Sceneario: Salut, peux tu te présenter en quelques mots?
Sandro MASIN: Salut, moi c’est Sandro, j’ai 32 ans et je sors mon premier album « ECTIS » chez nuclea2 ce mois-ci…
J’ai quitté il y a peu la folie parisienne pour me mettre plus au vert, au calme en province et me rapprocher de l’océan et de mes planches de surf. Je pense que c’est mieux pour être plus productif et créatif . Pour le reste, on verra dans la suite de l’interview parce que là ça fait déjà pas mal de quelques mots et je ne veux pas anticiper sur la suite…
Sceneario: Comment es tu arrivé à la BD?
SM : Je suis tombé dans la marmite tout petit… Je lisais des bd quand j’étais gosse comme Astérix, Gaston, Boule et Bill, Tintin, Pif gadget, bref les grands classiques. Et je m’amusais comme beaucoup d’autres, je pense, à essayer de les reproduire. Au collège, je m’amusais à dessiner mes potes à mobilette et j’avais même commencé une BD du genre un mélange entre la 7ème compagnie, la grande évasion et la grande vadrouille le tout dans un style très Uderzo… Mais j’ai vite laissé tomber pour passer aux aventures de Matt Lispken dans « A la poursuite du trésor perdu »… Pareil, c’était un mélange avec un peu d’Indiana Jones et du film « à la poursuite du diamant vert » avec un kidnapping et un mafioso qui veut une carte au trésor, le tout dans un mélange entre Hergé et Maëster (j’ai osé)… C’est là que j’ai découvert Fluide glacial et du coup mes lectures ont évolué. J’ai même participé à l’époque à un concours pour le magazine Fluide glacial qui recherchait de nouveaux talents et j’ai réalisé 3 planches et… ça n’a rien donné (normal, quand je revois les planches, je les comprends). Par la suite, j’ai vraiment explosé et je me suis intéressé à des tas d’autres styles je suis tombé dans le comics (Strange, Marvel, Spiderman, X-men…..) et le médiéval-fantastique après avoir vu le film Conan et d’autres du genre et même le manga et la jap-anim. J’ai aussi découvert le maître absolu (pour moi) Franck Frazetta et d’autres auteurs BD (Loisel, Vatine, Wendling). Du coup, mon dessin a évolué et en plus je suis entré dans une école de graphisme (Auguste Renoir) pour passer un BT dessinateur maquettiste.
Chaque année, y avait le concours BD caisse d’épargne pour le festival d’Angoulême et avec des potes de classe on le faisait. Ensuite, on s’organisait une journée le samedi du festival d’Angoulême pour y aller et voir nos planches exposées. C’est là que j’ai vraiment découvert cet univers en voyant les auteurs dédicacer, des albums partout… C’était la caverne d’Ali-Baba… Ça a provoqué le déclic et j’ai commencé à bosser sur des projets plus sérieux dès que j’ai eu mon diplôme en poche. A la sortie de l’école, j’ai été pris en stage dans une agence de pub par la BD (trans BD communication) et ça m’a permis de rencontrer des auteurs comme Maëster, Margerin, Dragan de Lazare et d’autres encore. J’ai fait mes premières armes dans cette agence pour des albums et des illustrations et c’est à ce moment que je suis devenu free-lance. Et puis à partir de là, j’ai pas arrêté de monter des projets et d’aller voir les éditeurs pendant dix ans… Chaque fois c’était pas au point, il fallait rebosser, problème de mise en scène, on sent trop les influences (comics-manga-vatinienne) ce que je faisais et je retournais les voir et ainsi de suite sur un projet et puis un autre etc. Mais grâce à ça j’ai vu mon style évoluer et c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Aujourd’hui, je leur en suis reconnaissant car c’est aussi un peu grâce à eux que j’en suis là. Mais c’est pas fini, ce n’est que le début et mon style et mon dessin continueront d’évoluer et de s’améliorer. Toutes ces années, j’ai fait de la BD pour des journaux, des magazines, des affiches, des illustrations, du jeu, de la pub, des fiches éducatives mais jamais pour un éditeur jusqu’à Ectis. Yves Chelet (le boss de l’époque) nous a tout de suite contacté lorsqu’il a reçu le dossier.
