre !

Sceneario.com : Comment as-tu choisi ton dessinateur ? Qu’est ce qui t’as plu dans son travail ?

Révérend Carnet de croquis

Bruno Falba : Lorsque j’ai constitué le dossier éditeur, je recherchais un dessinateur qui connaisse parfaitement l’ère Napoléonienne. Les amateurs de cette période sont des passionnés, très attentifs au moindre détail. Ils sont aussi très critiques. Il ne faut surtout pas les décevoir. Je me suis donc tout naturellement tourné vers des collaborateurs issus des pays de l’est, plus familiarisés avec cette époque. Le trait de Sibin Slavkovic, d’origine Serbe, m’a immédiatement séduit. Il correspond exactement à ce que je recherchais. Il a fallu adapter son dessin classique à une narration dynamique, grâce à des successions de vues panoramiques. Sibin, qui est un professionnel, a su répondre à mes attentes. Je suis ravi d’avoir fait le bon choix. C’est l’homme qu’il fallait pour relever le défi de « L’espion de l’Empereur » ! Véronique Gourdin nous a rejoint en apportant sa sensibilité féminine. Notre coloriste s’est attachée à étudier scrupuleusement l’uniformologie. Ce qui, il faut le dire, n’est pas toujours glamour pour une jeune femme. Puis, elle a habillé nos planches avec les ambiances automnales propres à la Bavière. Le temps était pluvieux, le ciel était gris et bas. Le rendu est à la hauteur de mes espérances. Autant dire que Sibin et Véronique ont accompli leur mission avec brio !

Sceneario.com : As-tu d’autres projets à venir ? De nouvelles séries en vues ? Et tes séries en cours ?

Bruno Falba : Durant 2012, j’ai multiplié les expériences dans des domaines différents. Ainsi, j’ai collaboré avec un orchestre philharmonique sur des musiques de films (« Première ! », avec l’Azur symphonic orchestra, ainsi que les doublures voix des « Simpson », Philippe Peythieu et Véronique Augereau), puis comme directeur de collection de roman de genre thriller-fantastique (« Le bouclier obscur » de John Lang ; « Les 13 crimes de Théodem Falls » d’Anthony-Luc Douzet et la participation du comédien Jean-Claude Dreyfus). Et enfin, j’ai répondu à des commandes pour l’audiovisuel en tant que scénariste. Aujourd’hui, je planche sur le tome 2 de « L’espion de l’Empereur », ainsi que sur deux nouveaux albums de genre historique. Des dessinateurs m’ont contacté pour monter de nouveaux projets dans des genres différents. Certains sont en discussion, d’autres en cours de modification pour répondre aux attentes des éditeurs. Nicolas Duval (réalisateur du court-métrage « Peter », l’adaptation de la bande dessinée de Loisel) trépigne d’impatience pour que je le rejoigne sur un très beau projet Steampunk… Parallèlement à cela, une production m’a confié le scénario d’un film d’animation… J’ai comme le sentiment que l’année 2013 s’annonce particulièrement dense !

Sceneario.com : Merci, Bruno, pour ce temps passé avec nous.

Bruno Falba : …Mais c’est moi qui vous remercie de m’avoir accordé cette interview. Bonne continuation à sceneario.com… Et comme on dit chez nous en cette fin d’année, bon bout d’an ! 😉

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