Ça a mis quelque temps (plus de 10 ans) mais mon 1er album est là…
Sceneario: Comment s’est passée ta rencontre avec Nicolas Pona? Et avec le coloriste Pask?
SM : Nicolas, c’est assez particulier… Même lui, il ne sait plus trop comment il a eu mes coordonnées… Peut-être à une soirée festive qu’il avait peut-être un peu trop arrosée. Dans les méandres de ses souvenirs, une connaissance aurait trouvé un dossier d’un projet à moi dans la poubelle d’un auteur BD directeur de collection de sa région et lui aurait transmis… Ensuite, il m’a envoyé deux scénarii dont Ectis. A l’époque je n’avais plus vraiment de projet en cours alors j’ai tenté l’aventure. On s’est rencontré une première fois dans un Quick à coté de la gare St Lazare, depuis, ça a été quasiment à chaque fois notre QG de rendez-vous lorsqu’on allait démarcher les éditeurs. Même si on ne se connaissait pas, je peux dire qu’avec Ectis une amitié s’est tissée entre nous et on échange chacun nos points de vue pour faire évoluer le bébé dans le bon sens.
Pask, on se connaît depuis pas mal de temps par des potes en commun puis je me suis occupé quelque temps d’un atelier de BD pour le service jeunesse de la ville où on vivait et il est venu. On a fait un album collectif avec des jeunes de la ville et quand je ne pouvais plus m’en occuper, c’est lui qui a pris le flambeau et l’atelier est aujourd’hui une association. On a toujours gardé le contact et j’y allais de temps à autre faire un coucou et voir l’évolution. Lui, il a signé (pour la couleur) chez Zenda avec un autre pote de cet atelier (Franck Poua au dessin) pour une série « Balder ». Du coup il a fait d’autres mises en couleur pour d’autres séries. Comme je bossais à plein temps en plus de la réalisation de l’album ECTIS et que j’apprécie son travail, je lui ai proposé de faire les couleurs sinon l’album serait sorti dans dix ans…. Il a accepté et je dois vraiment le féliciter et le remercier pour le superbe boulot qu’il a fait.
Sceneario: C’est ta première BD… tu penses en faire ton unique métier?
SM : C’est la première et pas la dernière j’espère… Pour ce qui est d’en faire mon unique métier, oui je souhaite en faire mon unique métier, mais je suis réaliste et il y a du monde sur le marché (et même des très bons). Il m’a fallu 10 ans pour signer mon premier album, je pense qu’avant d’en vivre correctement, il va me falloir encore quelques albums et quelques illustrations pendant encore quelques années. Maintenant, je continue de faire de l’illustration pour différents supports pour pouvoir vivre et faire manger ma famille. Je peux quand même m’estimer heureux aujourd’hui de pouvoir faire ce que j’aime (BD et illustration) et pouvoir plus ou moins en vivre car y a des haut et des bas… En même temps, j’ai pu bosser dans le dessin animé et là je me suis rendu compte que beaucoup d’auteurs y sont allés (ça paye mieux d’après eux). Je crois que pouvoir faire un peu d’illustrations à côté me permettra aussi de continuer à rencontrer d’autres gens et m’enrichir aussi sans m’enfermer dans un seul mode d’expression. J’ai aussi envie de peindre et de sculpter mais les journées ne font que 24 heures et c’est pour tout le monde pareil…
Sceneario: As tu déjà commencé à travailler sur le tome 2?
SM : Franchement, oui dans la tête non sur le papier… J’ai actuellement quelque soucis avec mon futur ex employeur et des impératifs financiers qui font que j’ai besoin d’argent rapidement. Donc je fais des illustrations pour essayer de m’en sortir mais c’est très chaud. Et je ne pensais pas qu’on puisse être sans parole et si mauvais à ce point là (les méchants d’Ectis pourraient paraître presque des anges à côté)… Cela dit, je vais me mettre sur le storyboard et les recherches de personnages ce mois-ci. Pour ne pas perdre trop de temps entre le tome 1 et le tome 2. Et puis maintenant que j’ai réalisé mon rêve de gosse c’est pas pour laisser tomber.
Sceneario: Comment se passe une journée de travail de Sandro?
SM : Pendant la réalisation du tome 1 d’Ectis la journée commençait à 6 heures… Je bossais un peu sur mes planches et prenais mon petit dej sur le pouce entre 6 et 7. Ensuite après une douche, j’embauchais à Paris à 8 heures pour faire de l’anim flash pour une société de e-learning (formation à distance).
J’étais de retour chez moi vers 18 heures et après avoir passer quelques instants (très courts ! (rajout de sa femme!)) en famille, j’enchaînais sur les planches d’Ectis parfois jusque très tard avec juste une pause pour dîner en famille. Le gros du travail se faisait les week-end et les jours fériés. C’était pas toujours facile surtout lorsqu’il faisait beau et que t’en avais un peu marre d’être enfermé dans un HLM de banlieue. Je crois que je ne remercierai jamais assez ma femme et mes enfants pour leur patience pendant toute la réalisation de cet album…
Pour le tome 2, je pense que ce sera différent. Je me lèverai toujours tôt mais vu que je risque de ne plus travailler à plein temps, j’aurai sûrement plus de temps pour réaliser les planches dans la journée. On verra bien.
Sceneario: Avec quels auteurs aimerais-tu particulièrement travailler?
SM : Il n’y a pas un scénariste en particulier avec qui j’aurais aimé travailler. Qu’il soit connu ou pas l’important pour moi c’est que l’histoire qu’il me propose m’inspire, que je la vive, qu’elle me fasse…. Bref qu’elle me transporte. Ça a été le cas pour Ectis, une histoire aux bases on ne peut plus classiques : une femme engage un détective pour retrouver son mari… Y a pas plus simple, pourtant avec une base aussi simple Nicolas a réussi à faire un imbroglio pas possible avec les personnages que là tu vois plus l’histoire pareille… Le tout dans un univers cyberpunk.
Maintenant, pour citer des auteurs (scénaristes) que j’apprécie, il y a Desberg (le scorpion, l’étoile du désert), Duval, Clément (adios palomita), et d’autres que j’oublie.
Sceneario: Tu as d’autres projets?
SM : Pleins, des tas, mais pour le moment Ectis 2. J’aimerais faire du western, du médiéval fantastique, du cyberpunk. J’ai des idées de scenars mais je suis pas scénariste alors quand j’aurai le temps je filerai mon idée de base à un scénariste pour qu’il mette le tout en forme… Sinon y a les éditions Paquet qui sont intéressées et qui doivent m’envoyer un scénar. On verra bien.
Sceneario: Que penses-tu de l’essor de la BD de ces dernières années?
SM : Le marché est reparti et a explosé, y a peut être une saturation du marché. Avant d’être auteur, je suis aussi lecteur et devant la foison d’albums et leur prix, on ne peux pas tout acheter et il faut faire une sélection et ce sont les grands noms qui tirent leur épingle du jeu. En même temps, quand je vois le travail que représente un album je me dis que c’est pas assez cher. Malheureusement dans tout ça certains ne décollent pas et restent à la traîne, il font peut-être un deuxième album et c’est fini si il marche pas non plus. Je pense que y a du bon et du moins bon dans tout cet essor. Ça peut permettre à des gars comme moi de se lancer et d’avoir leur chance mais rien ne dit que le succès est au rendez-vous et on peut se ramasser aussi sec quand en même temps t’as des kilos d’albums qui sortent, que parmi eux, t’as des monstres de la BD et que tu passes inaperçu. Mais restons positif, ce n’est qu’un premier album et on fera mieux au prochain et encore mieux au suivant et ainsi de suite.
Sceneario: Que lis tu?
SM : Euh…. des BD. Je lis peu, c’est un tort je sais, encore que, ces derniers temps un ami que j’apprécie m’a offert « SUNTZU – l’art de la guerre » et j’ai fait l’effort de le commencer. Je lui ai dit que je finirai et je tiendrai parole. En fait, le temps me manque pour lire un bon bouquin… Les derniers bouquins que j’ai lu doivent être les mystères de Jérusalem (Mareck Halter) ou les techniques du scénario.
Sceneario: Quelle BD as-tu particulièrement aimée dernièrement?
SM : Mes économies ne m’ont pas permis de m’acheter beaucoup d’albums ces derniers temps aussi j’ai peu lu d’albums…
Les derniers qui m’en ont mis plein les mirettes sont Blacksad (T.2) pareil un détective une enquête classique mais une telle claque artistique. Ils ont mis la barre très haut tant au niveau du dessin que des plans de la mise en scène… Bref un bijou.
Un autre album ou plutôt série « Le Scorpion » (Marini-Desberg), là je suis fan. Ils arrivent à donner une telle pêche tenir l’intrigue dans un style qui de prime abord n’attire pas vraiment (le cape et d’épée). C’est là que je trouve ça grand… Parce qu’on aurait pu traiter cette histoire à une autre époque et un autre univers.
Enfin, j’ai beaucoup apprécié « Volunteer » (Springer et Sevestre). Je trouve le travail de Springer très réussi ; il a une maîtrise de l’anatomie et du corps humain qui est impressionnante et me laisse sans voix. Je me dis que derrière tout ça y a des années de boulot mais qu’en même… En plus, ils ont réussi à raconter une histoire de vampire sans tomber dans les clichés et puis, l’univers et l’ambiance sombre qu’ils ont donnés rendent l’ensemble vraiment très bien.
Sceneario: Que penses-tu du net? tu t’en sers?
SM : Au début, je me demandais bien à quoi ça pouvais me servir… Aujourd’hui je ne peux plus m’en passer.
C’est pour moi une mine d’or de documentation en tout genre. Tu cherches quelque chose, tu le trouves, c’est magique.
En plus, avec Nicolas qui vit à Rouen, Pask en région Parisienne, et moi en Gironde le net et les mails fonctionnent en permanence. En plus, c’est plus rapide que la poste (et y a pas de grève). Regarde, ce qu’on fait en ce moment… On passe par le net pour cette interview…
Sceneario: Que penses-tu des sites sur la BD? Et de sceneario.com?
SM : Je ne pensais pas qu’il y en avait autant, j’ai été agréablement surpris. Après, je ne les ai pas tous visités (j’ai plus l’adsl pour le moment) mais je trouve ça très bien. La presse BD est plutôt… Il en reste? (Je rigole.) Aujourd’hui, il n’en reste plus beaucoup (il parait même que pavillon rouge c’est fini. dixit certains sites BD) et le peu qui reste appartient à des maisons d’éditions qui font la promo et la pré-publication de leurs auteurs. Il y a eu un mag BD que j’appréciais, c’était « Ekllipse » . Y avait de tout : de la BD à papa, du comics, du manga, des auteurs connus et inconnus bref la BD en général…
En tout cas, grâce aux sites BD comme Sceneario,.com, on trouve des infos sur les sorties chez tous les éditeurs mois par mois. En plus, maintenant que je ne suis plus à Paris, j’ai plus la Fnac au coin de la rue pour aller voir quelles sont les dernières sorties donc le net me permet de me tenir informé. En plus, les sites BD sur le net sont gratuits et on y trouve les infos sur les sorties (je l’ai déjà dit ça), des interviews d’auteurs (même des inconnus comme moi), des images inédites…
Du coup, je me demande si compte tenu du prix que ça coûte de faire un magazine BD c’est pas moins cher de le mettre en ligne… Ou si justement du fait qu’on trouve pleins d’infos sur le net et les sites BD les magazines ne peuvent pas rivaliser…
Bref, tout ça pas pour lancer un débat ou une polémique mais juste que y a un tas de gens qui passent sur le net et ce genre de site, que c’est un médium aussi fait par des passionnés et fans de BD qui ouvre ses pages à tous le monde et c’est ça qui est génial… D’ailleurs, pour le moment, les seules interviews de moi ont été diffusées par le net… Quoi que… j’ai eu à l’époque quelques pages sur moi dans le n°5 d’Ekllipse.
Sceneario: Merci beaucoup pour tout le temps que tu nous a accordé et bonne continuation.